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La bataille de Leucate (28 septembre 1637)

La bataille de Leucate (28 septembre 1637)

Année 1637. Voilà maintenant deux ans que la France est entrée en guerre, contre l’Espagne et l’Empire Habsbourg. L’année 1635 avait bien débutée pour les armes françaises. Alors que le maréchal de la Force chasse le duc de Lorraine, les maréchaux Châtillon et Brézé battent l’armée espagnole du prince Thomas de Savoie  à Avins, le 22 mai. Mais la mauvaise entente de ces deux maréchaux et les hésitations du prince d’Orange ne permettent pas aux deux maréchaux de progresser plus loin que Maestricht. En Suisse, le duc de Rohan chasse les impériaux de Valteline en cinq mois, puis se retourne contre l’armée espagnole du Milanais qu’il bât le 10 novembre.

L’année 1636 sera plus contrastée. En Bourgogne, le prince de Condé assiège Dôle mais doit battre en retraite face aux armées du duc de lorraine et de Galas qui franchissent le Rhin. Au mois d’août, les impériaux entrent en Bourgogne et mettent le siège devant Saint-Jean-de-Losne. Le duc Bernard de Saxe-Weimar et le cardinal de la Valette viennent secourir la ville qui résiste héroïquement, obligeant les impériaux à lever le siège le 4 novembre. En Italie, le maréchal Créqui est battu par les Espagnols de Leganez le 27 février à Vespolate, mais obtient sa revanche le 22 juin, à Tornavento. C’est des Flandres que vient la principale menace : le Cardinal-Infant, ayant rassemblé une vaste armée de 30 000 fantassins et 12 000 cavaliers, pénètre en Picardie le 2 juillet et prend La Capelle, Le Catelet et Bray-sur-Somme avant de se présenter devant Corbie. Louis XIII constitue alors une nouvelle armée avec tout ce qu’il a sous la main : il lève le Ban et l’Arrière-ban et renforce ainsi l’armée de Champagne, commandée par le comte de Soissons, et celle du maréchal Brézé rentrée de Hollande. Le Cardinal-Infant fait alors le choix de la prudence et ramène son armée en Flandres pendant que les Français mettent le siège devant Corbie, qu’ils prendront le 14 novembre.

La campagne 1637 débute sous de bons auspices, grâce à la prise des îles de Lérins par l’armée navale du cardinal de Sourdis, le 15 avril. Cette année-là, Louis XIII dispose de trois armées dans le Nord du pays. La première, commandée par le cardinal de la Valette, se trouve à Cambrai. la seconde commandée par le maréchal de La Meilleraye se trouve dans le Boulonnais, la troisième commandée par le maréchal de Châtillon se trouve sur les frontières de Champagne et de Luxembourg. Début juin, le cardinal de la Valette pénètre en Flandre et prend Cateau-Cambresis et Landrecies, en juillet. Alors que le maréchal de Châtillon piétine devant le Luxembourg, le duc de Weimar inflige une défaite au duc de Lorraine le 22 Juin sur la Saône. En Bourgogne, le duc de longueville prend Saint-Amour le 2 avril puis Lons-le-Saulnier le 25 juin. En Valteline, une révolte des Grisons oblige le duc de Rohan à quitter le pays, celui-ci rejoignant alors l’armée du duc de Weimar.

Mais l’Espagne a ouvert un nouveau front. Le 29 août, les Espagnols de Cerbellon (10 000 fantassins, 2 000 cavaliers et 24 canons) se présentent devant Leucate. Malheureusement pour eux, la petite garnison de Leucate commandée par de Barry (110 hommes plus 60 paysans) va résister plus d’un mois.

Le duc d’Halluin réunit une armée

Pendant que les Espagnols élèvent des retranchements sur la montagne de Leucate, le duc d’Halluin s’active. Il écrit à la noblesse du Languedoc, aux parlements de Toulouse et Montpellier, aux villes de la province de lui porter assistance. Ne disposant que de sa compagnie de gendarmes, des régiments de Languedoc et de Castelan, ce dernier en cours de recrue et prévu à l’origine pour l’armée d’Italie, il demande aux communes du pays d’assembler des milices. Le régiment de Vitry et la compagnie de chevaux légers de Boissac, sont envoyés en renfort de Provence. Ce seront les deux seules unités non levées en Languedoc.

Mais Halluin est conscient que Leucate doit tenir pour lui donner le temps de réunir cette armée. Il envoie Saint-Aunès, fils du seigneur de Barry, à la tête de 200 hommes du régiment de Languedoc pour renforcer la place. Cette tentative ayant échoué, il envoie Fabré, capitaine d’une compagnie du régiment de Serignan, à la tête de 300 hommes de la milice de Narbonne pour renforcer Sigean.

« Attaquez vivement les Espagnols » avait dit Richelieu à Halluin, « et ne leur donnez point le temps de se fortifier en Languedoc, comme ils ont fait vers Saint-jean-de-Luz. Ils n’ont pas trois mille bons soldats. Tout le reste n’est que de la milice ramassée. Nous le savons certainement. Si on les presse vivement, on en aura raison. Je ne doute point que vous ne fassiez l’impossible en cette rencontre. Qui attaque vigoureusement les Espagnols en a raison, et qui entreprend de les réduire par la patience, n’y trouve pas son compte. »

Le 22 septembre, le duc d’Halluin effectue une revue de ses troupes. Elles sont composées de 9 000 hommes de pied et 800 cavaliers, qui seront renforcées, les jours suivants, de 1 200 hommes de pieds et 200 cavaliers. De son côté, le comte de Cerbellòn ne reste pas inactif. Début septembre, l’effectif de l’armée espagnole est estimé à 12 000 hommes de pied et 1 300 hommes de cheval.

Mais, estimant qu’il n’a pas assez d’hommes pour défendre la tranchée d’une lieue qu’il a fait creuser, il demande au duc de Cardona un renfort de 2 à 3 000 hommes de pied. En réponse, le Conseil des Cents catalan fait lever un nouveau tercio de 500 hommes, soldé pour trois mois et le Conseil d’Aragon lève un tercio de 1 000 hommes. Mais Cardona s’aperçoit vite que ces unités ne passeront pas la frontière, leur constitution ne leur permettant ni de quitter leur pays, ni de porter la pique et le mousquet. De dépit, il envoie 3 compagnies en renfort à Cerbellòn.

Le champ de bataille

Selon le Mercure Français, « Leucate est une montagne sur le bord de la mer, et à l’extrémité de la France, du côté qu’elle confronte avec la plaine de Roussillon. La figure est comme une péninsule, qui est du levant, & du midi environnée de la mer, & du couchant bordée de l’étang, que les Français appellent de Leucate, et les Espagnols de Salces, parce que l’une et l’autre de ces places se trouvent sur le bord de cet étang ; l’une dans la France, et l’autre dans le Roussillon. La tête de la montagne de Leucate qui regarde la France du côté du nord a près de 1 500 pas de front, dont il y a une grande partie qui est inaccessible pour être d’un rocher escarpé, et il n’y a que fort peu d’endroits ou la pente adoucie par la terre, qui s’est éboulée de la montagne, puisse donner accès à cavalerie ; les avenues de cette montagne sont dans une plaine, commandée de cette éminence, sans qu’il y ait une continuation pour l’aborder ; et encore ces avenues sont restreintes par les étangs de la Palme et de Leucate, lors qu’ils viennent à grossir par les pluies. »

La bataille

L’armée du duc d’Halluin compte 11 000 fantassins et 1 000 chevaux. Il ordonne alors cinq attaques :

La première attaque devra être menée sur le pont situé à droite (entre la montagne de Leucate et l’étang) par Saint-Aunès, avec son régiment (500 hommes), les milices de Narbonne (au moins 800 hommes) et de Béziers (800 hommes), et soutenue par la compagnie de volontaires commandée par Lairan/Leran (30 chevaux) et une compagnie mousquetaires à cheval de Toulouse aux ordres de Calvet (50 chevaux).

La seconde sera menée à gauche vers le port de la Franqui par le régiment de Languedoc (1200 à 1600 hommes en 2 bataillons), les milices de Jonquières, Cauvisson et de Mirepoix (500 h?) et sera soutenue par la cavalerie du marquis d’Ambre (150 volontaires), la compagnie des gendarmes de Cramail (50 chevaux) et la compagnie de chevau-légers d’Espondillan (50 chevaux).

La troisième attaque, à droite du régiment de Languedoc, sera menée par Saint-André avec son régiment (400 hommes), les milices de Nîmes (400 hommes) et de Castries (500 hommes) et sera soutenue par les compagnies de gendarmes du duc d’Halluin (100 chevaux au maximum) et les volontaires de Clermont-Sessac (50 à 60 chevaux) et de Magalasse (40 chevaux).

La quatrième attaque, à droite de Saint-André, sera menée par le régiment de Castelan (500 hommes), les milices de Montpellier (900 hommes) et de Carcassonne et sera soutenue par la cornette blanche d’Aubijoux (100 chevaux), et les compagnies de volontaires de Mirepoix, de Monssolens et de Mauléon (50 chevaux chacune pour un total de 150).

La cinquième attaque, à droite de Castelan, sera menée par les régiments de Vitry (1200 hommes), et les milices de Murviel et de Valat (plus de 300 hommes) et sera soutenue par les gardes d’Halluin (55 chevaux), une compagnie de mousquetaires à cheval de Toulouse aux ordres de Casel (50 chevaux), et les compagnies de chevau-légers de Boissac (52 chevaux), de Sainte-Croix, de Saussan et de Malves (autour de 40 chevaux par compagnie).

Une réserve formée des milices de Lodève, de Ganges et des Cévennes (au moins 1000 hommes) fut placée à la garde du camp, à droite de ces cinq corps.

Le duc d’Halluin aligne alors son armée en bataille, ses 4 canons placés au bord de l’étang de Leucate à gauche de la grange des Fenals, et fait distribuer échelles, fascines et fagots de paille aux unités de tête des attaques, afin d’abattre les retranchements ennemis, de combler les fossés, et de faire des ouvertures pour la cavalerie.

Au coucher du soleil, les cinq attaques sont lancées au signal de quatre coups de canons. « L’armée marcha vers les retranchements des ennemis avec telle gaieté, que les enfants perdus qui avaient été détachés de leurs corps, chargés comme ils étaient d’échelles et de fascines, allaient chantant des vers qu’ils avaient composés en langage du pays, contre le duc de Cardone et le comte Cerbellon » rapporte le Mercure Français de l’époque. « Il fut bien difficile de garder l’ordre en montant, parce que la nature du rocher qui était en beaucoup de lieux, resserrait les troupes dans les avenues dont l’accès était plus aisé ; et il est impossible d’exprimer le péril où nos soldats étaient durant les approches, car le feu de 6 000 mousquets, qui défendaient la ligne attaquée, fut entretenu par les Espagnols avec un si grand ordre et diligence, qu’il faut leur donner la gloire de tirer des armes à feu tous les avantages possibles. La cavalerie française n’était pas exempte de ce danger, car ayant reçu commandement de serrer les derniers rangs de l’infanterie, tous les escadrons étaient dans la portée du mousquet. Et il y avait de quoi s’émerveiller du petit nombre d’hommes que nous perdîmes en ces approches, durant lesquelles toute l’armée fut bien près d’une heure exposée au canon et au mousquet de l’ennemi, qui tirait avec d’autant plus d’assurance, qu’il était à couvert dans ses forts, et avait pour visée de si grands corps de cavalerie et d’infanterie, que les coups en semblaient infaillibles. Un vent de nord qui s’éleva fort impétueux au commencement de l’attaque, incommoda fort les mousquetaires espagnols, il portait le feu et la fumée dans leurs yeux, ce vent en langage du pays est appelé Vent droit, & le secours que nos troupes en reçurent faisait croire que la justice du ciel l’envoya pour favoriser notre bonne cause » poursuit ce journal.

L’attaque de Saint-Aunès, à droite, est repoussée, son chef ayant été blessé à la tête. Mais les quatre autres eurent plus de succès : l’infanterie repoussent les bataillons espagnols de leurs retranchements et ouvre la voie à la cavalerie qui suit.

A gauche, le régiment de Languedoc, divisé en deux bataillons, repousse ses adversaires à coups de piques et d’épée et parvient à prendre les redoutes et le fort royal de la Franqui défendu par le tercio d’Oropesa alors que les enfants perdus se faufilent par différents passages. Languedoc aurait été la première unité à pénétrer les défenses ennemies. Le bataillon des régiments de Mirepoix, Jonquières et Cauvisson suit. Alors que le régiment de Languedoc emporte les retranchements de gauche, celui de Saint-André parvient à forcer ceux qui lui sont assignés. Le régiment de Castelan en fait de même, soutenu par les milices de Carcassonne, ainsi que le régiment de Vitry.

L’infanterie a ainsi réussi à ménager un passage à la cavalerie. A droite de Languedoc et de Saint-André, une contre-attaque de cavalerie espagnole repousse des régiments de milice  sur leur soutien de cavalerie. Devant l’impossibilité de rallier ces milices, Halluin envoie ses gardes et les compagnies de volontaires d’Aubijoux et de Mirepoix pour charger la cavalerie ennemie. Les gardes, après avoir ouvert le feu à 10 pas, chargent soutenus par les deux compagnies de volontaires. Mais ces derniers se perdent en poursuivant l’ennemi dans la nuit noire. Ne parvenant toujours pas à rallier les milices de Nîmes et de Castres, Halluin passe les retranchements à la tête de la compagnie de chevau-légers de Boissac soutenu par quelques compagnies de volontaires formant un petit escadron (le tout devant faire moins de 250 chevaux). Débouchant devant l’escadron de cavalerie liégeoise de la Terraza, le duc d’Halluin le charge et le renverse.

Cerbellòn fait alors donner sa réserve : le tercio du Comte-Duc, 2 500 hommes en deux escadrons, sort du fort où il était retranché et tire par rang sur l’infanterie française mise en désordre par sa première attaque. Halluin réagit vite : il fait charger le tercio espagnol par les chevau-légers de Boissac et de quelques compagnies de volontaires, et parvient à le repousser jusqu’au fort. Il demande ensuite à Argencourt de lui envoyer les régiments de Vitry et de Languedoc qu’il avait réussi à rallier afin de déloger les espagnols du fort. Malgré la nuit, les Espagnols abattent de nombreux officiers par leur feu nourri. Mais une nouvelle charge de la cavalerie de Boissac soutient l’infanterie et les espagnols faiblissent, malgré sept de leurs piquiers qui résistèrent à douze piquiers français au cri de « Vive l’Espagne ! ». Une dernière contre-attaque de cavalerie espagnole (compagnie Marino) est mise en échec par l’increvable Boissac, les gendarmes d’Halluin et plusieurs compagnies de volontaires. Boissac y tuera même le capitaine Marino. Enfin, le tercio du Comte-Duc, malgré une résistance « inouïe » (ils se sont ralliés 8 à 10 fois autour du fort) fini par être enfoncé par les escadrons de Boissac et Sainte-Croix. Il aura fallu cinq heures pour venir à bout de l’armée espagnole. Halluin et ses gardes, Boissac, Sainte-Croix et les compagnies de volontaires qui les soutenaient firent jusqu’à neuf charges contre l’infanterie et la cavalerie espagnole. Et au bout de ces neuf charges, la compagnie de Boissac se ralliera une fois de plus en un instant au commandement de son capitaine.

Cerbellòn parviendra néanmoins à se retirer, à la faveur de la nuit, avec la plupart de ses drapeaux. Les français sont maîtres du champ de bataille, en ordre de bataille, les unités ralliées et l’arme au pied. Ils découvrent au petit matin l’ennemi en fuite. Leurs pertes atteignent 4 000 hommes tués, noyés ou blessés. Les français ont perdu 1 200 hommes dans la bataille. La compagnie de chevau-légers de Boissac, qui comptait 52 maîtres, n’en compte plus que 27, la compagnie de Sainte-Croix n’en a plus que 10 et les gendarmes d’Halluin n’en ont plus que 12. Halluin marche alors sur le camp ennemi avec sa cavalerie, y trouvant de la vaisselle d’argent, la paie de l’armée, 10 drapeaux et 2 cornettes, le parc d’artillerie et les munitions. Le duc d’Halluin gagna ce jour-là son bâton de maréchal, devenant maréchal de Schomberg.

 

Armée espagnole (Cerbellòn) : 12 000 fantassins en 10 escadrons(batailllons), 1 300 à 1 600 cavaliers, 18 canons

Remarque : le liste des unités provient principalement du Theatrum Europaeum et contient probablement quelques erreurs.

Lieutenant-général : Cerbellòn .

Aile gauche (Mortara, 5 bataillons) : un petit escadron du tercio majorquin de Francisco de Espejo dans le fort en bas de la péninsule de Leucate. Puis, à sa droite, un escadron du tercio de Villena puis un escadron du tercio du comte-duc Olivares commandé par Mortara puis un escadron du tercio de Ciudad Real. Derrière, entre ces deux escadrons, un deuxième escadron du tercio comte-duc d’Olivares.

Centre (Juan de Arce ? 2 bataillons) : Un escadron du tercio d’Aguilar (à droite du tercio de Ciudad Real) puis un escadron du tercio de Zúñiga (don Diego de Zúñiga serait en fait le mestre de camp du tercio d’Oropes ; si c’est le cas, ce tercio pourrait être celui de Fuensaldaña ou de l’Amiral de Castilla).

Aile droite (Leonardo Moles ? 3 bataillons) : un escadron du tercio napolitain (à droite du tercio de Zúñiga) puis 2 escadrons du tercio d’Oropesa.

En soutien (duc de Ciudad Real) : 15 compagnies de cavalerie formant 4 gros escadrons de 300 à 400 chevaux. De gauche à droite, 3 escadrons espagnols puis, en soutien des tercios d’Oropesa et napolitain, l’escadron des liégeois. Les 15 compagnies de cavalerie aux ordres du duc de Ciudad Real sont les compagnies du comte-duc Olivares, du comte de Bustamante, du comte Peno en Rostro, du comte d’Aguilar, du comte de Colmenar, du duc de Ciudad Real, de Fadrique Enriquez, de Francisco Marino, de Pedro Antonio de Jullio, de Juan de Terraza (commandant la cavalerie liegeoise), de Pedro Antonio de Solis, de Berbardo Soler, de Luis Galtan, d’Andrès Afilo Marino (commandant la cavalerie espagnole)  et de Pedro Royo.

Artillerie : 18 canons disposés dans les redoutes et les deux forts, sur le front espagnol.

Les 10 escadrons d’infanterie font 1 200 hommes chacun et les 4 escadrons de cavalerie font en moyenne 325 à 350 chevaux.

Pour LM Tercios, les escadrons d’infanterie sont tercios modernised. Les quatre escadrons de cavalerie sont cuirassiers large formation. L’artillerie est constituée de 3 canons moyens. L’infanterie espagnole est retranchée (covered et protected) et l’artillerie aussi (fortified).

 

Armée française (duc d’Halluin) : 11 000 fantassins en 14 bataillons, 1 000 cavaliers en 4 escadrons, 4 canons.

Extrême gauche (Le chevalier de Suze, 3 bataillons et 1 escadron de cavalerie) : 2 bataillons du régiment de Languedoc soutenu par un bataillon formé des régiments de Jonquières, Cauvisson et Mirepoix et par 1 escadron de cavalerie.

Gauche (Saint-André, 2 bataillons et 1 escadron) : 1 bataillon du régiment de Saint-André soutenu par 1 bataillon formé des milices de Nîmes et de Castres et par 1 escadron de cavalerie.

Centre (Icart, 2 bataillons et 1 escadron) : 1 bataillon du régiment de Castelan soutenu par 1 bataillon formé des milices de Montpellier et de Carcassonne et par un escadron de cavalerie.

Droite (Clermont, 3 bataillons et 1 escadron) : 1 bataillon du régiment de Vitry soutenu par 2 bataillons des régiments de Murviel et Valat et par 1 escadron de cavalerie.

Extrême droite (Saint-Aunès, 2 bataillons et 1 escadron) : 1 bataillon du régiment Saint-Aunès soutenu par 1 bataillon formé des milices de Narbonne et de Béziers et 1 escadron de cavalerie, 4 canons.

Réserve (2 bataillons) : 2 bataillons formés par les milices de Lodève, de Ganges et des Cévennes.

Les 14 bataillons font un peu moins de 785 hommes en moyenne et les quatre escadrons, 250 chevaux en moyenne.

Ci-dessus : drapeau du régiment de Languedoc (ex-Montmorency, d’après Fouré))

Ci-dessus : drapeau du régiment de Saint-André (d’après Fouré)

Pour LM Tercios, les bataillons d’infanterie sont reformed battalion modernised (musket only). Les 2 bataillons de Languedoc et le bataillon de Saint-André sont veteran alors que les 5 bataillons de milices sont raw. Pour simplifier, tous les escadrons de cavalerie sont cuirassiers. L’escadron constitué les gardes d’Halluin et les chevau-légers de Boissac et de Sainte-Croix est vétéran et élite. Les 4 canons sont représentés par une pièce d’artillerie moyenne.

Pour les dispositions du terrain et des unités, voir le plan ci-dessous.

Déploiement suggéré :

Règles spéciales : il fait nuit ! La visibilité est réduite à 2 pouces. Par ailleurs, toutes les unités d’infanterie en première ligne sont donc fortified. Pour en partie rééquilibrer, le duc d’Halluin est considéré comme commandant en chef de rang 4 alors que Cerbellon n’est que de rang 2. Les Français, en plus du duc d’Halluin, bénéficient de 5 généraux alors que les espagnols n’en bénéficient que de 3 en plus de Cerbellòn . N’hésitez pas à tester d’autres règles spéciales afin d’équilibrer la partie. il sera en effet difficile d’égaler l’exploit du duc d’Halluin…

Stéphane Thion

La bataille de Lens (20 août 1648) d’après les témoins

La bataille de Lens (20 août 1648) d’après les témoins

La bataille de Lens, mémoires du maréchal de Gramont :

« Le soir on arrêta l’ordre de bataille, et, sur toutes choses, on en recommanda trois à toutes les troupes : la première, de se regarder marcher les uns les autres, afin que la cavalerie et l’infanterie fussent sur la même ligne, et qu’on pu bien observer ses distances et ses intervalles ; la seconde, de n’aller à la charge qu’au pas ; la troisième, de laisser tirer les ennemis les premiers.

Voici qu’elles furent la disposition de l’armée : le prince de Condé prit l’aile droite de la cavalerie, qui consistait en neuf escadrons, savoir : un de ses Gardes, deux de son Altesse Royale, un du grand maître, un de Saint Simon, un de Bussy, un de Streiff, un d’Harcourt, le vieux, et un de Beaujeu ; Villequier, lieutenant général sous lui ; et pour maréchaux de camp, Noirmoutier et La Moussaye, le marquis de Fort, sergent de bataille, et Beaujeu, commandant de cavalerie de cette brigade.

L’aile gauche était commandée par le maréchal de Gramont avec pareil nombre d’escadrons, savoir : un des carabins, celui des Gardes, deux de la Ferté-Senneterre, deux de Mazarin, deux de Gramont, et un des Gardes de la Ferté ; La Ferté, lieutenant général ; Saint Maigrin, maréchal de camp ; Linville, maréchal de bataille, et le comte de Lillebonne, commandant la cavalerie de cette brigade.

La première ligne de l’infanterie entre des deux ailes était composée de deux bataillons des Gardes françaises, des Gardes suisses et écossaises, et des régiments de Picardie et de son Altesse Royale, de ceux de Persan et d’Erlach. Le canon marchait à la tête de l’infanterie.

Six escadrons des gendarmes, un des compagnies du Roi, un de la Reine, un du prince de Condé, un du duc de Longueville, un du prince de Conti, un des chevaux légers de son Altesse Royale, et un du duc d’Enghien, soutenaient l’infanterie ; et ce corps avec la première ligne était sous les ordres de Châtillon, lieutenant général ; et pour sergents de bataille, Villemesle et Beauregard.

La seconde ligne de cavalerie, commandée par Arnault, maréchal de camp, était composée de huit escadrons : un d’Arnault, deux de Chappes, un de Coudray, un de Salbrich, un du Vidame, deux de Villette.

La seconde ligne de l’aile gauche était commandée par le Plessis Bellière, maréchal de camp, et composée de sept escadrons : un de Roquelaure, un de Gesvres, un de Lillebonne, deux de Noirlieu, un de Meille, et un de Chémerault.

La seconde ligne d’infanterie était composée de cinq bataillons : un de la Reine avec trois cents hommes commandés de la garnison de La Bassée, un d’Erlach français et Rasilly, un de Mazarin italien, un de Condé, et un de Conti.

Le corps de réserve était composé de six escadrons, un de Ruvigny, un de Sirot, trois d’Erlach, et un de Fabri et commandé par d’Erlach, le lieutenant général, et Rasilly, maréchal de camp.

L’on marche le 19, à la pointe du jour, dans ce même ordre, pensant rencontrer les ennemis dans le poste où le jour auparavant ils s’étaient laissés voir avec quarante escadrons : mais la surprise fut extrême lorsque ayant passé au delà dudit poste, l’on vit toute l’armée ennemie en bataille postée de la sorte, à savoir : l’aile droite composée des troupes espagnoles, sous Lens, dont ils s’étaient rendus maîtres la nuit précédente, ayant devant eux nombre de ravines et de chemins creux, l’infanterie dans de petits taillis qui sont comme naturellement retranchés ; et l’aile gauche, composée de la cavalerie du duc de Lorraine, sur une hauteur devant laquelle il y avait aussi quantité de défilés.

L’armée du Roi s’étant présentée devant celle des ennemis, et le prince de Condé ayant reconnu qu’à moins de vouloir se faire battre de gaieté de cœur, il n’était pas possible de songer à attaquer dans le poste avantageux qu’elle occupait, il se contenta de se placer devant elle ; et tout le jour se passa en de légères escarmouches et nombre de coups de canons qui furent tirés de part et d’autre.

Le lendemain, le prince voyant que dans le lieu où il était il n’y avait ni fourrages ni eau, il prit le parti de marcher à Neus, village à deux lieues de l’endroit où il était campé, afin de pouvoir tirer ses vivres de Béthune, et se trouver par ce moyen en état de suivre les ennemis en quelque lieu qu’ils allassent : et comme il voulait leur faire voir le désir qu’il avait de combattre, et qu’il ne les craignait pas, il ne décampa de devant eux qu’en plein jour.

Le corps de réserve commença la marche, l’avant garde après lui, la seconde ligne suivie de la première, dans le même ordre et la distance qu’on avait observé la veille : mais comme le prince de Condé laissa dix escadrons pour l’arrière garde un peu trop éloignés de sa ligne, à la tête desquels étaient Villequier et Noirmoutier, le général Bec profita du temps en habile capitaine qu’il était, et les chargea si vivement avec la cavalerie de Lorraine, qu’il les fit plier plus vite que le pas et les mit en grand désordre. Brancas, mestre de camp, y eut le bras cassé et fait prisonnier, ainsi que bon nombre d’officiers subalternes et de cavaliers qui furent tués et pris. Et le prince de Condé courut grande fortune de l’être : car voulant remédier par sa présence au désordre qu’il voyait, il ne fut pas en son pouvoir de l’empêcher, tant l’épouvante de ses troupes était grande, et on le poursuivit assez longtemps l’épée dans les reins ; et bien lui en prit d’avoir un bon cheval, sans quoi il eut essuyé le même sort de son page, qui fut blessé et pris derrière lui.

Le général Bec, enflé de ce petit succès, et l’orgueil naturel qu’il avait s’augmentant par l’avantage qu’il venait de remporter, joint à la fanfaronnade allemande qui le faisait mépriser nos troupes, manda à l’archiduc et au comte de Fuensaldagne qu’ils n’avaient qu’à marcher en toute diligence, et qu’il leur donnait sa parole qu’il n’y aurait pas de différence entre combattre et défaire notre armée.

Dans le temps que nos troupes pliaient à la débandade, le capitaine des Gardes du maréchal de Gramont le vint avertir qu’il voyait l’aile du prince de Condé en grande confusion et faire un mouvement qui ne promettait rien de bon : ce qui obligea le maréchal à faire faire volte face à toutes ses troupes qu’il faisait marcher en bataille, ne laissant derrière les escadrons qui marchaient à côté des bataillons que de petites troupes de trente maîtres pour escarmoucher, en cas que les ennemis le voulussent suivre. Cela fait, il s’en alla à toute bride à l’aile du prince de Condé, qui lui dit, pénétré de douleur, en l’embrassant, que son propre régiment, à la tête duquel il était, l’avait abandonné honteusement, et que peu s’en était fallu qu’il ne fut resté mort ou pris. La conversation qu’ils eurent ensemble fut toute des plus courtes ; car voyant que les ennemis se mettaient ensemble et qu’ils postaient déjà leur infanterie et leurs canons, ils résolurent sur le champ de donner bataille, connaissant à merveille qu’en telles occasions il n’est ni prudent ni sage de barguigner. Le prince de Condé dit seulement au maréchal de Gramont que qu’il le conjurait de lui donner le temps de faire passer la seconde ligne au poste de la première, parce qu’il la trouvait si effrayée qu’elle serait certainement battue s’il la ramenait une seconde fois à la charge. Et ce fut en effet de sa présence d’esprit et cette connaissance parfaite qu’il avait des hommes et qui le mettait toujours au dessus des autres dans les plus périlleuses et les plus grandes occasions ; car tout ce qu’il y avait à faire se présentait à lui dans l’instant. Ce sont des génies rares pour la guerre, dont entre cent mille il s’en rencontre un de pareille espèce.

Le maréchal de Gramont quitta M. le prince de Condé pour s’en retourner à son aile ; et passant à la tête des troupes, il leur dit que la bataille venait d’être résolue ; qu’il les conjurait de se ressouvenir de leur ancienne valeur et de ce qu’ils devaient au Roi, comme aussi de bien observer les ordres qu’on leur avait donnés ; que l’action dont il s’agissait était de telle importance, vu la situation présente des affaires, qu’il fallait vaincre ou mourir, et qu’il allait leur montrer l’exemple en entrant le premier dans l’escadron des ennemis qui serait opposé au sien. Ce discours court et pathétique plut infiniment aux soldats : toute l’infanterie jeta des cris de joie et leurs chapeaux en l’air ; la cavalerie mit l’épée à la main, et toutes les trompèrent sonnèrent des fanfares avec une joie qui ne peut s’exprimer. Le prince de Condé et le maréchal de Gramont s’embrassèrent tendrement, et chacun songea à son affaire.

Il y avait proche de l’aile que commandait le maréchal de Gramont un petit village qui lui rompait presque tout son ordre : ce qui l’obligea par trois fois, pour donner lieu à celle du prince de Condé de se mettre en bataille, de se retirer un peu sur la gauche, et de faire faire un quart de conversion à ses troupes, puis de marcher par la hauteur ; après quoi il tournait à droite et se remettait en bataille. Cette manœuvre était incommode, et toute des plus dangereuse en présence d’un ennemi en alerte ; mais il n’y avait pas moyen de faire autrement. Enfin, comme il vit qu’il avait suffisamment de terrain, il marcha droit aux ennemis au petit pas, avec un tel silence (chose peu ordinaire aux français) que dans toute son aile l’on n’entendait parler que lui.

Le maréchal de Gramont avait les troupes d’Espagne à combattre ; car comme elles avaient la droite et lui la gauche, elles lui étaient opposées : le comte de Bucquoy était à la tête de la première ligne, et le prince de Ligne à la seconde. Elles étaient postées sur une petite éminence ; et l’on peut dire que c’était un duel plutôt qu’une bataille, puisque chaque escadron et bataillon avaient le sien en tête.

Les ennemis demeuraient fermes dans l’avantage de leur hauteur, se tenant cinq ou six pas en arrière, afin que les escadrons allant à la charge, ils se pussent embarrasser et les leurs nous charger en ordre. Ils n’avaient point l’épée à la main ; mais comme tous les cuirassiers espagnols portent en Flandre des mousquetons, ils les tenaient en arrêt sur la cuisse, de même que si c’eût été des lances. A vingt pas d’eux, le maréchal de Gramont fit sonner la charge, et avertit les troupes qu’elles avaient à souffrir une furieuse décharge ; mais qu’après cela il leur promettait qu’ils auraient bon marché de leurs ennemis. Elle fut faite de si près et si terrible qu’on eût dit que les enfers s’ouvraient : aussi il n’y eut guère d’officiers à la tête des corps qu’ils commandaient qui n’y demeurassent morts ou blessés ; mais l’on peut dire aussi que le retour valut matines, car nos escadrons entraient dans les leurs, la résistance fut quasi nulle. On fit peu de quartier, et il y eut beaucoup de monde de tué.

La seconde ligne vint pour soutenir la première ; mais se trouvant rudement chargée par la nôtre, elle ne tint presque point et fut rompue. Notre infanterie eut le même avantage sur la leur ; et nous perdîmes peu de gens, excepté dans le régiment des Gardes, qui ayant été chargé en flanc par quelques escadrons, eut six capitaines de tués et beaucoup d’officiers.

Le corps de réserve commandé par d’Erlach, soutint à merveille l’aile du prince de Condé, qui bâtit de son côté la première et la seconde ligne des ennemis, après avoir chargé dix fois en personne, et fait des actions dignes de cette valeur et de cette capacité si connues de l’univers.

Jamais l’on ne vit victoire plus complète : le général Bec y fut blessé à mort et pris prisonnier, le prince de Ligne, général de la cavalerie, tous les principaux officiers allemands, tous les mestres de camp espagnols et italiens, trente-huit pièces de canon, leurs ponts de bateaux et tout le bagage.

La bataille pleinement gagnée, comme le maréchal de Gramont faisait reformer ses escadrons qui, ayant chargé plusieurs fois, se trouvaient un peu en désordre, un de ceux des ennemis qui s’enfuyait à tire d’aile lui tomba sur le corps au moment qu’il s’y attendait le moins ; et il eut été pris ou tué s’ils n’avaient pas perdu la tramontane, car il se trouva au milieu d’eux. Il ne laissa pourtant pas d’en essuyer toute la décharge à la passade, dont un de ses aides de camp fut tué à ses côtés : aventure qui ne laisse pas d’avoir sa singularité.

Les deux ailes poursuivant la victoire, le prince et le maréchal se joignirent au delà du défilé de Lens et ayant encore l’épée à la main, le prince vint au maréchal pour l’embrasser et le féliciter sur ce qu’il avait fait ; mais il se fit une si furieuse guerre entre leurs deux chevaux, qui auparavant étaient doux comme des mules, qu’ils faillirent à se manger, et il s’en fallut peu qu’ils ne fissent courir à leur maître plus de risque de leurs vies que pendant le combat.

Le nombre de prisonniers se monta à cinq mille ; et comme il fallait les envoyer en France sous une escorte qui fût suffisante pour conduire un si grand corps, on en donna l’ordre à Villequier, avec deux régiments de cavalerie et un d’infanterie ; ce qui fit séjourner l’armée près du champ de bataille sept à huit jours, attendant le retour des troupes, et que nos chevaux d’artillerie pussent à diverses fois conduire dans Arras et La Bassée ce grand attirail qui avait été pris. »

 

La bataille de Lens, Relation de La Peyrère :

« La satisfaction du Prince fut non pareille de voir l’Archiduc en présence. Son dessein avait réussi ; il semblait que sa retraite n’avait été qu’une feinte pour engager les ennemis au combat. Ce fut en effet, un panneau subtilement tendu aux plus grands capitaines d’Espagne, et l’archiduc donna dedans. L’illusion qui le trompa fut bizarre ; il courut à la victoire et n’eut pas le temps de prendre haleine pour la bataille. Le Prince était prêt, l’Archiduc ne l’était pas ; les français s’étaient hâtés de se mettre en ordre, pour surprendre les espagnols dans le désordre. (…)

Il était environ huit heures du matin quand l’armée commença à marcher dans le plus bel ordre, au bruit des trompettes, des tambours et des canons. Le prince lui faisait faire halte, de temps en temps, pour la contenir dans ses lignes et à ses distances et, ce qui est considérable, le canon du comte de Cossé fut si bien et si diligemment servi qu’il tira toujours en marchant ; avec cet avantage que, tirant de la plaine sur l’éminence où étaient les ennemis, tous les coups portaient, soit dans les escadrons, soit dans les bataillons, et ajoutaient une grande confusion à celle où ils étaient déjà pour se mettre en ordre de bataille. Leurs canons, qui tiraient de haut en bas, ne faisaient pas le même effet que les nôtres, quoique le nombre en fût très inégal, l’Archiduc en ayant 38 et le Prince 18.

Les ennemis, pressés de combattre, avaient bonne mine et marchaient résolument à nous ; mais ils faisaient à la fois deux choses embarrassantes lorsqu’on va à un combat décisif, marcher et se ranger en bataille (…).

Les deux armées étaient à 30 pas l’une de l’autre, lorsqu’on tire troiscoup de fusil, de l’aile gauche de l’ennemi, sur notre aile droite. Condé, qui craignait la précipitation de ses soldats, les arrêta et défendit aux mousquetaires de faire feu avant que les ennemis n’eussent tiré ; le feu ne devait commencer qu’à bout portant. Cette halte eut trois bons effets ; elle tempéra l’ardeur de nos troupes, elle rajusta l’ordre de marche et confirma le soldat dans la résolution de supporter la décharge des ennemis.

Le prince de Salm s’avançait au trot, avec sa première ligne de wallons et de lorrains, contre celle de Condé, qui marchait au pas pour le recevoir. Les deux lignes se joignirent tête contre tête de cheval, bouche contre bouche de pistolet, et demeurèrent en cette posture assez longtemps, attendant, sans branler des deux côtés, qui tirerait le premier.

Les ennemis, plus impatients commencèrent la décharge ; on aurait dit que l’enfer s’ouvrait ! Tous nos officiers du premier rang furent tués, blessés ou démontés. Condé donne alors le signal du feu ; puis, l’épée haute, à la tête du régiment de Gassion, il enfonça l’escadron qui lui était opposé. Ses six autres escadrons le suivirent et, à son exemple, chargèrent si rudement la première ligne ennemie qu’ils la renversèrent. » (…)

 

Relation de la bataille de Lens, le 20 août 1648, par un officier de Condé.

Manuscrit MS933 conservé au château de Chantilly,

« Après que Mr le prince de Condé eut pris Ypres, il ramena son armée auprès de Béthune où il campa. Entre Lillers et cette place il manda à monsieur d’Erlach de le venir joindre en ce point pour réparer  par la  jonction de ses troupes la grande perte de sa cavalerie partie (…) qui avait été fort incommodée en détail durant le siège d’Ypres aux convois et aux partis de fourrageurs.

Monsieur l’archiduc Léopold cependant avait pris Courtrai, (ensuite ?) marchait à Lillers : un de nos partis prit une compagnie de cravattes (ndla : croates) à la guerre avec le capitaine qui la commandait qui était en garnison à Gère ( ?) ; monsieur le prince généreusement le renvoya à l’archiduc par son trompette du corps et le chargea de faire qualité à Mr le dit seigneur. Il fit son présent et son compliment dans le temps que le général Beck était à la tente de l’archiduc. Mais ce prince reçut cette (honnêteté ?) avec une arrogance stupide et répondit de si plates choses qu’on a honte de répéter ce que le trompette rapporta, et Beck pour renchérir sur l’impolitesse du prince dit de si sottes choses (qu’on a fait connaître) le caractère d’un très mal gentilhomme tel qu’il était, traitant Mr le prince de Condé de jeune levraut qu’il menaçait de mener par les oreilles à Luxembourg. Le trompette lui répartit à peu près du même style, on le menaça de prison et enfin on le congédia très mal satisfait. Celui qui nous fait cette relation était dans la suite de Mr le prince qui en attendant le retour de son trompette faisait lire Dante en italien et interprétait à quelques assistants un mot que plusieurs n’entendaient point, qui est « Vespaio », qui signifie un essaim de mouches guêpes (ndla : un guêpier) ; quand Mr de la Moussaye apporta la gazette de Bruxelles, dans laquelle, les ennemis enflés du fruit de la prise d’Ypres avait mis une assez plate raillerie, disant que son altesse impériale cherchait partout l’armée du prince de Condé et qu’il donnerait le vin à qui la pourrait trouver et lui en donner des nouvelles ; comme Mr le prince tournait l’affaire en raillerie, le trompette arriva qui fit la relation de son ambassade si chaudement que son maître, qui est de tous les héros de son siècle celui qui est le plus sensible à la gloire, changea de ton et jura qu’il lui épargnerait la peine de la chercher si il était assez hardi pour quitter le pais couvert où il avait mené son armée.

Laquelle arrivait en ce temps à Estaires.

Il y avait un château sur la Lys où nous avions quarante ou cinquante hommes en garnison. L’archiduc le prit la nuit même et de là couvert toujours de la rivière il marcha à Lens.

Lens est hors des marais de Ouatrigans (ndla : Watergangs ou Watregans) que fait cette rivière. Il est dans la plaine qui va à Arras un petit ruisseau qui naît auprès de cette place et fut occupé par l’armée espagnole qui y campa sur le haut du rideau de Lens et posta son canon dans deux petits taillis qui font parti du rideau.

Et tous braves qu’ils sont les espagnols dans leur gazette, ils se retranchèrent pourtant sans faire réflexion qu’ils avaient bien trente cinq mille hommes. Le prince de Condé entendant les coups de canon qui se tiraient au (sud ?) de Lens se réjouit de voir ses ennemis en une plaine et sur l’heure même commande à Mr de Châtillon de charger un corps de garde qu’ils avaient mis sur le bout d’un pont qu’ils avaient défait. Il fit rapporter des planches et chargea avec la garde qu’il y trouva et ses gardes si brusquement à qui s’opposa à lui que les ennemis abandonnèrent le passage de (…) à leur armée qui n’était qu’à deux lieues de là.

Mr le prince passa la Lys et laissa les bagages sous Béthune ; jamais je n’ai vu passer avec tant d’impétuosité, à une heure devant le jour nous arrivâmes au bord des défilés. (Voyez ?) si la gaieté était bien naturelle à ce grand prince durant qu’on faisait avancer l’artillerie.

Celui qui vous (conte) ceci se trouva dans un verger d’arbres fruitiers sur le bord duquel était notre héros qui voyait défiler les pièces de canon qui s’élargissaient à mesure qu’elles passaient. Celui donc qu’il nous a plu de (…) gazetier coupa une gaule dont il fit un martinet à jeter des pommes et commença à escarmoucher contre le marquis de Normanville ; monsieur le prince prit plaisir à ce divertissement il en prit une pareille.

Et voilà une plaisante façon de préluder à une bataille où chacun avec des grandes visées s’employa jusque à ce que Mr de Cossé passa avec la dernière pièce de l’artillerie qu’il commandait.

Là, Monsieur d’Erlach vint saluer Mr le prince à qui il amenait environ huit mille bons hommes (ndla : en fait il en amena moins de quatre mille). Le jour étant déjà grand, les généraux des ennemis vinrent avec douze cents chevaux reconnaître si c’était toute notre armée ou une partie qui fut en deçà de la rivière ; son altesse pour leur ôter bien du doute faisait marcher son artillerie à la première ligne, ils la virent clairement et s’en retournèrent à leurs retranchements, en nous laissant toute la plaine libre.

Son altesse en marchant fit trois lignes de ses troupes qui faisaient tout au plus vingt mille hommes et tout au moins dix huit ; il mit à la première les gardes, Picardie et les régiments de l’armée d’Erlach et pour cavalerie tous les gendarmes tant du Roy que des princes et toutes les compagnies de gardes des généraux ; la seconde ligne était en pareille disposition et notre cavalerie légère commandée par Guiche ( ?), monsieur d’Erlach demeura pour troisième ligne et corps de réserve ; Mr de Cossé menait une bande d’artillerie. A la première ligne il les faisait marcher aussi vite que les troupes ; nous allâmes en cet équipage montrer notre armée à Mr l’archiduc qui était bien couvert de ses lignes devant lesquelles nous nous arrêtâmes à un jet de pierre près, et y demeurâmes tout le jour, les officiers d’infanterie de la première ligne jouant et sautant au « saut de l’allemand » toute la journée sans  (être) autrement alarmé.

Il est à remarquer que Mr le prince avait tant parlé des troupes d’Allemagne lesquelles ne tiraient jamais les premiers et obligeaient leurs ennemis à faire leur décharge puis à fuir devant eux que chaque officier s’était mis cela en tête, et bien que cela ne fut dit qu’à l’égard de la cavalerie, néanmoins l’infanterie s’y fit presque partout un point d’honneur de ne point tirer.

La nuit vint et l’armée qui n’avait point repu ne pouvant pas rester à jeun jusqu’au lendemain de combattre, particulièrement les chevaux. Mr le prince résolut quand le jour serait venu de se retirer en un village nommé Loo auquel touchait notre arrière garde afin de repaître et dit tout haut qu’en quelque temps que l’archiduc marchait, qu’il le combattrait assurément et ainsi il se mêla à l’affaire publiquement quoique pique qui contribua particulièrement au grand fait d’arme du jour suivant.

La nuit les ennemis firent sortir de leur retranchement le régiment des cravattes (ndla : croates) mais ils furent bien étonnés quand ils (s’instruirent ?) qu’ils (heurtaient ?) contre notre artillerie, ils s’en retournèrent bien vite.

Le jour vint, et pour montrer aux ennemis qu’on ne (sortirait ?) pas en (cachette ?), son altesse attendit que le soleil fut levé, et lors il leur fit faire une salve de six pièces de monsieur de Cossé, et puis marcha sans rompre son ordre de bataille mais faisant seulement à droite les compagnies de gendarmes et de chevau-légers et celles des gardes des généraux faisant la retraite au même ordre qu’ils devaient faire l’avant-garde.

Les troupes lorraines de l’armée d’Espagne avec quelques autres escadrons voyant le petit nombre des compagnies (franchies ou franches ?) tombèrent avec toute leur aile de cavalerie sur leurs bras, les rompirent facilement et les pressèrent de si près qu’ils ne purent se rallier qu’à l’appui du régiment de Picardie qui avait l’aile droite de la première ligne.

Cet heureux commencement fit crier victoire aux lorrains. Beck qui crut prendre un temps précieux amena l’archiduc hors des lignes et fit voir notre infanterie dépouillée de cavalerie au milieu d’une des plus grandes plaines du monde ; l’archiduc dit qu’il avait ordre expresse de ne rien hasarder. Beck insista et dit qu’il n’y avait plus de hasard et il offre de répondre de sa tête leur (serment ?) de  la bataille ;  les espagnols sur cela lui reprochant qu’il laissait perdre une occasion de remettre leurs affaires et de repenser les (souvenirs ?) de Rocroy, sautaient le retranchement, mettaient leurs régiments en bataille et accouraient à nous.

Voici ce coup de maître que fit notre héros, ce qu’il ne nous ai fait entendre par la comparaison du jeu d’escrime ou ne nous ai dit que durant que le moins docte bat du pied sans se débander le savant prend un temps et loge sa botte à plaisir.

Il ne fit donc autre chose sinon qu’il remplit la place des battus par la cavalerie qui était rangée à la seconde ligne pour la soutenir. Et il ne fit que faire à gauche, en remarchant droit aux ennemis, lesquels étaient bien en bataille chacun en particulier mais n’étaient point en ordre de bataille mais en colonne pour s’y mettre.

Là le régiment des gardes pour avoir fait sa salve le premier fut taillé en pièces, et le régiment de Picardie qui ne voulut point tirer défit sept régiments entre lesquels était celui qui avait tué le régiment des gardes ; les régiments qu’avait amené Erlach qui étaient Nettancourt, Vaubecourt et autres ne tirèrent non plus que Picardie.

Notre cavalerie eut fort à souffrir car les ennemis avaient toujours trois escadrons contre un, mais à mesure qu’ils étaient rompus ils se venaient toujours rallier derrière Picardie ; (ndla : figurent ici trois noms d’officiers non identifiés) après avoir vingt fois chargé et défait les corps qu’ils combattirent y vinrent s’y rafraîchir et Streif y vint mourir.

Votre gazetier y retrouva Mr le maréchal d’Aumont que les espagnols emmenaient prisonnier après avoir (…) à le tuer de sang froid d’un coup de pistolet dans son ordre, lui étant prisonnier.

L’histoire vous dira le reste car les écrits se sont perdus depuis si longtemps il suffit de vous dire que nous prîmes plus de (six ?) milles prisonniers et ne tuâmes pas cent (…) hommes toute leur cavalerie s’y sauva. Beck fut blessé et pris par un lieutenant du régiment d’Aumont, Mr d’Arnault lui voulut reprocher quelque chose touchant la mort de monsieur de Feuquières, Beck lui répondit fort brutalement. On l’emmena prisonnier à Arras où il mourut aussi brutalement qu’il avait vécu ; Mr le prince bien loin de se venger de lui, lui prêta son carrosse pour l’emmener.

Par la relation d’un révérend père jésuite de la bande (…) qui suivaient Mr l’archiduc on apprit qu’aussitôt qu’il eut donné aux importunités des généraux et des (trois ?) espagnols la permission de gagner la bataille, il se fit armer, confesser, et s’enfuit.

Stéphane Thion

La bataille de Jankaw (6 mars 1645)

La bataille de Jankaw (6 mars 1645)

Au début de 1645, alors qu’Axel Lilienstern inquiète la Saxe électorale et que Koenigmark occupe la région de Brême, Torstenson pénètre en Bohême avec 16 000 hommes et 80 pièces d’artillerie. L’empereur Ferdinand réagit : Hatzfeld, remplaçant l’inefficace Gallas à la tête de l’armée, réunit des forces austro-bavaroises : le corps de Götz (8 à 10 000 hommes) est rappelé de Hongrie, des unités saxonnes et l’armée bavaroise de Mercy et de Werth (4 000 hommes) viennent renforcer les corps impériaux. Sur les ordres de l’empereur, Hatzfeld se lance à la poursuite des suédois et se présente, le 24 février 1645 à Jankaw (ou Jankowitz), à la tête de 16 000 hommes (10 000 impériaux, 5 000 bavarois et plus de 1 000 saxons). Face à une telle armée, Torstenson ne peut réunir que 15 000 hommes (8 100 cavaliers, 6 100 fantassins et 800 dragons). Torstenson reconnait dans une lettre que le terrain était très défavorable. Mais, pressé par l’ennemi qui le poursuit, il décide d’accepter la bataille.

L’aile droite impériale, est formée de cavalerie sous de Werth. Le centre, commandé par Suys, est composé de l’infanterie. L’aile gauche de cavalerie, commandée par Götz est placée derrière un bois. L’aile droite suédoise est composée de cavalerie, commandée par Wittenberg et Torstenson. L’infanterie au centre est commandée par le général Mortaigne. L’aile gauche de cavalerie est commandée par Douglas.

L’aile gauche impériale commandée par Götz prend l’offensive mais se trouve désorganisée en traversant le bois. Wittenberg traverse alors la rivière Jankowa sur sa droite , se place sur la colline Chapel, à l’extrême droite, et repousse la cavalerie impériale. Celle-ci reflue alors sur les hauteurs en laissant son commandant, Götz, mort sur le terrain. L’aile gauche impériale parvient néanmoins à se reformer en bataille sur la colline derrière le bois.  Hatzfeld avait fait suivre Götz par l’infanterie de Suys pour le soutenir. Si l’infanterie parvint à traverser le bois en bon ordre, l’artillerie ne parvint pas à suivre (9 pièces et toutes les munitions restèrent empêtré dans le bois). Les combats qui s’ensuivent dans les bois verront néanmoins la supériorité suédoise de feu annulée. Les Suédois poussent alors en avant et combattent sans relâche. Il faudra 3h30 (de 8 heures du matin à 11 heures 30), pour qu’ils parviennent à repousser l’attaque impériale. La capacité des suédois à se reformer rapidement aura été décisive. Mais si, à 11h30, Hatzfeld a ordonné la retraite, c’est pour reformer son armée sur sa seconde ligne, derrière le bois. Mais il n’a plus d’artillerie : 9 pièces (sur 26) et pratiquement toutes les munitions ont été perdues dans le bois.

Hatzfeld a fait pivoter sa ligne de front de 90° en arrière. Son aile droite, composée des rescapés démoralisés du corps de Götz et commandée par Bruay, est dorénavant appuyée sur la Jankowa. Son centre est toujours formé par l’infanterie de Suys et son aile gauche est dorénavant formée par la cavalerie de de Werth. A la grande surprise du général impérial, Torstenson fait alors placer une batterie d’artillerie, renforcée des prises ennemies, sur une colline face à la jonction de l’aile droite et du centre des impériaux. Ceux-ci, n’ayant plus aucune puissance de feu pour répondre, vont créer des sillons sanglants dans les rangs des bataillons de Suys. La première charge des escadrons de Douglas fait reculer les escadrons de Bruay derrière l’infanterie. Douglas lance alors 3 escadrons sur le brigade Zuniga qui, après avoir repoussé une première charge, rompt à la seconde. Douglas taille en pièce cette brigade et déborde toute l’aile droite impériale. Au centre, l’infanterie de Suys était parvenue à repousser l’infanterie de Mortaigne. Et sur l’aile droite impériale, de Werth a fait avancer si rapidement son aile de cavalerie qu’il parvient à surprendre la cavalerie de Wittenberg qui n’avait pas terminé de se réorganiser. De Werth parvient ainsi à repousser l’aile droite suédoise en lui infligeant de lourdes pertes. Il parviendra même à atteindre les bagages des suédois et à faire prisonnier la femme de Torstenson. Malheureusement, alors que de Werth aurait pu tourner toute l’aile droite suédoise, les bavarois ne surent résister à la tentation du pillage. Cinq escadrons seulement continueront leur marche. Mais le mal était fait. Plusieurs escadrons suédois ayant eu le temps de se reformer, et la seconde ligne étant restée intacte, Wittenberg lance une contrattaque et prennent, à leur tour, les bavarois par surprise. Ceux-ci se dispersent avec le butin qu’ils ont réussi à garder, et la femme de Torstenson est libérée. L’infanterie saxonne qui soutenait l’infanterie impériale, au centre, voyant les deux ailes impériales défaites, décide de battre en retraite, abandonnant l’infanterie impériale à son sort. A 16 heures, tout est terminé.

Ce jour-là, les suédois feront 4 000 prisonniers et six généraux impériaux dont Hatzfeld et Mercy, et prendront 77 drapeaux et étendards et 26 canons. Le maréchal Götz, le comte Bruay et le jeune Piccolomini y trouveront la mort.

Jankaw fut la dernière et la plus belle des victoires de Torstenson. Torstenson, l’un des meilleurs généraux suédois de l’époque était réputé pour son habileté à manœuvrer l’artillerie. La victoire de Jankaw fut attribuée à cette supériorité.

Armée impériale (Hatzfeld) : 10 500 cavaliers en 50 escadrons (210 chevaux par escadron), 5 000 fantassins en 6 brigades (833 hommes par bataillon), 500 croates et dragons, 26 canons, pour un total de 16 000 hommes.

Aile droite : cavalerie de de Werth (23 escadrons) :

Première ligne (Werth) : 12 escadrons bavarois formés des cuirassiers de Lapierre (2 escadrons), Alt-Kolb (2), Fleckenstein (2) et Gayling (3) et des arquebusiers à cheval d’Alt-Werth (2) et Sporck (1).

Seconde ligne (Trauditsch) : 3 escadrons impériaux formés des cuirassiers de Trauditsch (2) et de Pompeji (1).

Troisième ligne (H. Mercy) : 8 escadrons impériaux formés des cuirassiers de Jung-Nassau (2), Waldeck (2), Beck (2) et Hatzfeld (2)

Flanqueurs : croates

Centre : infanterie de Suys (6 brigades, 6 escadrons et 26 canons)

Première ligne : 6 brigades (bataillons) et 26 canons des brigades Zuniga (1000h), Zaradetzky (1000h), Suys (1000h), Holz (bavarois, 650h), Ruischenberg (bavarois, 700h) et Gil de Haas (bavarois, 650h). L’artillerie est composée de 4 pièces de 12 livres, 2 pièces de 6 livres et 20 pièces de 3 livres.

Deuxième ligne (Callenberk) : 6 escadrons saxons formés des régiments de cavalerie (demi-cuirasseirs) Callenberk (2 escadrons), Hanau (1), Schleinitz (1), Gersdorff (1) et Rukert (1).

Aile gauche : cavalerie de Götz (21 escadrons)

Première ligne (Bruay et Bassompierre) : 12 escadrons de cuirassiers impériaux de Pallavicini (3 escadrons), Henet (2), Neu-Piccolomini (3), Piccolomini (3), et pompeji (1).

Seconde ligne (Pompeji) : 9 escadrons de cuirassiers impériaux de Tapp (1 escadron), Bruay (2), Gonzaga (3), Salm (2) et Pompeji (1).

Flanqueurs : dragons.

Pour LM Tercios, les 18 bataillons d’infanterie sont classic squadron modernised, musket only.

Les escadrons de cuirassiers sont cuirassiers, pistol, les escadrons de demi-cuirassés saxons sont modern cavalry demi-cuirassiers (voir extension Kingdom) et les régiments d’arquebusiers à cheval sont mounted arquebusier, arquebus & pistol. Il est très probable que la distinction entre régiments de cuirassiers et d’arquebusiers montés ne soit plus qu’administrative et que l’ensemble des régiments soient équipé comme des demi-cuirassiers (déjà, dans les années 1630s, des régiments d’arquebusiers étaient mieux équipés que certains régiments de cuirassiers) : si vous convenez de cette hypothèse, passez tous les régiments en modern cavalry demi-cuirassiers. Les escadrons de croates sont light horse, les régiments de dragons sont dragoons.

L’artillerie est composée d’un canon moyen et 3 canons légers.

Armée suédoise (Torstenson) : 16 000 hommes formés de 8 130 chevaux 47 escadrons de cavalerie (173 chevaux par escadron), 6 135 hommes en 8 brigades d’infanterie  (767 hommes par bataillon), 920 mousquetaires en 23 détachements et 60 canons.

Aile droite : cavalerie de Wittenberg (24 escadrons, 12 détachements de mousquetaires et 12 canons)

Première ligne (Wittenberg) : 13 escadrons et 12 détachements de 40 mousquetaires avec un canon léger de 3 livres placés entre les escadrons ; escadrons des régiments de Fritzlaw (2 escadrons), Raabe (1), Margrave (2), Karl Gustav / Courlande (2), Jordan (2), Wittenberg (2) et gardes de Torstenson (600).

Seconde ligne (Goldstein) : 11 escadrons des régiments de Wiitkopt (2), Rochow (2), Axel Lillie (1), Galbrecht (2), Goldstein (2) et Derfflinger (2).

Centre : infanterie de Mortaigne (8 bataillons/brigades et 37 canons)

Première ligne (Mortaigne) : 6 bataillons et 33 canons des régiments de Wolckmar (676h), Paikull et Seestedt (955h), Mortaigne (670h), Wrangel et Linde (810h), gardes de Torstenson (776h, ancien Alt-Blau), ribbing et Stalarm (500h). Chaque brigade a 2 ou 3 pièces de 3 livres et le front de l’infanterie est couvert de 8 pièces de 24 livres et 10 pièces de 12 livres.

Seconde ligne : 2 bataillons et 5 canons de 3 livres (2-3 par bataillon) formés des régiments Lewenhaupt et Jordan (985h) et Axl Lillie et Koppy (763h).

Aile gauche : cavalerie de Douglas (23 escadrons, 11 détachements de mousquetaires et 11 canons)

Première ligne (Douglas) : 12 escadrons et 11 détachements de 40 mousquetaires avec un canon léger de 3 livres placés entre les escadrons ; escadrons des régiments Landgrave (3 escadrons), Horn (2), Hammerstein (2), Douglas (2), d’Avangour (1) et Tideman (2).

Seconde ligne : 11 escadrons des régiments Muller (2), Pentz (1), Reuschel (2), Butler (1), Riesengrun (2), Dannenberg (1) et Reichart (2).

Pour LM Tercios, tous les bataillons d’infanterie suédois sont des bataillons modern squadrons avec regimental gun. Le reste de l’artillerie est composée d’un canon lourd et deux canons moyens.

Les escadrons de cavalerie sont tous des escadrons de demi-cuirassés modern cavalry demi-cuirassiers (voir extension Kingdom). Les petits détachements de mousquetaires (commanded shot) sont à simuler en les regroupant : 5-6 détachements réels de 40 hommes peuvent être simulés par une compagnie de mousquetaires command shot avec regimental gun, pour un total de 4 de ces unités (2 sur chaque aile de cavalerie).

Attention, toutes les unités d’infanterie suédoises avec regimental gun risquent de décoiffer !

Ci-dessus : plan de déploiement original.

Quelques cartes pour vous aider à préparer le terrain :

Phase d’approche :

Attaque dans le bois (les collines sont celles d’en bas sur la carte précédente) :

Ci-dessus : une autre représentation du combat sur l’aile droite.

Ci-dessous : plan simplifié d’après Guthrie (The later Thirty years War) :

Bien sûr, cela fait beaucoup de figurines à peindre : N’hésitez donc pas à diviser par 2 ou 3 ces nombres de bataillons et escadrons.

Stéphane Thion

Ordre de bataille d’après William P . Guthrie (1953).

la bataille d’Allerheim (3 août 1645) d’après les témoins

la bataille d’Allerheim (3 août 1645) d’après les témoins

La bataille d’Allerheim par Ramsay, dans les mémoires de Turenne :

« M. de Mercy se retira plus avant dans le pays vers Dinkefpuhel, où il laissa trois ou quatre cents hommes et se campa à trois ou quatre lieues de là derrière des bois. Peu de jours après, l’armée du Roi arriva auprès de Dinkefpuhel et forma le dessein de l’attaquer ; on fit avancer des mousquetaires dans des maisons ruinées et l’on y ouvrit quelque tranchée ; mais avant minuit un Officier prisonnier qui s’était sauvé de l’armée de Bavière, vint avertir M. de Turenne que M. de Mercy croyant que l’armée du Roi s’attacherait au siège de Dinkefpuhel, marchait toute la nuit, et était à deux heures de-là , derrière les bois. M. de Turenne alla promptement en avertir M. d’Enghien qui résolut de laisser tout le bagage avec deux ou trois Régiments de Cavalerie, et de partir incontinent avec toute l’armée, pour suivre M. de Mercy.

On partit à une heure après minuit : M. de Turenne avait l’avant-garde et on traversa. Un bois : M. d’Enghien y était et avait laissé M. le maréchal de Gramont avec son armée à l’arrière-garde. En sortant du bois le jour était déjà assez grand pour voir une petite troupe des Bavarois; et peu de temps après en la poussant, on découvrit quelques escadrons ennemis, lesquels ayant vu la tête de notre avant-garde, se retirèrent en diligence vers le corps de leur année, dont ces troupes étaient l’avant-garde : de sorte que si l’on ne fut pas parti de trop bonne heure, on les eût trouvé dans la marche, et par conséquent en fort mauvaise posture. Ils s’arrêtèrent derrière plusieurs étangs, se mirent aussitôt en bataille, et ayant placé leur canon commencèrent à faire des travaux à leur tête et à se retrancher.

L’armée du Roi se mit aussi en bataille au sortir du bois ; mais elle ne put aller à eux que par des défilés. On fit avancer le canon qui les incommoda assez ; mais le leur qui était déjà placé nous fit beaucoup plus de mal. La journée se passa toute entière à se canonner de part et d’autre avec assez de perte. Le lendemain deux heures devant le jour nous nous retirâmes par le même chemin par lequel nous étions venus : c’était par un défilé dans le bois. L’ennemi ne suivit qu’avec quelque cavalerie, et il n’y eut qu’une escarmouche, quoiqu’il y eut un temps auquel il eût pu défaire une partie de notre arrière-garde. On repassa donc le bois et on alla joindre le bagage auprès de Dinkefpuhel où l’on campa : mais ne jugeant pas à propos de s’arrêter à une si petite Place, on résolut de marcher à Nördlingen d’y arriver avant l’ennemi ; ce qui était fort aisé. Le lendemain l’année partit de bonne heure, et ayant marché deux ou trois heures, arriva vers les neuf heures du matin dans la plaise allez proche de Nördlingen : n’у voyant rien paraître, on résolut de faire halte avec quel­que intention d’y camper, mais pas encore avec ordre de décharger le bagage ni de tendre les tentes. Comme M. de Turenne s’avança dans la plaine avec une petite garde, et que M. le Prince alla aussi se promener fort près delà avec un autre, il tomba sur un parti Allemand qui rodait et em­mena deux ou trois prisonniers qui dirent, que l’armée de l’ennemi passait un ruisseau à une heure de-là pour s’approcher de Nordlingen. M. de Turenne joignit promptement M. le Prince, et ayant appris qu’il n’y avait point de ruisseau entre le lieu où l’ennemi passait et celui où l’on était, on envoya à l’armée pour ordonner que personne ne s’écartât. M. le Prince et M. de Turenne s’avancèrent encore avec peu de gens pour reconnaître et apprendre plus certainement ce que faisait l’ennemi, et s’il continuait fa marche. La plaine est si rare et s’étend si loin, que l’on ne craignait pas de s’avancer avec peu de gens.

Monsieur de Mercy qui commandait l’armée de Bavière à laquelle s’était joint un Corps de six ou sept mille hommes de l’Empereur, commandé par le Général Gléen, étant arrivé sur le bord d’un ruisseau à neuf heures du matin ; et jugeant, comme il était vrai, que l’armée du Roi était campée auprès de Nördlingen que nous voulions assiéger, crut qu’en passant ce ruisseau sans bagage il pourrait avec sûreté s’approcher de Nördlingen , à cause des montagnes et des avantages qu’il pouvait prendre avec l’on armée : il se persuada aussi qu’on ne l’attaquerait point et jour-là, et qu’ainsi il aurait le temps de se retrancher , ce qu’il était accoutumé de faire en grande diligence, n’ayant ordinairement à la suite de son armée d’autres chariots que ceux de munition de guerre et ceux dans lesquels étaient les outils. Il continua donc fa route et se posta à trois ou quatre cents pas du ruisseau sur une montagne, qui, à l’endroit où il l’abordait était аssеz haute, mais qui descendait insensiblement vers un village. Pour se servir du lieu selon la force de son armée et la situation du terrain, il commença à ranger son aile droite composée d’un corps de l’Empereur et de quelques unes de ses troupes, depuis l’endroit de la montagne qui approche le plus du ruisseau jusqu’au village, ayant deux régiments d’in­fanterie et son canon au lieu où commençait son aile droite. Dans l’endroit où l’aile droite finissait, l’infanterie s’étendait en bataille derrière le village, et dans l’action combattit presque toute pour le défendre ; mais au com­mencement il ne fut occupé que par quelques mousquetaires commandés dans l’église et au clocher. Ensuite de l’infanterie qui était sur deux ligne, de même que la cavalerie, l’aile gauche composée de la cavalerie de Ba­vière, et commandée par M. Jean de Werth finissait vers un petit château un peu élevé autour duquel il y avait de l’infanterie qui fermait la gau­che de l’armée, de même que ces deux régiments d’infanterie fermaient la droite. L’espace entre le village et le château était une plaine où se pouvaient bien tenir douze ou treize escadrons. C’est en cet ordre que se mit M. de Mercy, tant pour combattre que pour camper si on n’était pas venu à lui.

Monsieur le Prince ayant vu que l’armée de l’ennemi passait le ruisseau, manda aux troupes de se tenir prêtes à marcher, et étant confirmé par les partis et par sa vue même que l’ennemi ne s’éloignerait pas trop de vouloir com­battre, il passa l’endroit derrière lequel il avait un grand avantage et manda à toute l’armée de marcher. Sur le midi, l’armée s’avança dans cette grande plaine ; et vers les quatre heures du soir on vint en présence : il fallut allez de temps pour s’étendre et se mettre en état de combattre. Ce village qui était devant l’armée ennemie donnait avec raison différentes pensées ou de l’attaquer ou de marcher vers les deux ailes avec la cavalerie seu­lement : mais comme la chose n’est pas assez sure d’attaquer des ailes sans pousser en même temps l’infanterie qui est au milieu, on ne jugea pas à propos, quelque difficulté qu’il y eut à attaquer le village, d’aller au combat avec la cavalerie, sans que l’infanterie marchât de même front : et comme le village était plus de quatre cents pas plus avancé que le lieu où était leur armée, on crut qu’il fallait faire halte avec les deux ailes pendant que l’infanterie combattrait pour emporter les premières maisons de ce village, et s’en rendre maître, ou du moins d’une partie. Pour cet effet, on fit avancer le canon afin qu’on ne fut pas endommagé de celui de l’ennemi, sans l’incommoder avec le nôtre : mais comme celui qui est placé a beaucoup d’avantage sur ceux qui marchent, à cause qu’il faut toujours atteler les chevaux pour avancer, ce qui fait perdre beaucoup de temps, celui de l’ennemi incommodait plus qu’il ne recevait de dommage.

En cette disposition l’infanterie de l’armée du Roi marcha droit au village ; l’aile droite étant opposée à l’aile gauche de l’ennemi dans la plaine, et l’aile gauche à la droite de l’ennemi qui était sur cette montagne, laquelle descendait insensiblement au village.  L’infanterie trouva assez peu de résistance aux premières maisons ; mais quand elle entra plus avant, trois ou quatre régiments de l’ennemi (dont une partie occupait le cimetière et l’église, et l’autre avait percé les maisons) firent un si grand feu, qu’elle arrêta net tout court, et commença à plier : on la seconda d’autres régiments ; et M. de Mercy qui était derrière le village, fit soutenir la sienne par d’autres corps : ainsi le combat devint fort opiniâtre, avec beaucoup de pertes de part et d’autre ; mais moins de celle de l’ennemi, à cause qu’il était logé dans des maisons percées : et même pendant que la première ligne combattait dans le village, la seconde travaillait sur la hauteur. Ces expédients ne réussirent point ; mais ils montrent beaucoup d’habileté et de fang froid dans le général. M. le Prince vint souvent dans le village, y eut deux chevaux blessés fous lui, et plusieurs coups dans ses habits. Il laissa M. le maréchal de Grammont à l’aile droite de sa cavalerie. M. de Turenne faisait aussi ce qu’il pouvait pour faire avancée l’infanterie qui était dans le village proche de son aile. M. de Bellenave, maréchal de camp de son armée, y fut tué : M. de Castelnau maréchal de bataille dans celle de M. le Prince, fut très dangereusement blessé, aussi bien qu’un très grand nombre d’officiers. Dans le fort, et sur la fin de ce combat, M. de Mercy, Général de l’armée de Bavière , reçut un coup de mousquet, dont il mourut sur le champ ; et je crois que quand l’aile gauche de l’ennemi que commandait Jean de Werth avança contre la cavalerie de M. le Prince, qu’on ne savait pas sa mort : le combat avant duré plus d’une heure dans le village, où quelques escadrons étaient employés pour seconder l’infanterie, l’aile gauche de l’ennemi commença à marcher.

On a souvent dit qu’il y avait eu quelques fautes en passant quelques fossés qu’il y avait entre les ailes, mais je ne trouve pas cela considérable ; car toute l’aile droite de l’armée du Roi était en bataille, et voyait devant elle celle de l’ennemi, laquelle en venant au petit pas au combat ne trouva pas grande résistance. Quoique M. le maréchal de Grammont y fit tout ce qui se pouvait, il fut fait prisonnier, n’ayant pu faire le devoir à la seconde ligne, non plus qu’à la première.

Monsieur le Prince qui était fort proche du village, passa à l’aile de M. de Turenne lequel voyant que l’attaque du village ne réussissait point, et que la cavalerie de l’aile gauche de l’ennemi marchait à la cavalerie française, s’avança avec son aile vers la montagne, et ayant parlé un instant avec M. le Prince, il lui dit, que si il lui plaisait de le soutenir avec quelques esca­drons de la seconde ligne et les Hessois, qu’il matchait pour aller à la charge : M. le Prince y ayant consenti, M. de Turenne continua de mon­ter la montagne à la tête du régiment de Flextein. Etant à cent pas de l’ennemi, il vit en se tournant que toute la cavalerie française et l’infanterie qui avait été poussée du village, était entièrement mise en déroute dans la plaine.

Comme M. de Turenne continuait à monter la montagne avec huit ou neuf escadrons de front, l’infanterie que l’ennemi avait aux deux extrémi­tés de l’aile fit une décharge , et le canon eut loisir de faire trois ou quatre décharges, les premières à balle , et la dernière avec des cartouches, dont le cheval de M. de Turenne fut blessé, et il en eut un coup dans sa cuirasse, et une partie des officiers du régiment de Flextein, et le colonel  même, furent blessés avant que de venir à la charge contre un régiment de cavalerie qui était devant lui. Cela n’empêcha pas que toute l’aile étant marchée d’un front, ne renversât toute la première ligne de l’ennemi avec plus ou moins de résistance de quelques escadrons ; et la seconde ligne de l’ennemi soutenant la première qui était renversée, le combat fut fort opi­niâtre : on n’avait qu’un escadron ou deux dans la seconde ligne ; et les Hessois qui étaient à la réserve, étaient un peu loin : cela fut cause que l’on fût un peu poussé, mais sans déroute ; car les escadrons étaient tou­jours en ordre, et même quelques-uns avaient de l’avantage sur ceux de l’ennemi ; mais leur grand nombre l’emportait.

Les Hessois arrivèrent, et M le Prince à leur tête agissait avec autant de courage que de prudence. La cavalerie Weimarienne voyant les Hessois approcher, se rallia, et on chargea tout d’un temps tout le corps de la cavalerie ennemie, qui s’était mis sur une seule ligne; on la rompit ; tout le canon qui était sur cette montagne fut pris, et les régiments d’Infanterie qui étaient avec l’aile droite furent défaits, et le général de l’armée de l’Empereur, nommé Gléen, pris.

D’un autre côté, toute la cavalerie de M. le Prince, première et seconde ligne, et même sa réserve commandée par le chevalier de Chabot, et toute l’infanterie qui s’en était fuie dans la plaine, étant chassée du village, fut entièrement défaite : Jean de Werth laissa suivre la victoire de ce côté là par deux régiments, qui poussèrent nos troupes deux lieues jusqu’au ba­gage, et revint pour seconder son aile droite, ou pour arrêter la déroute. Si au lieu de retourner par le même endroit, en laissant le village à main gauche, ils eussent marché dans la plaine droit à la cavalerie weimarienne et hessoise, l’on n’aurait pas été en état de faire aucune résistance, et le désordre se serait mis très facilement dans notre aile gauche ainsi enve­loppée.

Comme la cavalerie de M. de Werth commença à revenir derrière se vil­lage , le soleil était déjà couché, et la nuit venant incontinent après, let deux ailes qui avaient battu ce qui était devant eux, demeurèrent en ba­taille l’une devant l’autre ; et comme la cavalerie de l’armée du Roi était un peu plus avancée que le village , quelques régiments de l’ennemi qui étaient dans le cimetière et dans l’église se rendirent à M. de Turenne, et sortirent de là sans armes à l’entrée de la nuit, sans savoir que leurs trou­pes n’étaient pas à cinq cents pas de là.

La cavalerie demeura une partie de la nuit fort proche l’une de l’autre dans la plaine, les Gardes avancées de part et d’autre n’étant pas à cin­quante pas l’une de l’autre. A une heure après minuit l’armée des ennemis commença à se retirer, n’en ayant pas plus de raison que celle du Roi, si ce n’est qu’ils avaient perdu leur général : on n’entendit pas beaucoup de bruit, car ils n’avoient pas de bagage: je crois qu’ils n’emmenèrent que quatre petites pièces de canon, tout le rеste qui était douze ou quinze, demeura sur le champ de bataille. A la pointe du jour on ne vit plus personne, et on sût que les ennemis s’étaient retirés vers Donawert, petite ville où il y a un pont sur le Danube à quatre heures de-là. M. de Turenne les poursuivit jusqu’à la vue de Donawert, avec deux ou trois mille chevaux.

L’armée du Roi y eut toute son aile droite battue , et toute son infanterie entièrement mise en confusion, hors trois bataillons Hessois qui étaient à la réserve, et je crois qu’il y eut bien trois à quatre mille hommes de pied tués sur la place. De l’armée de l’ennemi toute l’aile droite fut battue, trois ou quatre régiments d’infanterie qui étaient mêlés avec elle, défaits, deux qui se rendirent dans l’église ; beaucoup de gens tués dans le village, et presque tout son canon pris. Pour parler de la perte des hommes, je crois que celle que fit l’armée du Roi fut plus grande que celle de l’ennemi. M. le maréchal de Grammont fut pris d’un côté, et le Général Gléen de l’autre, et un très grand nombre d’officiers et beaucoup d’étendards : notre cavalerie allemande des vieux Corps, fit très bien, comme aussi les régiments de Duras et de Tracy.

On fut quelques jours sans pouvoir mettre ensemble plus de douze ou quinze cents hommes de pied de toute l’infanterie française. Après avoir demeuré un jour ou deux auprès de Nördlingen, M. le Prince sachant que les bourgeois y étaient les plus forts, et que l’ennemi n’y avait que quatre cents hommes, résolut de l’attaquer : les habitants de la Ville demandèrent à capituler dès la première nuit, et on renvoya la garnison à l’ar­mée de l’ennemi ; mais je crois qu’on retint leurs armes. On demeura sept ou huit jours à Nördlingen, qui est une très grande et bonne ville, où l’on se raccommoda beaucoup : on y trouva des armes, assez de chevaux pour les équipages, des harnois, et beaucoup de médicaments pour les blessés. »

 

La bataille d’Allerheim par le maréchal de Gramont :

« Mais, comme les généraux mangeaient, on vit arriver à toute bride un reître suédois qui venait donner avis que les ennemis n’étaient qu’à demi lieue : ce qui parut si peu possible, et tellement hors de vraisemblance, que la compagnie se mit à rire, et que le duc d’Enghien, en le plaisantant, lui dit : « Tu con­viendras au moins, mon ami, que nous avons affaire à des gens trop sages et trop habiles pour qu’étant aussi prêts que tu nous l’assures, ils n’aient pas mis la rivière de Vernitz entre eux et nous. « Ma foi, Monseigneur, répondit le cavalier, Votre Altesse en croira tout ce qu’elle voudra ; mais si elle veut se donner la peine de venir avec moi à cinq cents pas d’ici, sur cette petite hauteur qui est là à sa gauche, je lui ferai voir que je ne suis ni aveugle ni poltron ; et elle conviendra avec moi que l’armée de Mercy n’est séparée de la sienne que par une plaine unie comme la main. »

Le reître parla si positivement et avec tant d’assurance que l’on commença à craindre qu’il n’accusât juste. Le duc d’Enghien, les deux maréchaux de France et les officiers gé­néraux montèrent à cheval avec quelques esca­drons pour reconnaître eux-mêmes de quoi il était question, et la vérité d’une nouvelle si circonstanciée; et en s’avançant ils trouvèrent que les ennemis se mettaient en bataille, les­quels, ayant la hauteur sur nous, voyaient tous les mouvements de notre armée. C’est là où Mercy et Gleen firent une lourde faute; car s’ils eussent détaché un gros corps de cavalerie avec des débandés à la tête pour gagner huit ou dix pruniers où le duc d’Enghien et tous les gé­néraux s’étaient mis pour observer de plus près le mouvement des ennemis, ils se trouvaient engagés si avant et tellement éloignés du reste de leurs troupes, qu’ils eussent été infaillible­ment pris ou tués. Mais comme il n’est pas dans l’homme de penser à tout, cela ne passa ni par la tête de Mercy ni par celle de Gleen ; et ils ne songèrent, voyant qu’ils allaient donner une bataille, qu’à prendre un poste tout à fait avantageux : à quoi ils réussirent en perfection, car il n’en fut jamais un pareil que celui qu’ils choi­sirent.

Il y avait un village au milieu de la plaine, duquel ils garnirent les maisons et l’église d’in­fanterie ; et pour le soutenir ils levèrent une espèce de retranchement, où ils mirent leur gros corps d’infanterie à la droite et à la gau­che. Il y avait deux petites éminences, sur cha­cune desquelles était un vieux château ruiné ou leur canon était posté : leur première aile de cavalerie, composée des cuirassiers de l’Empe­reur, tenait la droite du village jusqu’au-dessous de l’éminence où était le canon ; l’aile gauche, composée des troupes de Bavière, s’étendait jusque sous l’autre éminence ; et la seconde ligne était dans la distance nécessaire. Ces postes si bien pris n’empêchèrent pas la résolution de les combattre : et comme il se faisait un peu tard, l’on pressait extrêmement les troupes de se former, jugeant bien que si l’on attendait au lendemain, l’affaire deviendrait plus diffi­cile, d’autant que les ennemis achèveraient de perfectionner leur retranchement qu’ils avaient déjà commencé, et qu’alors il serait inattaquable.

Le maréchal de Gramont avait l’aile droite opposée à celle de Bavière : et comme l’on crut qu’il était impossible d’attaquer leur cavalerie, qui se trouvait flanquée de l’infanterie du village et du canon des deux éminences, qu’aupa­ravant l’on ne se rendît maître du village, on résolut de l’attaquer, bien que la chose parût dure et difficile. Marsin et Castelnau furent chargés de cette expédition. Un officier de con­fiance eut ordre, avec quelques autres, d’aller reconnaître un endroit qui d’un peu loin paraissait un défilé entre l’aile gauche des enne­mis et notre droite ; mais ce passage fut mal reconnu par ces messieurs, qui rapportèrent, sans l’avoir vu (le péril d’en approcher de trop près étant manifeste), que c’était un défilé con­sidérable, et par où les escadrons ne pouvaient passer : ce qui fut cause d’un grand malheur ; et peu s’en fallut que le duc d’Enghien ne les fît mettre au conseil de guerre, le cas le méri­tant tout à fait.

Cependant l’attaque du village devenait ter­rible , et le duc d’Enghien ne cessait de tirer des troupes de l’aile droite pour soutenir son infanterie, qui était fort maltraitée et qui pliait de moment en moment : ce que le maréchal de Gramont voyant avec douleur, le fut trouver à toute bride pour lui représenter le grand in­convénient qui en pourrait arriver ; puis s’en retournant à son poste, il vit que les ennemis faisaient descendre de l’infanterie de l’éminence où était leur canon , laquelle commençait déjà à endommager beaucoup les escadrons de notre droite : ce à quoi voulant remédier, il fit avan­cer la seconde ligne, les régiments de Fabert et de Wal, irlandais. Dans cette escarmouche, qui fut très vive, il reçut un coup de mousquet au milieu de son casque, dont il fut tellement étourdi, qu’il tomba sur le cou de son cheval comme mort ; mais il revint à lui peu après, et 1e coup n’ayant point percé, il en fut quitte pour une violente contusion, qui toutefois ne l’empêcha pas d’agir le reste de l’action et de se porter partout où sa présence fut néces­saire.

Dans ce même temps, les deux régiments d’infanterie de Fabert et de Wal chassèrent celle des ennemis, qui incommodait notre ca­valerie; mais dans le même moment il parut un commencement de désordre et de confusion dans le village, le baron de Marsin et le mar­quis de Castelnau ayant été extrêmement bles­sés et contraints de se retirer. Le duc d’Enghien voyant que l’affaire du village allait mal, et qu’elle était presque sans remède, passa à l’aile gauche, qui était composée des troupes de Hesse que le maréchal de Turenne commandait, et trouva en y arrivant que ce géné­ral s’ébranlait pour aller à la charge : et c’est là ou se firent ces belles charges de cavalerie qui ont tant fait de bruit et dont on a tant parlé.

Sur ces entrefaites, l’aile gauche des bava­rois vint charger notre droite, et passa en ba­taille dans l’endroit qu’on avait rapporté être un défilé presque impraticable; ce qui causa tant de surprise et d’épouvante à toute notre ca­valerie française, qu’elle s’enfuit à deux lieues delà, sans attendre les ennemis à la portée du pistolet : chose qui n’aura peut-être jamais d’exemple.

Tout ce que put faire le maréchal de Gra­mont , ce fut de se mettre à la tête des deux ré­giments de Fabert et de Wal, qui ne branlèrent point de leur poste, et qui firent à bout touchant une si furieuse décharge sur la cavalerie enne­mie, qu’elle ouvrit les escadrons qui venaient à la charge, et le maréchal de Gramont pris ce temps là pour entrer dedans avec ce qui lui restait de gens auprès de lui: ce qui ne lui servit pas à grand’ chose, se trouvant enveloppé de toutes parts, et quatre cavaliers sur le corps qui l’allaient tuer, en disputant ensemble à qui l’aurait. Son capitaine des Gardes en tua un, et Hemon, son aide de camp, un autre : ce qui lui ayant donné un peu de relâche, il survint, par bonne fortune pour lui dans le moment, un ca­pitaine du régiment de La Pierre, nommé Sponheim, lequel, entendant nommer le maréchal de Gramont, rallia deux ou trois officiers de ses amis, qui ayant écarté la compagnie le tirè­rent d’intrigue et lui sauvèrent la vie. Le capi­taine de ses Gardes resta mort sur la place, le lieutenant blessé et prisonnier avec lui, le cor­nette et le maréchal des logis tués, et toute la compagnie de ses Gardes, qui était de cent maî­tres, à la réserve de douze qui furent aussi pris ; quatre aides de camp tués, trois de ses pages, et généralement tous ses domestiques qui l’avoient suivi, furent pareillement tués à ses côtés. C’est ce que produit l’affection pour un maître qu’on aime.

Il lui arriva encore un accident assez extra­ordinaire : car le capitaine qui le conduisait le voulant toujours mener au général Mercy, du­quel il ignorait la destinée , ne sachant pas en­core qu’il avait été tué par les premiers mous­quetaires commandés à l’attaque du village , trouva un petit page lorrain du baron de Mercy, âgé de quinze ans , lequel entendant dire qu’on menait le général des français, voulut venger sur lui la mort de son maître : et comme il n’avait point de pistolets , et qu’on menait le ma­réchal de Gramont les rênes de son cheval ra­battues, il sauta sur un des siens et lui tira dans la tète ; mais par bonne fortune ayant été déchargé dans le combat, il ne lui put faire de mal. Les allemands voulurent châtier sévèrement une action aussi noire ; mais le maréchal de Gramont dit que c’était un enfant à qui il voulait qu’on pardonnât, et empêcha qu’il ne fût pistolé sur-le-champ, les allemands étant sans miséricorde pour pareils attentats.

Pendant que les choses se passaient ainsi du côté de notre aile droite, il n’en allait pas de même à celle des ennemis, qui, après un furieux combat, fut entièrement défaite par le duc d’Enghien et le maréchal de Turenne, qui étaient à la gauche. Le général Gleen, qui y commandait, y fut blessé et pris, et un nombre infini d’officiers principaux et de soldats, beaucoup de canons et d’étendards. Le champ de bataille nous demeura avec toutes les marques de la vic­toire : ce que voyant Jean de Werth, qui commandait l’armée de Bavière, et Mercy mort, il ne songea plus qu’à se retirer dans le meilleur ordre qu’il put sur une montagne auprès de Donawert, nommée Schellemberg, qui était déjà retranchée dès le temps du roi de Suède. »

 

Stéphane Thion

La bataille d’Allerheim ou Nördlingen (3 août 1645)

La bataille d’Allerheim ou Nördlingen (3 août 1645)

 

Ci-dessus : Condé (qui n’est encore que duc d’Enghien en 1645)

La bataille d’Allerheim est intéressante à plus d’un titre. Elle est probablement à l’origine d’un tournant dans la carrière de deux des plus grands généraux français. Il s’agit de la troisième bataille (après les deux journées de Fribourg en 1644) qui voit le duc d’Enghien et Turenne affronter, côte à côté, un des plus grands généraux bavarois : Gaspard de Mercy. Et ce sera la troisième bataille, après ces deux journées de Fribourg, a se terminer en de demi-succès (ou demi-échecs) même si la seconde journée de Fribourg et Allerheim sont considérées comme des victoires françaises, le champ de bataille restant à Enghien et Turenne. Fribourg et Allerheim seront en effet des victoires à la Pyrrhus (voire des boucheries, il ne restera que 1500 fantassins français opérationnels le lendemain d’Allerheim) face à Mercy, excellent général et, dans les deux cas, très bien retranché. La victoire d’Allerheim est par ailleurs probablement due à la mort de ce général, dès le début de la bataille.

Ces trois batailles sont intéressantes à double titre : (1) elles révèlent la formidable énergie du futur Condé et de Turenne ainsi que leur capacité à prendre des décisions. Rocroi fut la première bataille commandée par le duc d’Enghien et il était bien conseillé. Turenne obtient son premier grand commandement en 1643, en remplacement de Guébriant à la tête de l’armée d’Allemagne. Les années 1644 et 1645 sont donc de vrais tests et ces tests, contrairement aux apparences, sont plutôt réussis ; (2) en second lieu, Enghien comme Turenne vont énormément apprendre lors de ces deux années. La superbe victoire de Condé à Lens (1648) voit le duc devenu prince refuser d’attaquer un ennemi bien retranché et l’attirer en plaine. A l’issue d’une superbe campagne, l’année 1646 verra Turenne aller à l’aide des Suédois et mettre la Bavière à genou sans livrer une seule bataille. Un exploit peu connu et exceptionnel. Jetons donc un coup d’œil à cette bataille d’Allerheim, aussi appelée seconde Nördlingen, qui aura eu un impact majeur sur les carrières de ces deux superbes commandants.

Ci-dessus : Turenne

3 août 1645 : La bataille

Après sa défaite à Fribourg le général bavarois Mercy se retire vers Dinkelpuhel. Enghien et Turenne le suivent. Les escadrons de Mercy refluent devant l’armée française. Le 3 août 1645 vers 9 heures du matin, l’armée française débouche dans la plaine de Nördlingen. Mercy qui vient d’être rejoint par le corps impérial de Gleen (6 à 7 000 hommes), est persuadé que les français n’attaqueront pas ce jour-là. Il se retranche sur une montagne, à 400 pas derrière un ruisseau et le village d’Allerheim. Il place le corps impérial sur son aile droite, ses bavarois occupant le centre, derrière le village et sur l’aile gauche. Quelques mousquetaires commandés occupent l’église du village. A midi, l’armée française débouche dans la plaine. Le déploie va prendre du temps. L’intention du duc d’Enghien est de prendre le village afin de ne pas désarticuler ses deux ailes de cavalerie.

Il est 17 heures : le duc d’Enghien fait canonner le village puis il le fait attaquer par quelques bataillons de Marsin. Les premiers retranchements sont forcés mais les mousquetaires positionnés dans le village repoussent cette attaque par une violente décharge. Le duc d’Enghien, soutenu par Turenne, lance un second puis un troisième assaut, dont il prend la tête, sans plus de succès. Enghien a deux chevaux légers sous lui. Mercy s’écrit alors : Dieu a tourné la tête aux français, ils vont être battus ! Prenant la tête de l’infanterie, il attaque à son tour le village. Mais il est tué à la tête de ses hommes. Les Bavarois, rendus fous de rage par la mort de leur général, taillent l’infanterie française en pièces. Sur l’aile gauche bavaroise, la cavalerie de Jean de Werth charge et enfonce son homologue française. Grammont tente de stopper la cavalerie bavaroise en engageant la réserve de Chabot, sans succès. Sur l’aile gauche française, Turenne gravit la colline, malgré les décharges continuelles de leur artillerie, et charge l’aile droite bavaroise.

A l’aile gauche, Turenne gravit la montagne à la tête de 8 ou 9 escadrons mais se fait accueillir par un feu nourri. Il s’aperçoit alors que le centre et l’aile droite de l’armée française sont en déroute. Heureusement, de Werth se laisse emporter inconsidérément dans sa poursuite.  Après plusieurs charges, Turenne parvient à passer la première ligne bavaroise mais Gleen s’avance à la tête de la seconde ligne.

Il reste le corps hessois de Geyso. Turenne et Enghien lancent ce corps à l’attaque. Les escadrons et bataillons de Gleen sont rompus. Turenne retourne l’artillerie contre les Bavarois et prend les derniers défenseurs de flancs. Les régiments qui s’étaient retranchés dans l’église et le cimetière se rendent, les autres se retirent. C’est alors que Jean de Werth revient avec sa cavalerie victorieuse, mais il est trop tard.

À minuit, tout est fini. A une heure, de Werth profite de la nuit pour se retirer et regagner Donauwörth avec les restes de l’armée, poursuivi par Turenne. Toute l’aile droite française a été très malmenée. Trois à quatre milles hommes sont morts sur le champ de bataille. A l’inverse, l’aile droite bavaroise et impériale a beaucoup souffert. Mais globalement, les pertes françaises sont supérieures : « On fut quelques jours sans pouvoir mettre ensemble plus de douze ou quinze cents hommes de pied de toute l’infanterie française » écrira Ramsay dans les mémoires de Turenne.

 

L’armée alliée : 7800 fantassins en 20 bataillons (390 hommes par bataillon), 9200 cavaliers en 40 escadrons (230 chevaux par escadron) et 27 canons

L’armée de Condé comptait 3 contingents : les restes de l’armée d’Allemagne de Turenne (5,000 hommes), l’armée de France de Gramont (6,000 hommes) et l’armée Hessoise de Geiso (6,000 hommes), pour un total de 17 000 hommes. L’armée alliée compte au total 7800 fantassins (20 bataillons), 9200 cavaliers (40 escadrons) et 27 canons (vraisemblablement des nouvelles pièces de 4 ou de 8 livres).

Armée de France (Enghien) : 11 bataillons d’infanterie totalisant 3 300 hommes et 17 escadrons de cavalerie formés à partir de 11 régiments, pour un total de 2 700 chevaux.

Armée d’Allemagne (Turenne) : 3 bataillons d’infanterie totalisant 1500 hommes et 13 escadrons de cavalerie formés à partir de 10 régiments de cavalerie, pour un total de 3 500 chevaux.

Armée hessoise (Geiso) : 6 régiments d’infanterie formant 6 bataillons faisant 3 000 fantassins et 10 escadrons de cavalerie formés à partir de 6 régiments, pour un total de 3 000 chevaux. L’armée Hessoise a été formée à la fin de 1631 sur le modèle suédois (en termes d’organisation et de tactique de combat).

En moyenne, les bataillons français sont à 343 hommes et les escadrons français et weimariens à moins de 207 chevaux. Les bataillons hessois sont à 500 hommes et les escadrons à 300 chevaux.

Déploiement de l’armée, de gauche à droite :

Aile gauche française (Turenne)

Première ligne : 7 escadrons de cavalerie des régiments Russwurm (weimariens, 1 esc), Mazarin (allemands, 1 esc), Taupadel (weimariens, 1 esc), Tracy (1 esc), Turenne (franco-allemands, 1 esc), Oysonville (1 esc) et Beauveau (1 esc).

Seconde ligne : 5 escadrons des dragons de Rosen (weimariens) et des régiments de cavalerie weimariens Alt-Rosen, Fleckenstein et Kanoffsky (2 escadrons).

Troisième ligne : 2 escadrons des régiments de cavalerie weimariens Ohm et Betz, et corps hessois de Geiso : 2 escadrons du régiment de cavalerie Rauchhaupt, 2 escadrons du régiment de cavalerie Schwer, 6 bataillons d’infanterie des régiments Franc, Lopez, Uffel, Wrede, Staufer et Kotz, 2 escadrons de cavalerie du régiment Bruckhurst, 2 escadrons du régiment Groot, 2 escadrons des gardes du corps de Geiso.

Centre (Enghien) :

Première ligne : 7 bataillons d’infanterie des régiments Bellenave, Oysonville, Mazarin français, Mazarin italien, Conti, Enghien et Persan.

Seconde ligne : 3 bataillons d’infanterie des régiments Gramont, Le Havre et Montausier.

Troisième ligne : 3 escadrons de gendarmes.

Aile droite (Gramont) :

Première ligne de cavalerie : 1 escadron de gardes du corps d’Enghien et 1 escadron de carabins d’Arnaud.

Seconde ligne de cavalerie :  6 escadrons des régiments de cavalerie Gramont, Mazarin (2 escadrons), et Enghien (3 escadrons).

Troisième ligne de cavalerie : 4 escadrons des régiments de cavalerie Gramont, Chambre, Boury, et La Clavière

Quatrième ligne, corps de Chabot (4 bataillons et 4 escadrons) : 2 escadrons de cavalerie weimarienne Neu-Rosen, 4 bataillons d’infanterie des régiments Trousses, Wahl (irlandais), Fabert, et de la garnison de Lorraine, et 2 escadrons du régiment de cavalerie Marsin.

Remarque : selon une carte allemande que vous trouverez ci-dessous, la cavalerie du centre et de l’aile droite française est placée de façon légèrement différente.

 

Pour LM Tercios, tous les bataillons d’infanterie alliés (y compris hessois) sont des bataillons réformés modernisés (musket only).

Les escadrons de cavalerie sont tous des escadrons de demi-cuirassés modern cavalry demi-cuirassiers (voir extension Kingdom) à l’exception des escadrons de gardes et de gendarmes qui sont modern cavalry gendarmes (voir extension Kingdom) et les carabins qui sont mounted arquebusiers.

Les 27 pièces d’artillerie peuvent être simulés par 5 canons légers (light artillery).

Quelques drapeaux (supposés) de régiments d’infanterie présents à Allerheim :

Mazarin-Italien (ex-Languedoc)

Montausier

Enghien

Mazarin-français

 

Persan

Conti

 

L’armée bavaroise : 8800 fantassins en 14 bataillons (630 hommes par bataillon), 7200 cavaliers en 39 escadrons (185 chevaux par escadron) et 28 canons

L’armée bavaroise et impériale compte au total 16 000 hommes (4,500 impériaux et 11,500 bavarois) dont 8,800 fantassins, 7,200 cavaliers et 28 canons. Elle se décompose en 14 bataillons soit 630 hommes par bataillon (7 bataillons bavarois et 7 impériaux) et 39 escadrons (31 escadrons bavarois et 8 impériaux) de 185 chevaux en moyenne.

Déploiement de l’armée, de gauche à droite :

Aile gauche (de Werth) :

Première ligne : 9 escadrons de cavalerie : Lapierre (cuirassiers bavarois, 2 escadrons), Sporck (arquebusiers bavarois, 2 escadrons), Fleckenstein (cuirassiers bavarois, 2 escadrons) et de Werth (arquebusiers bavarois, 2 escadrons).

Seconde ligne : 8 escadrons de cavalerie : Sporck (arquebusiers bavarois, 2 escadrons), Fleckenstein (cuirassiers bavarois, 1 escadron), Salis (demi-cuirassiers bavarois, 2 compagnies), de Werth (arquebusiers bavarois, 1 escadron).

Troisième ligne à l’extrême gauche : Lapierre (dragons bavarois, 2 escadrons).

Des unités d’infanterie se trouvent dans le château d’Allerheim (à l’extrême gauche), et dans le village d’Hunnerberg (derrière les dragons de Lapierre) : 2 bataillons des régiments bavarois de Winterscheid et Puech occupaient le château d’Allerheim.

Centre (Mercy) :

Première ligne (en retrait, entre les deux premières lignes des ailes de cavalerie) : 7 bataillons : Royer (bavarois), Kolb (bavarois), Halir (impériaux), Gold (bavarois), H. de Mercy (bavarois), Cobb (bavarois), Bournonville-Hennin (impériaux polonais).

3 bataillons des régiments impériaux de Ruischenberg, Marimont et F. Mercy se trouvent dans le village d’Allerheim.

Seconde ligne (un peu en arrière des secondes lignes des ailes) : 6 escadrons de cavalerie :  Salis (demi-cuirassiers bavarois, 1 escadron), Jung-Kolb (arquebusiers bavarois, 2 escadrons), Gil de Haas (cuirassiers impériaux, 1 escadron), et compagnies franches bavaroises (2 escadrons).

Aile droite (Gleen) :

Première ligne : 10 escadrons de cavalerie et 2 bataillons d’infanterie : croates de Marcovich (impériaux, 1 escadron), Hollstein (cuirassiers impériaux, 2 escadrons), Hyller ou Heillen (2 escadrons), Gayling (cuirassiers bavarois, 2 escadrons), Cosalky (arquebusiers bavarois, 2 escadrons), Alt-Kolb (cuirassiers bavarois, 2 escadrons), régiments d’infanterie Plettenberg (impériaux, 1 bataillon) et Mandesloe (impériaux, 1 bataillon).

Seconde ligne : 6 escadrons de cavalerie : Hollstein (cuirassiers impériaux, 1 escadron), Hyller ou Heillen (1 escadron), Gayling (cuirassiers bavarois, 1 escadron), Stahl (cuirassiers bavarois, 2 escadrons), Alt-Kolb (cuirassiers bavarois, 1 escadron).

Les 28 canons se répartissent probablement en 4 demi-canons de 24, 6 demi-couleuvrines de 12, 12 faucons de 5 et 6 fauconneaux de 2-3 livres. Ils étaient déployés en 7 batteries : 1 de 6 pièces dans Allerheim, 1 de 5 sur le Weinberg, 1 de 3 dans le château, 1 de 4 pièces avec Werth, 1 de 3 pièces avec le centre d’infanterie et 2 batteries de 4 et 3 pièces avec la cavalerie de Gléen. Les 4 dernières étaient probablement les faucons et fauconneaux.

Pour LM Tercios, les 18 bataillons d’infanterie sont classic squadron modernised, musket only. Il est possible de passer les bataillons d’infanterie en large squadron afin de simuler la différence de taille moyenne entre bataillons bavaro-impériaux et franco-hessois mais cela risque de déséquilibrer la partie, l’infanterie de Mercy étant déjà bien retranchée. L’infanterie bavaroise est ainsi covered et protected et l’artillerie est fortified.

Les escadrons de cuirassiers sont cuirassiers, pistol, les escadrons de demi-cuirassés sont modern cavalry demi-cuirassiers (voir extension Kingdom) et les régiments d’arquebusiers à cheval sont mounted arquebusier, arquebus & pistol. Il est très probable que la distinction entre régiments de cuirassiers et d’arquebusiers montés ne soit plus qu’administrative et que l’ensemble des régiments soient équipé comme des demi-cuirassiers (déjà, dans les années 1630s, des régiments d’arquebusiers étaient mieux équipés que certains régiments de cuirassiers) : si vous convenez de cette hypothèse, passez tous les régiments en modern cavalry demi-cuirassiers. Les escadrons de croates sont light horse.

Les 28 pièces d’artillerie peuvent être simulées par 5 pièces d’artillerie : une heavy artillery, 3 medium artillery et une light artillery.

Bien sûr, au vu des effectifs, vous pouvez diviser les effectifs ou le nombre d’unités par 2 ou 3.

Pour les éléments du champ de bataille, je vous laisse vous inspirer des cartes ci-dessous.

 

Stéphane Thion

La bataille de Lens (20 août 1648)

La bataille de Lens (20 août 1648)

Après la prise d’Ypres, Condé campe à Béthune et fait sa jonction avec le corps d’Erlach (4 000 hommes). De son côté, l’archiduc Leopold, après avoir pris Courtrai, marche sur Lillers puis Lens. L’armée espagnole campe alors, bien retranchée derrière le ruisseau qui va à Arras.

Condé, « se réjouissant » de la présence des ennemis en plaine, traverse la Lys.

« Son altesse en marchant fit trois lignes de ses troupes qui faisaient tout au plus vingt mille hommes et tout au moins dix-huit  ; il mit à la première les gardes, Picardie et les régiments de l’armée d’Erlach et pour cavalerie tous les gendarmes tant du Roy que des princes et toutes les compagnies de gardes des généraux ; la seconde ligne était en pareille disposition et notre cavalerie légère commandée par Guiche ( ?), monsieur d’Erlach demeura pour troisième ligne et corps de réserve ; Mr de Cossé menait une bande d’artillerie. A la première ligne il les faisait marcher aussi vite que les troupes ; nous allâmes en cet équipage montrer notre armée à Mr l’archiduc qui était bien couvert de ses lignes devant lesquelles nous nous arrêtâmes à un jet de pierre près, et y demeurâmes tout le jour, les officiers d’infanterie de la première ligne jouant et sautant au « saut de l’allemand » toute la journée sans (être) autrement alarmé » écrit alors un gazetier, témoin anonyme de la bataille. Ce témoin ajoute par ailleurs que « Il est à remarquer que Mr le prince avait tant parlé des troupes d’Allemagne lesquelles ne tiraient jamais les premiers et obligeaient leurs ennemis à faire leur décharge puis à fuir devant eux que chaque officier s’était mis cela en tête, et bien que cela ne fut dit qu’à l’égard de la cavalerie, néanmoins l’infanterie s’y fit presque partout un point d’honneur de ne point tirer ».

Condé feint alors une retraite vers Béthune, pour tenter de déloger l’Archiduc. « Mr le Prince résolut quand le jour serait venu de se retirer en un village nommé Loo auquel touchait notre arrière garde afin de repaître et dit tout haut qu’en quelque temps que l’archiduc marchait, qu’il le combattrait assurément et ainsi il se mêla à l’affaire publiquement quoique pique qui contribua particulièrement au grand fait d’arme du jour suivant » témoigne le rédacteur de cette petite relation de la bataille avant de poursuivre un peu plus loin : « Voici ce coup de maître que fit notre héros (ndla : de Condé !), ce qu’il ne nous ai fait entendre par la comparaison du jeu d’escrime ou ne nous ai dit que durant que le moins docte bat du pied sans se débander le savant prend un temps et loge sa botte à plaisir ».

Beck tombe effectivement dans le panneau, et réussit à convaincre l’Archiduc de se lancer à la poursuite des Français. Le 20 août à 8 heures du matin, alors qu’elle franchit la crête d’un vallon, l’armée espagnole découvre les Français qui lui font face. Condé « ne fit que faire à gauche, en remarchant droit aux ennemis, lesquels étaient bien en bataille chacun en particulier mais n’étaient point en ordre de bataille mais en colonne pour s’y mettre ». Surpris, l’Archiduc range ses troupes en bataille. L’artillerie française ouvre le feu. Les Espagnols mettent en hâte leurs pièces en batterie. L’artillerie française, bien moins nombreuse (18 pièces contre 38) mais mieux préparée, fait des ravages dans les rangs ennemis.

L’aile droite française et la cavalerie de Lorraine s’avancent alors l’une contre l’autre. Les deux ailes se font face à 10 pas : les Lorrains ouvrent le feu. Les Français chargent et enfoncent la première ligne ennemie commandée par le prince de Salm. Ligneville engage alors sa seconde ligne, puis Condé en fait de même. Pendant ce temps, l’aile gauche connait le même dénouement : la cavalerie de Grammont attend la décharge ennemie, puis charge l’aile droite espagnole. Au même moment, l’infanterie des deux batailles, marchent l’une vers l’autre et s’arrêtent à portée de tir. Au centre de la ligne, les deux bataillons des Gardes Françaises et le bataillon des Gardes Suisses enfoncent trois bataillons ennemis. Mais Beck contre-attaque, avec infanterie et cavalerie, et écrase les trois bataillons des Gardes : « Là le régiment des gardes pour avoir fait sa salve le premier fut taillé en pièces, et le régiment de Picardie qui ne voulut point tirer défit sept régiments entre lesquels était celui qui avait tué le régiment des gardes ; les régiments qu’avait amené Erlach qui étaient Nettancourt, Vaubecourt et autres ne tirèrent non plus que Picardie » écrit notre témoin. Les escadrons de cavalerie français, en sous-nombre, viennent se reformer derrière Picardie entre deux charges.

Châtillon lance alors sa seconde ligne et ses gendarmes pour recueillir les bataillons décimés. Les Espagnols refluent. Voyant le centre espagnol repoussé, d’Erlach choisit de seconder Condé, prenant de flanc la seconde ligne des Lorrains. Tout le front espagnol lâche pied. Au centre, la seconde ligne de l’Archiduc ne peut changer le cours des choses : elle est entraînée dans la retraite. L’infanterie espagnole, dernier rempart, ne résistera pas longtemps : elle se joint à la retraite générale.

L’armée d’Espagne laisse 3 000 morts sur le terrain et 5 000 prisonniers. L’armée française compte 1 500 hommes hors de combat. Le corps des officiers des Gardes Françaises y payera un lourd tribu : les quinze capitaines présents sont tous morts ou blessés.

La victoire de Lens sera la plus achevée et donc probablement la plus belle des victoires de Condé durant la guerre de Trente ans. C’est la première bataille où le plan fut réellement précis, réglé par lui-même dans tous ses détails, et où il a réellement tiré parti de son artillerie.

Ordres de bataille :

Armée française (Condé) : 16 000 hommes en 12 bataillons d’infanterie (10 000 fantassins soit 833 hommes par bataillon) et 40 escadrons de cavalerie (6 000 chevaux, soit 150 chevaux par escadron), 18 canons légers.

Aile droite de cavalerie (Condé, Villequier et Noirmoutiers) :

Première ligne (Villequier et Noirmoutiers : 9 escadrons formés des régiments Gardes de Condé , Son Altesse Royale (duc d’Orléans, 2 escadrons), La Meilleraye (ou Grand-Maïtre), Saint-Simon, Bussy, Streif, Harcourt le Vieux et Beaujeu.

Seconde ligne (Arnaud) : 8 escadrons formés des régiments Chappes (2 escadrons), Coudray, Saarbrück Allemand, Vidame d’Amiens et La Vilette (ex-Gassion, 2 escadons).

Centre d’infanterie (Châtillon et Cossé-Brissac) :

Première ligne (Cossé-Brissac) : 2 batteries d’artillerie et 7 bataillons d’infanterie formés des régiments Picardie et Son Altesse Royale en un bataillon, Erlach-Allemand et Pernol en un bataillon, Gardes Suisses, Gardes françaises (en 2 bataillons), Gardes écossaises, Persan

Deuxième ligne (Châtillon) : 6 escadrons de Gendarmes (formés par les gendarmes de Condé, chevaux-légers de Condé, gendarmes de Choubert, gendarmes de la Reine, gendarmes du Roi, chevaux-légers du Roi, gendarmes d’Enghien, gendarmes S.A.R, gendarmes de Conti, chevau-légers de Conti, chevau-légers d’Enghien, gendarmes de Longueville, gendarmes de Marsillac).

Troisième ligne : 5 bataillons d’infanterie formés des régiments La Reine (y compris 300 hommes de la garnison de La Bassée), Erlach-français, Razilly, Mazarin-Italien, Conti et Condé.

Aile gauche de cavalerie (Gramont et La Ferté-Senneterre) :

Première ligne (La Ferté-Senneterre) : 9 escadrons formés des carabins d’Arnaud et gardes de la Ferté-Senneterre et de Gramont (un escadron), des régiments Cardinal Mazarin (2 escadrons), Gramont (2 escadrons), La Ferté-Senneterre (2 escadrons), et Biens (Allemand, ex-Zillart, 2 escadrons).

Seconde ligne (Plessis-Bellière) : 8 escadrons formés des régiments Roquelaure, Gesvres, Lillebonne,  Noirlieu (ex-Vatimont, 2 escadrons), Meille et Chemerault.

Réserve de cavalerie d’Erlach : 5 escadrons formés des régiments Erlach, Sirot, et Ruvigny.

 

Les régiments bataillons d’infanterie français sont des bataillons réformés modernisés (musket only). Les bataillons de Gardes françaises, Gardes suisses, Gardes écossaises et Picardie sont veterans. Les escadrons de cavalerie sont des escadrons de demi-cuirassés modern cavalry demi-cuirassiers (voir extension Kingdom) et les escadrons de gendarmes sont modern cavalry gendarmes  (voir extension Kingdom). Les 18 canons peuvent être simulés par 3 canons légers (light artillery).

 

Armée espagnole (Archiduc Leopold secondé par Fuensaldana) : 20 000 hommes en 16 bataillons/escadrons d’infanterie (12 000 fantassins soit 750h par bataillon) et 62 escadrons de cavalerie (8 000 chevaux soit 130 chevaux par escadron), 38 canons.

Aile droite de cavalerie (Prince de Ligne et Bucquoy) :

Première ligne : 12 escadrons formés des régiments Bucquoy (Allemands), Savary (Allemands), prince de Ligne (Wallons), del Brouck (Allemand) et compagnies de Ris (Wallons) et Meinssague (Wallons).

Seconde ligne : 12 escadrons formés des compagnies Sandoy (Wallons), Scandalberg (Wallons), Erland (Wallons), Gonni (Wallons), Hurc (Wallons), Scalar (Wallons).

Centre d’infanterie (Beck et Saint-Amour) :

Première ligne : 2 escadrons de croates, 3 batteries d’artillerie, 10 escadrons/bataillons d’infanterie et 4 escadrons de cuirassiers : tercio de Solis en un escadron ;  tercios de Boniface et Desa en un escadron ; 4 escadrons du régiment de cuirassés de Salm (lorrains) ; tercios de Monroy et Beck (allemands) en un escadron ; tercios de Lannoy, La Motterie et Grosbandon (wallons) en un escadron ; 3 petits escadrons de cuirassés Saint-Amour ; tercio de Vargas (espagnols) en un escadron ; tercios de Bentivoglio et Guasco (italiens) en un escadron ; 3 petits escadrons des cuirassés de Diego ; régiment de Touvenin et tercio de Silly (lorrains) en un escadron* ; régiment de Clinchcamp (lorrains) et tercio de Marais (irlandais) en un escadron* ; 4 petits escadrons de cuirassés de Miguel (wallons) ; tercios de Sinot et Plunkett (irlandais) en un escadron* ; régiments de Remion et l’Huilier (lorrains) en un escadron*.

*Les escadrons d’infanterie marqués d’une étoile n’ont pas de piquiers.

Deuxième ligne : 2 escadrons de cuirassés (gardes de Fuensaldana et de l’Archiduc, régiment de Fuensaldana).

Troisième ligne : 6 escadrons/bataillons d’infanterie : régiments Verduisant et Gondrecourt (lorrains) en un escadron ; régiments Wanghen et Arias (allemands) en un escadron ; régiments Hous et Chastelain (allemands et lorrains) en un escadron ; régiments Berlau et Anselm (allemands et anglais) en un escadron, tercio de Toledo (espagnols) en un escadron ; tercios de Bruay et Crevecoeur (wallons) en un escadron.

Aile gauche de cavalerie (Salm et ligniville) :

Première ligne : 10 escadrons formés des régiments de Luneville (wallons), prince Louis de Savoie (wallons), Garnier (wallons), Toledo (wallons) et Bastin (wallons).

Deuxième ligne 10 escadrons formés des régiments de Jaeger de Montauban (fusiliers à cheval lorrains), Ligniville (lorrains), châtelet (lorrains), Hacquefort (lorrains), Fauge (lorrains), Mondragon (lorrains) et Montmorency (lorrains).

 

Les bataillons/escadrons d’infanterie espagnols et wallons sont tercio modernised depleted (1) et classic squadron modernised musket only (pour les régiments allemands) (1). Les quatre régiments de mousquetaires (marqués d’une*) shot company musketeers. Les escadrons de cavalerie sont des escadrons de demi-cuirassés modern cavalry demi-cuirassiers (voir extension Kingdom) sauf les quelques escadrons de gardes qui sont cuirassiers. Les escadrons de croates sont  light horse. Les 38 canons peuvent être simulés par 3 canons moyens (medium artillery) et 4 canons légers (light artillery).

(1) Les bataillons/escadrons « espagnols »semblent en réalité plus petits que les français (750 hommes par bataillon contre 833 pour les français). Et il est peu probable qu’en 1648, les tercios soient encore équipés d’arquebuses. Un tercio/régiment espagnol ou allié de 1648 serait donc mieux simulé par un classic squadron modernised musket only voire un reformed battalion modernised – la principale différence entre ces deux derniers étant le facteur de défense contre l’artillerie (4 au lieu de 3) – que par un tercio. Malheureusement la règle LM Tercio ne le prévoit pas.

Pour une meilleure simulation, je vous suggère néanmoins de jouer les escadrons/bataillonsde tercios et régiments alliés comme  reformed battalion modernised, comme leurs adversaires français.

Les bataillons d’infanterie français sont moins nombreux (12 français vs 16 espagnols) et de taille équivalente (833 hommes en moyenne pour les français et espagnols, ces derniers ayant 4 bataillons sans piquiers pouvant être comptés à 500 hommes). De même, les escadrons de cavalerie français sont moins nombreux (40 français vs 62 espagnols) mais un peu plus gros (150 chevaux en moyenne pour les français et 130 chevaux pour les Espagnols). En réalité, les escadrons de cavalerie espagnols au centre sont plus petits et ceux des ailes plus importants et probablement équivalents aux français. Pour équilibrer et prendre en compte ces différences, il vous suffit d’aligner un seul escadron de Croates (et non deux), et de ne placer que 9 escadrons de cuirassiers au centre : huit en premières lignes placés deux à deux et intercalés avec les tercios et un en seconde ligne.

Ci-dessous : disposition des bataillons et escadrons pour rejouer la bataille de Lens.

Au vu des effectifs, n’hésitez pas à diviser par 2 ou 3 le nombre d’unités.

Et pour terminer, quelques drapeaux de régiments présents à la bataille :

Ci-dessus : Gardes Françaises (deux versions correspondant à 2 compagnies différentes)

Ci-dessus : Gardes Ecossaises

Picardie

 

Persan (supposé)

Condé (supposé)

Mazarin-italien (supposé)

Stéphane Thion

 

La bataille de Nieuport (2 juillet 1600)

La bataille de Nieuport (2 juillet 1600)

Bataille de Nieuport, 2 juillet 1600 lors de la Guerre de Quatre-vingt ans par Sébastien Vrancx (1573–1647)

En 1599, le conseil des États, cherchant à profiter de la faiblesse du gouverneur des Pays-Bas espagnols, l’Archiduc Albert, conséquence des mutineries qui ont éclaté dans l’armée des Flandres, demande à Maurice de Nassau d’intervenir sur la côte maritime. Le prince d’Orange débarque alors près du Sas van Ghent et marche sur Nieuport, avec une armée de 11 à 12 000 hommes. Mais   l’Archiduc Albert va réagir rapidement, menant une force équivalente, dont 1 400 mutins (800 fantassins et 600 cavaliers), et prenant des avant-postes autour d’Oostende. Maurice de Nassau, surpris, parvient à fortifier le pont de Leffigen.

Le 2 juillet à l’aube, l’avant-garde espagnole reprend le pont de Leffigen et débouche sur les dunes de Nieuport.  Maurice de Nassau accepte la bataille. Après-midi, les Espagnols attaquent l’avant-garde hollandaise, constituée des anglais de Veer, sans parvenir à les déloger. L’Archiduc Albert lance alors son corps de bataille dans l’action mais les anglais résistent toujours. La première ligne de Maurice finit par céder, après plusieurs assauts espagnols. Mais sur le flanc gauche espagnole, la cavalerie espagnole est battue. Alors que l’infanterie espagnole progresse, Maurice de Nassau lance sa réserve : 300 cuirassés vont charger avec succès, surprenant l’infanterie espagnole qui commence à reculer. L’infanterie française et hollandaise qui accompagne cette charge de cavalerie, fait alors refluer l’infanterie espagnole.

L’Archiduc perdra 3 600 tués, blessés et prisonniers dans la bataille, Maurice de Nassau perdant pour sa part près de 2 500 hommes, dont 1 000 au pont de Leffigen.


L’armée des Pays-Bas

Général en chef : Maurice de Nassau, prince d’Orange

Avant-garde (aile gauche) – comte Louis de Nassau

Cavalerie : 3 compagnies de cuirassiers en une troupe (Louis de Nassau, Maurice de Nassau & Henri Frédéric de Nassau), 3 compagnies de cuirassiers en une troupe (Marcelis Bacx, Paul Bacx & la Salle) et 2 compagnies de carabins/arquebusiers à cheval (Penny & Battenborch), pour un total de 8 cornettes ou compagnies.

Infanterie :  3 régiments d’infanterie (deux régiments anglais, Francis et Horatius Veer, de 13 & 11 compagnies, un régiment frison, Guillaume de Nassau de 17 compagnies) et 2 compagnies de gardes (prince Mauride de Nassau & comte Hohenlo), en 9 bataillons (4 Anglais, 4 Frisons & Gardes de Nassau).

Artillerie : 2 couleuvrines.

Bataille (centre) – comte George Evrard de Solms

Cavalerie :

Cavalerie : 4 compagnies de cuirassiers (George Everard de Solms, Frédéric de Solms, Jean Bacx, Cloet) en une troupe et 3 compagnies de cuirassiers en une seconde troupe (Godard de Bale, Vere, Cecilieu), le tout faisant 7 compagnies. Cloet & Cecilieu sont peut-être des compagnies de carabins.

Infanterie : un régiment wallon (comte Henri Frédéric de Nassau à 9 compagnies), un régiment suisse à 4 compagnies suisses, un régiment français (Dommerville, à 12 compagnies), le tout en 3 bataillons.

Artillerie : 1 fauconneau.

Arrière-garde – Olivier van der Tempel

Cavalerie : 3 compagnies de cuirassiers (Harangier, Hamelthon & Couteler). Les 3 compagnies sont regroupées en un escadron (cuirassiers).

Infanterie : 3 régiments d’infanterie (Ernest de Nassau à 13 compagnies, Gistelles à 8 compagnies & Huctenbrouck à 7 compagnies), le tout en 4 bataillons (2 hollandais & 2 allemands).

 

L’armée de Maurice compte 10 000 fantassins en 17 bataillons, 1 200 cavaliers en 19 cornettes et 6-8 pièces d’artillerie. Un bataillon d’infanterie comprend 50% de piques et 50% de tireurs. Les tireurs sont équipés pour 1/3 d’arquebuses et pour 2/3 de mousquets.

Les bataillons d’infanterie sont des batailllons réformés., les escadrons de cuirassiers sont cuirassiers (pistolet), les carabins/arquebusiers sont arquebusiers montés.

Echelle de réduction : Pour l’infanterie, prendre un bataillon réformé pour deux bataillons réels (8 bataillons dont 4 à l’avant-garde, 2 à la bataille et 2 à l’arrière-garde) et un escadron pour 6 compagnies/cornettes de cuirassiers/arquebusiers (3 escadrons de cavalerie soit 1 escadrons de cuirassiers à l’avant-garde, 1 escadrons de cuirassiers à la bataille et 1 escadron de cuirassiers à l’arrière garde). Pour l’artillerie, prendre deux artilleries moyenne.

 

L’armée Espagnole

Général en chef : Archiduc Albert d’Autriche

Avant-garde (aile droite) – François de Mendoza, Admirant d’Aragon

Infanterie (centre) : un escadron formé des mutins de divers tercios.

Cavalerie aile gauche : une compagnie de lanciers et une compagnie d’arquebusiers à cheval formant un escadron de lanciers.

Bataille (centre) – Archiduc Albert

Infanterie (centre) : un escadron composé des tercios de Monroy & de Villar et un escadron composé des tercios de Zapena & d’Aquino.

Cavalerie (centre) : les 3 compagnies de gardes de l’Archiduc soit 1 compagnie de cuirassiers, 1 compagnie de lanciers et 1 compagnie d’arquebusiers à cheval, formant un escadron de cuirassiers.

Artillerie : 2 couleuvrines.

Arrière-garde (aile gauche) – comte de Bucquoy

Infanterie (centre) : un escadron formé des tercios de Bostock (Irlandais), de Bucquoy et de la Bourlotte (Wallons).

Cavalerie de l’aile gauche : 4 compagnie d’arquebusiers à cheval, 4 compagnie de lanciers et 4 compagnies de cuirassiers sur 3 lignes. Soit un escadron d’arquebusiers, un de lanciers & un de cuirassiers.

 

L’armée espagnole compte 6 800 fantassins (dont 800 mutinés) en 4 escadrons de 1 600 à 1 800 hommes, 1 000 à 1 200 cavaliers (dont 600 mutinés) en 17 compagnies de 60-70 chevaux par compagnie et 4-6 pièces d’artillerie.

Les quatre escadrons espagnols sont tercios et field square (option de les passer tercios viejos field square pour équilibrer les budgets). Les cuirassiers sont cuirassiers, les lanciers sont cuirassiers avec lances, les arquebusiers montés sont arquebusiers montés.

Echelle de réduction : prendre un escadron d’infanterie (tercio) pour un réel et un escadron de cavalerie pour 6 compagnies (400 chevaux) soit 1 escadron de lanciers, 1 escadron de cuirassiers et 1 escadron d’arquebusiers montés (à répartir comme vous le souhaitez dans les différents corps). Pour l’artillerie, prendre 2 artilleries moyennes.

Pour les généraux :selon votre choix, à adapter afin d’équilibrer les budgets des deux armées.

Stéphane Thion

Composition des régiments d’infanterie allemands au début de la guerre de 30 ans

Composition des régiments d’infanterie allemands au début de la guerre de 30 ans

Voici quelques chiffres illustrant la composition des régiments d’infanterie allemands entre 1614 et 1624 :

1- Les forces armées devant être levées en Allemagne en 1614 (source : Heilman « Kriegsgeschichte von Bayern Franken 1618-34 ») : il s’agit donc là de chiffres théoriques.

Piquiers Mousquetaires Hallebardiers Tambours
Strasbourg 1216 1216 24 24
Worms 373 373 7 7
Speyer 373 373 7 7
Weissenburg 151 151 4 4
Landau 130 130 3 3
Ulm 1216 1216 24 24
Nördlingen 352 352 7 7
Schwäbisch & Hall 396 396 8 8
Heilbronn 281 281 6 6
Memmingen 223 223 4 4
Kempten 211 211 4 4
Nürnberg 2000 2000 40 40
Rothenburg 514 514 10 10
Schweinfurt 201 201 4 4
Windshaim 227 227 5 5
Weissenburg am Nordgau 135 135 3 3
Total 7999 7999 160 160

 

2-  Chiffres détaillés d’un régiment allemand en 1624 (source : Heilman)

Régiment à 18 compagnies totalisant 4346 hommes répartis entre 2536 mousquetaires (mussketiere) et 1810 piquiers (doppelsöldner pour « double-solde ») plus 285 chevaux.

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Stéphane Thion

La bataille des Dunes (1658)

La bataille des Dunes (1658)

La bataille des Dunes, 14 juin 1658

(Article de S. Thion paru dans feu la revue « Histoires de France »).

Turenne à la bataille des Dunes, par Charles-Philippe Larivière (1837)

Le traité de Westphalie, signé le 24 octobre 1648, met fin à la guerre de Trente Ans mais pas au conflit opposant la France à l’Espagne. Il faudra encore onze années de guerre avant que le traité des Pyrénées y mette un terme.

En mars 1657 Cromwell, le « protecteur de l’Angleterre », avait promis de fournir 6 000 hommes au roi de France dans le but d’assiéger Dunkerque ou Gravelines. En échange, Mazarin promettait de lui livrer Dunkerque. Au mois de mai de cette même année, Turenne tente de surprendre Cambrai. Mais Condé, allié aux Espagnols, ne se laisse pas duper. Il force Turenne à lever le siège de la ville. Les Franco-Espagnols réunissent leurs forces pendant que les Anglais rejoignent l’armée royale à Saint-Quentin. Mazarin envoie le maréchal de la Ferté attaquer Arlon et Montmédy, aux confins du Luxembourg, pendant que le vicomte de Turenne et les Anglais couvrent l’opération sur la Sambre et la Meuse. Les Franco-Espagnols décident d’en profiter pour surprendre Calais, mais ils échouent. Montmédy capitule le 6 août 1657, ainsi que Saint-Venant trois semaines plus tard. Aussitôt, Turenne court au secours d’Ardres, forçant l’ennemi à lever le siège. La campagne se termine par la prise de Mardyck, fort important par sa proximité avec Dunkerque.

Début mai de l’année suivante, le roi amène 2 000 à 3 000 hommes commandés par Castelnau à Calais, puis à Mardyck. Turenne, à la tête de 7 000 à 8 000 hommes, progresse vers Dunkerque où il doit rejoindre les 6 000 Anglais de Lokard. Mais l’ennemi a inondé la plaine qui s’étend de Bergues à Furnes et il ne trouve aucun passage. La seule voie libre est barrée par une redoute. Turenne fait construire des ponts sur la Colme et combler des fossés pour passer. Il demande dans le même temps de l’aide à Castelnau pour prendre l’ennemi en tenaille. Débordés, les Espagnols se retirent dans Bergues et Dunkerque. Turenne place alors son armée dans les dunes près de l’estran.

Le vicomte de Turenne par Charles Le Brun

Le siège de Dunkerque débute le 15 mai 1658, la flotte anglaise en faisant le blocus côté mer. La place est commandée par un brave gouverneur, le marquis de Leyde, qui ordonne dès le quatrième jour une sortie. Celle-ci est repoussée après avoir semé le désordre, mais elle sera suivie de plusieurs autres les jours suivants. Don Juan d’Autriche et le prince de Condé apprennent la nouvelle avec surprise : Gravelines, Bergues et Furnes étant entre leurs mains, ils pensaient l’entreprise impossible. Réagissant rapidement, ils rassemblent l’armée pour se porter au secours de Dunkerque. Leur avant-garde atteint le 13 juin les tranchées de Turenne, suivie deux jours plus tard du reste de l’armée. Turenne met l’armée en bataille, laissant quelques troupes dans les tranchées. Il dispose ses troupes sur une hauteur, fait planter des pieux sur l’estran et bâtir en hâte quelques retranchements sur le haut des dunes.

L’armée espagnole s’arrête à une demi-lieue (1,6 km) des lignes françaises, sa droite appuyée à la mer, sa gauche au canal qui va de Furnes à Dunkerque, le centre dans les dunes qui s’avèrent « accessibles, mais inégales ». Dans la nuit, le prince de Condé fait construire un pont sur le canal qui tient son aile gauche. Turenne s’en aperçoit et, craignant que l’ennemi ne traverse pour marcher des deux côtés du canal, prend l’initiative du combat.

L’armée de Turenne compte 8 000 à 9 000 fantassins et 5 000 à 6 000 chevaux ; l’infanterie, 18 bataillons d’infanterie dont six anglais, est placée au centre sur deux lignes alors que la cavalerie, composée de 58 escadrons, est placée sur les ailes et en réserve. Cinq pièces d’artillerie sont positionnées sur chaque aile. Castelnau commande l’aile gauche de cavalerie, Créqui et d’Humières l’aile droite, Richelieu la réserve. Gadagne commande la première ligne d’infanterie et Bellefonds la seconde.

En face, l’armée franco-espagnole est retranchée sur une dune, couverte d’un « rempart de sable où il était difficile de monter ». Don Juan d’Autriche est à l’aile droite, avec le marquis de Caracène, le duc d’York, le duc de Gloucester et don Estevan de Gamare ; Condé est à l’aile gauche avec Coligny, Boutteville, Persan, Guitaut et le comte de Suze. Ses effectifs sont comparables aux Français : 6 000 fantassins en 15 bataillons et 8 000 chevaux en 62 escadrons. La cavalerie est disposée entre les dunes, sur deux lignes, derrière l’infanterie. L’artillerie espagnole n’a pas encore rejoint l’armée.

L’armée de Turenne marche au petit pas, les hommes s’attendant les uns les autres afin de garder l’alignement. Les pièces d’artillerie progressent devant les premiers escadrons, tirent un ou deux coups, puis sont attelées pour reprendre leur progression. Cinq tirs seront ainsi réalisés avant que les armées ne se joignent. En mer, des frégates anglaises s’approchent et ouvrent le feu sur le flanc espagnol. Sur l’aile gauche française, deux bataillons anglais gravissent la dune la plus avancée et croisent la pique avec les Espagnols, avec beaucoup de fierté et de courage. Les Espagnols « avaient la droite de tout », c’est-à-dire la place d’honneur. Un tercio, celui de Gaspard Boniface, est mis e fuite mais la cavalerie espagnole, placée en soutien de son infanterie, menace les Anglais. La cavalerie française accourt au grand trot : quelques escadrons ayant progressé le long de l’estran surgissent entre les deux lignes ennemies, semant la confusion. Plus à droite, l’infanterie française – gardes françaises et suisses, régiments de Picardie et de Turenne – soutenue par quatre escadrons de cavalerie, attaque l’infanterie wallonne, irlandaise et française qui lui est opposée. Celle-ci lâche aussitôt pied. La cavalerie française parvient de son côté à rompre les premiers escadrons du prince de Condé, mais celui-ci intervient en personne et rétablit la situation. La cavalerie de Turenne, ayant poussé trop avant, est « ramenée » par l’ennemi. Profitant de ce répit, toute la cavalerie de Condé avance en bon ordre. Mais les bataillons des gardes françaises et suisses, tournant légèrement à droite, et le régiment d’infanterie de Montgomery, situé à l’extrême droite, la reçoivent en lâchant une décharge meurtrière. Condé a un cheval blessé sous lui, Boutteville et Coligny sont faits prisonniers. La confusion se répand dans les rangs ennemis.

Ses deux ailes ébranlées, toute l’armée franco-espagnole tente de se replier en bon ordre. Mais l’exercice va s’avérer délicat : près de 1 000 tués et blessés restent sur le champ de bataille et 3 000 à 4 000 ennemis sont faits prisonniers. Les pertes de Turenne sont insignifiantes. L’armée étant mobilisée sur le siège de Dunkerque, il n’est cependant pas possible de poursuivre longtemps l’ennemi. Don Juan d’Autriche, le marquis de Caracène, le duc d’York et le duc de Gloucester parviennent à s’échapper.

Bataille des Dunes, lithographie en couleurs de Maurice Leloir (1904)

Dunkerque capitulera le 25 juin et sera remise entre les mains des Anglais le soir même. La place redeviendra française en 1662, lorsque Charles II la revendra à Louis XIV. Quatre jours plus tard, Turenne prend Bergues, puis Furnes. Le traité des Pyrénées mettra définitivement fin au conflit, un an et demi après, le 7 novembre 1659.

Stéphane Thion