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Drapeaux suédois pour la bataille de Lützen

Drapeaux suédois pour la bataille de Lützen

Et voici quelques drapeaux de régiments d’infanterie suédois pour simuler la bataille de Lützen.

La brigade « nouveau bleu » ou « brigade suédoise » composée des régiments Hand (bleu), Hard et Hastfer :

Drapeau d’une compagnie du régiment bleu ou vieux-bleu (alt-blau) d’après K.A. Wilke (malheureusement, il me manque la légende)

Drapeau possible d’une des compagnies du régiment bleu (blau)

La brigade jaune, composée des gardes du corps et du régiment jaune de la garde :

Drapeau d’une compagnie du régiment jaune selon K.A. Wilke (gardes du corps royaux ?)

Drapeau d’une compagnie du régiment jaune (Gelb)

La brigade « vieux-bleu » (alt-blau) composée du régiment Winckel :

 

Drapeau d’une compagnie du régiment vieux-bleu (Alt-blau)

La brigade blanche : elle était constituée uniquement du régiment Knyphausen (dont je n’ai pas le drapeau), ce régiment étant formé  en septembre 1632 en réunissant le régiment « vieux blanc » de Bürt et le régiment Mitschefall

Drapeau d’une compagnie du régiment Wilhelm Bürt (vieux-blanc).

3 drapeaux de compagnies du régiment Mitschefall, dissout en septembre 1632 et amalgamé avec le régiment Bürt ci-dessus.

La Brigade verte à Lützen, composé du régiment vert de Bernard, du régiment noir de Wildenstein et du régiment écossais de Leslie :

Drapeau du régiment Bernard de Saxe-Weimar

Drapeau du régiment écossais Leslie

Drapeau du régiment écossais Henderson

La brigade du duc Guillaume de Saxe-Weimar composée du régiment du duc Guillaume et des régiments saxons Bose et Pforte :

Drapeau du régiment Guillaume de Saxe-Weimar

 

 

 

 

 

Stéphane Thion

Les soldats de Barcelone pendant la guerre des faucheurs (1640-1652)

Les soldats de Barcelone pendant la guerre des faucheurs (1640-1652)

Les soldats de Barcelone pendant la guerre des faucheurs

(1640-1652)


CHAPITRE PREMIER – La révolte jusqu’à la bataille de Montjouic (26 janvier 1641)

I. Une ville avec une longue tradition armée

Depuis le moyen âge, Barcelone avait une tradition d’autodéfense. Les habitants de la ville et en général ceux de la Catalogne avaient l’obligation de s’armer à ses frais et servir leur comte en cas de menace d’invasion extérieure ou de menace pour la sécurité du comte. Ce comte était le souverain qui gouvernait le pays ensemble avec le peuple moyennant des lois pactionnées.

À partir de 1544, la ville de Barcelone se voit attribuer une nouvelle organisation de ses milices. Le Conseiller en chef (« Conseller en cap ») se voit attribuer le titre de « Coronell » ou colonel et les milices sont organisées en compagnies formées d’hommes des diverses confréries des corps de métier.

Le nombre de compagnies augmentera en fonction de l’évolution démographique de la ville, mais surtout de celle des diverses confréries. En effet, pour former une compagnie on a besoin d’un minimum de 60 hommes et les confréries que n’atteignaient pas ce nombre étaient regroupées en une compagnie formée par les membres de plusieurs compagnies. Comme on peut le supposer, le nombre d’hommes de chaque compagnie variait beaucoup. Certaines compagnies avaient les effectifs minimaux, mais d’autres en avaient plus de 300. C’était le cas pour les professions plus répandues ,comme celle des tailleurs ou des chausseurs. Aucune profession était exempte de servir, ainsi la ville levait des compagnies de notaires royaux ou de commerçants. En cas de menace, même les religieux avaient l’obligation de servir. Le soir, si un quelconque risque existait, les compagnies ou une partie de celles ci faisaient la garde de la ville chacune leur tour.

En 1638, la milice était organisée en 39 compagnies différentes. Ces compagnies s’exerçaient d’une façon plus ou moins régulière et elles arrivaient à se former aux batailles grâce à la pratique des manœuvres des troupes. Cette année là, deux formations regroupant au total 10 compagnies s’exercèrent aux environs de la ville en simulant un combat. Une des compagnies, celle des marchands a pu servir à cheval et à servi aux réceptions des autorités. Cependant ce n’est pas une unité de parade. Ses maîtres sont chevronnés dans l’art équestre et se montreront bien compétents au combat.

Les compagnies servaient à la défense de Barcelone face à des menaces directes. Cependant, en cas d’une mobilisation qui oblige à mobiliser des hommes pour une expédition à l’extérieur de la ville, l’organisation était toute autre. Une levée de soldats était organisée et ceux-ci, volontaires ou désignés par les confréries au sein de ses membres formaient un tercio avec diverses compagnies armées. Le nom de ce tercio était le Tercio de la Bannière de Sainte Eulalie (« Terç de la bandera de Santa Eulàlia »), parce qu’il arborait la bannière de la sainte patronne de la ville. Un des cinq conseillers de Barcelone était désigné comme colonel, mais normalement le Conseiller en Chef restait dans la ville et donc c’était  le Conseiller militaire (choisi entre les nobles), qui était désigné.

 

Catalogne vers 1640

II. La révolte des faucheurs éclate

Le 7 juin 1640 la colère des faucheurs venant à Barcelone éclate. Les quartiers populaires et plus pauvres de la ville rejoignent la colère contre les officiers royaux. Le juges de l’Audience sont particulièrement visés et s’ils n’arrivent pas à se cacher, ils sont massacrés. Le vice-roi Dalmau de Queralt fuit au bastion de la mer (Bastió del mar) mais les révoltés forcent les portes. Obligé à fuir vers Montjouic, il est rattrapé et tué à coups de poignard. La compagnie de Bernardino de Marimón, en garnison à l’arsenal royal des Drassanes, incapable de résister à la foule se disperse. Ses membres qui sont identifiés sont passés par les armes.

Si ce jour là, les Conseillers de Barcelone ont essayé de calmer la révolte usant de la modération, le jour suivant les désordres dérivent vers le pillage. Le soir, les autorités mobilisent 5 compagnies: celles des veloutiers, marchands, argentiers, commerçants et étudiants, soit 470 hommes des classes plus aisées. Celles ci expulsèrent  les révoltés plus bruyants de Barcelone. Le reste ira vers Granollers ou soit disant on regroupait 500 hommes pour lutter contre les tercios espagnols à Perpignan. Ces premiers jours, la ville ferme toutes ses portes moins trois (Marina, portails Nou et Sant Antoni). Dans chacune l’on met une garnison permanente de 25 hommes.

Les premières levées pour servir à l’extérieur de la ville vont se faire à partir du mois de juillet. La ville a occupé l’arsenal royal du chantier naval (« Drassana ») où étaient stockés des milliers d’armes et fournitures, mousquets, arquebuses, épées, 130 canons, 80.000 balles de fer, 500 quintaux de poudres… et même deux galères qui attendent des travaux de réparation. À partir de ce moment les armes ne manquent pas et 4 compagnies de 100 mousquetaires à pied (capitaines Aiguaviva,  Galceran Cors, Josep Molins et Mitjans) et 2 compagnies de cavalerie (Josep de Pinós et Josep d’Ardena – lieut. Francesc Borrell) avec 120 chevaux sont formées. On arme les maîtres avec 2 pistolets, une espingarde et une épée. Elles sont envoyées vers la partie sud ou orientale de la province. Sa mission est purement défensive et une des compagnies de mousquetaires est envoyée à Flix. Barcelone protège ainsi la ville dont elle possède le domaine seigneurial (perception de censives et justice).

À l’intérieur de Barcelone se multiplient les exercices des milices et les premières compagnies de religieux commencent leurs exercices. Les compagnies de religieux sont armés avec un tiers de mousquets, un tiers d’arquebuses et un tiers de piques. Cette proportion va devenir le standard pour les troupes. Elle correspond aux prescriptions des traités militaires de l’époque.

Cependant, la première mobilisation sérieuse se fait en décembre. Pour s’opposer à l’invasion de l’armée du marquis de Los Vélez, le tercio de Sainte Eulalie est levé. Il est formé initialement par 6 compagnies qui regroupent 800 volontaires plus les effectifs de la compagnie de Josep Molins, déjà levée, qui se réunit à Tarragone au tercio. Sa structure est la suivante:

Tercio de la bannière de Sainte Eulalie
Colonel: Le Conseiller tiers Pere Joan Rossell

Lieutenant de colonel: Lluís de Paguera (il était à Lerida et ne sert pas)

Sergent Majeur: Anton Meca (jusqu’au 2 janvier quand il est nommé lieutenant de Colonel)

Enseigne de la bannière de Sainte Eulalie: Geroni Agulló

Consulteurs: Rafael Cervera et Baltasar Càrcer

Un chirurgien, Pau Moles et 4 jeunes chirurgiens.

Compagnie du Lieutenant de colonel (Lluís de Paguera): Enseigne Pere Modolell

Compagnie du sergent majeur Anton Meca

Compagnie du capitaine Anton de Paguera

Compagnie du capitaine Jordi de Paguera

Compagnie du capitaine Martell

Compagnie du capitaine Josep Molins (jusqu’au 2 janvier 1641 quand il est nommé Sergent majeur, substitué par Pere Modolell)

Compagnie de la ville et sous-viguerie d’Igualada

Le tercio sort de Barcelone le 16 décembre et se dirige vers Tarragone. Derrière lui reste le train d’artillerie qui n’est pas encore prêt. Il doit se réunir avec les milices catalanes de la ville et l’armée du Maréchal Espenan. En effet, la Députation du Général (« Diputació del General ») dirigé par le député Pau Clarís a accordé un pacte d’aide avec la France. Pour l’instant 3.092 soldats à pied et 1.040 maîtres rentrent en Catalogne. Ils forment 80 compagnies à pied et 17 à cheval. Passant par Ille (où vont tenir garnison les 20 compagnies du régiment de Tonneins) et Figueres, une partie, soit 24 compagnies à pied et 5 à cheval, est laissé à Castelló d’Empúries pour assurer les communications menacées par les garnisons de Roses. Le reste des troupes passe par Barcelone puis se dirige à Tarragone.

III. Espenan renonce à défendre Tarragone

Espenan s’avance en premier avec 800 chevaux. Un peu plus loin, entre Barcelone et Tarragone arrivent les régiments d’Enguien et 16 compagnies d’Espenan. À Tarragone vont se retrouver la cavalerie d’Espenan, les milices de la ville (7 compagnies), le Tercio de Sainte Eulalie et 3 compagnies de cavalerie catalanes, les deux de la ville et une troisième levée par la Députation , Soit un total de près de 2.200 soldats à pied et 1.000 chevaux. Espenan se plaint qu’on lui avait promis de trouver une armée de 8.000 catalans mais que rien n’est prêt.

S’opposer à l’armée de Los Vélez qui arrive sur lui est suicidaire. Cette dernière est formée par 22.000 soldats à pied, 3.000 chevaux et 24 pièces d’artillerie. En plus, le port de Tarragone n’est pas fortifié et la ville n’est pas prête à résister. Sans doute les massacres qui se sont produits aux villages qui ont résisté: El Perelló, ou 12 miliciens ont été pendus, Cambrils avec 700 prisonniers désarmés exécutés et Vila-seca avec 300 habitants passés par les armes, l’en dissuadent . Un climat de suspicions s’installe entre Français et Catalans mais finalement Espenan négocie la capitulation. Celle-ci est accordée au Marquis de Torrecuso le 23 décembre et inclut les troupes françaises entre Barcelone et Tarragone. Mais, les troupes catalanes sont averties et à l’exception des milices, elles fuient vers Vilafranca puis Martorell. Quand aux troupes françaises elles doivent rentrer en France avant de pouvoir combattre à nouveau.

Ce sera sur cette dernière ville que vont s’affronter pour la première fois les troupes de Barcelone et l’armée de Sa Majesté Catholique.

IV. Le conflit converge sur Martorell

Les miquelets de Joseph de Margarit vont éviter la persécution de l’armée de Los Vélez. Nommé maître de champ du Tercio de la Viguerie de Villefranche en substitution de Felicià Sayol. Ils vont prendre position au Col de Balaguer au sud de Tarragone. Ils interrompent ainsi le flux de fourniture de l’armée par terre, chars et charrettes sont capturés. Los Vélez ne veut pas l’ignorer. Ayant vaincu les Catalans dans toutes les rencontres jusqu’à ce jour, l’affaire semble simple. Ainsi, le Tercio du Comte Duc rebrousse chemin pour nettoyer le passage de ces miliciens qui l’incommodent.

Mais Margarit est un adversaire inespéré. Ayant combattu très jeune dans les bandosités des Nnyers et des Cadells qui divisent la petite noblesse catalane. Il n’a aucune leçon à prendre en l’art de Mars. En plus des 200 soldats mobilisés par la viguerie de Villefranche, il compte avec les miquelets des capitaines Cabanyes et Caselles, soit au total 400 hommes. Ces miquelets sont une espèce de dragons qui combattent à pied mais se déplacent à cheval, en une tradition qui se remonte aux Almogavres du moyen âge. La petite guerre est leur affaire. Le tercio du Comte Duc sera repoussé subissant une cuisante défaite. Les sources hispaniques indiquent qu’il y aurait eu plus de 500 morts et blessés, en réalité ils seront assez moins.

Au retour du tercio, Los Vélez ne peu plus attendre. Les jours passent et on est déjà au mois de janvier. Il lui faut avancer vers Barcelone au plus tôt avant que l’hiver n’empêche de poursuivre les opérations. Il laisse donc un Tercio  de Fernando de Tejada à Tarragone, avec quelques compagnies de cavalerie. Une garnison de 50 soldats est mise au château de Constantin pour garder 370 Catalans survivants du massacre de Cambrils qui n’ont pas été mis aux galères. Après ces dispositions, son armée se dirige sur Vilafranca. Même si une muraille protège la ville, elle date du moyen âge. Il n’est pas surprenant qu’elle soit occupée sans résistance le 4.

Uniquement trois compagnies de cavalerie, une de catalane et deux française font quelque opposition aux alentours de la ville. Pour les Espagnols le scandale est énorme. Les Français auraient cassé l’accord de capitulation. Les missives de Torrecuso et de son fils, le Duc de Saint Georges envers Espenan du 6 arrivent l’une après l’autre et menacent de pendre les Français qui seront capturés. Mais les troupes d’Espenan sont payées par la Députation et celle-ci ne veut rien savoir d’une capitulation qu’elle n’a pas approuvé. Pour la Députation comme il n’y a pas de pitié pour les Catalans, les lois de la guerre ne s’appliquent plus. Les Espagnols vont laisser une garnison de 300 hommes à Vilafranca et vont traiter les malades à l’hôpital, en ville.

Tout l’effort de guerre converge sur Martorell. Le Tercio de Barcelone se voit renforcé de nouvelles compagnies, une de 70 hommes de Sabadell et une autre de 200 de Tarrassa s’incorporent le 25 décembre. Le même jour une centaine de miquelets de Pau Goday, criminel condamné à mort qui se voit libéré en échange de lutter contre les Espagnols, s’incorporent aussi au Tercio. Truffée de criminels, cette compagnie va perpétrer les pires crimes. Ses actions sont si scandaleuses que les Conseillers vont dissoudre la compagnie le 7 janvier et demander l’exécution de Goday à la première occasion.

Le 28 décembre est arrivée une compagnie de Mataró avec 215 hommes et le 29, 100 de plus de la Baronie de Montbui dont Barcelone en a le domaine éminent. Ces derniers vont s’intégrer dans la compagnie d’Anton Paguera. Le 3 janvier un renfort de 100 Barcelonais s’intègre au Tercio. En plus, le 14 c’est le tour de la compagnie à cheval des marchands, aux ordres du capitaine Josep de Clariana, qui arrive à Martorell. Enfin, les 6 pièces d’artillerie de 3 et 4 livres prévues pour l’expédition de Tarragone, rejoignent la place d’armes.

Mais le Tercio de Sainte Eulalie n’est pas seul à Martorell. Il est rejoint par des Tercios formés par des levées des vigueries qui ont convergé sur Martorell. La Députation et diverses villes ont mobilisé le Tercio de Vic (800 h.), celui de la Ville et viguerie de Manresa, celui de la viguerie de Barcelone, le Tercio d’Hostalric et des vicomtés de Cabrera et Bas et celui de Piera. Au total, en comptant près de 1.500 soldats du Tercio de Sainte Eulalie l’infanterie catalane comptera avec 6.000 hommes. La cavalerie quelques 400 maîtres, 220 mobilisés par Barcelone en 3 compagnies et le reste par la Députation.

À ces troupes vont s’ajouter les françaises. Cependant, à Martorell Espenan est dans l’embrouille. D’un côté les pactes de Céret font de lui un mercenaire au service de la Députation à qui il se doit d’obéir. Par contre, il se doit de respecter les pactes de capitulation de Tarragone. Il expose ses régiments à une guerre à mort s’il les brise. Finalement il se décide à respecter les pactes dans sa forme. En premier lieu il encaisse un paiement de 39.000 livres de la Députation puis le 7 janvier il retourne en France.

Il a eu le temps d’écrire une lettre à la Députation lui annonçant qu’il rappelle les troupes laissées à l’Empordà pour venir défendre Martorell. En plus et de forme subreptice, il verse la plus grande partie des maîtres des régiments de Saint Simon et de Boissac dans les compagnies qui ont resté à l’Empordà. Rentreront en France des compagnies encadrées, avec les officiers et quelques soldats. Le résultat est que les 3 compagnies de Boissac auront des effectifs de plus de 320 maîtres et les 2 de Saint Simon 140, soit presque le double du nombre auquel on pourrait s’attendre. Cependant si les troupes à cheval vont arriver le 17 janvier à Barcelone, les choses se compliquent pour l’infanterie. Le régiment de Serignan et les 4 compagnies d’Espenan ont besoin de plus de temps pour faire la route. Ils ne seront à Barcelone que le 21.

V. Barcelone se mobilise

Bien évidemment la mobilisation à l’intérieur de Barcelone sera aussi frénétique. De nombreuses compagnies de religieux seront levées ainsi que celles du Châpitre de la Cathédrale et celle des étudiants de théologie. Sans doute la guerre contre les Tercios hérétiques de Philippe IV était une guerre juste. Les  profanations d’églises par les tercios italiens avaient provoqué la colère des autorités ecclésiastiques. L’évêque de Gérone avait excommunié les tercios de Juan de Arce à cause de la mise à sac des églises de Montiró et Riudarenes. Le 24 décembre la Députation décrète le « somatent » général dans toute la Catalogne, équivalent à l’arrière ban en France.

L’Illustre Châpitre de la Cathédrale, forme le même jour une compagnie de 107 hommes, aux ordres du capitaine, le Docteur Francesc Paga, l’enseigne Fructuós Tos et deux sergents. Le lendemain commence à servir la compagnie des religieux des couvents de Saint Pierre et de Sainte Catherine aux ordres du capitaine Marià Miret avec l’enseigne, le frère Antoni Colomer, et un sergent. Les frères des couvents de Jesús (Jésuites) et de Sant Francesc (Franciscains) et les Capucins forment aussi leurs compagnies.

Au total, l’organisation des compagnies de religieux était la suivante:

Désignation de la compagnie Endroit désigné pour le service le 26 janvier 1641
Pares de Santa Madrona Porta de la Boqueria (Ancienne muraille des Ramblas)
Pares de Sant Pere i Santa Caterina Entre le bastion de Junqueres et la tour devant de l’hort du Favar
Religiosos de Sant Francesc Bastion de Santa Eulalia
Pares de la Mercè Bastion del vi
Pares de la Trinitat Bastion de Sant Francesc
Religiosos de Sant Agustí Pla de’n Llull
Ilustre Châpitre de la catedrale et bénéficiés Pla de’n Llull
Chanoines de Santa Anna Porta de l’Àngel
Pares de Jesús Porta de l’Àngel
Pares servites Porta de Tallers
Pares del Carme Porta de Sant Antoni
Clergues del Pi Porta de Sant Pau
Frares de Santa Mònica Porta de Sant Pau
Trinitaris descalços (séculiers) Porta de Sant Bertran
Total 15 compagnies de religieux, de bénéficiés ou de séculiers  

Déjà a Cambrils, Los Vélez s’est retrouvé avec 120 prisonniers religieux sous les bras. Et les religieux de Barcelone, comme les membres des milices ne vont pas se ménager. En effet, connaissant que les troupes espagnoles se rapprochent de Martorell, un nouveau Tercio va être levé, formé à partir d’un noyau d’une compagnie d’étudiants (probablement celle des étudiants de théologie) et des religieux qui font 400 hommes. A eux s’ajoutent des volontaires des diverses confréries. Ils forment le Tercio de la bannière de Saint Raymond de Peñafort, avec des effectifs d’entre 800 et 1.000 hommes selon les sources.

 

Francesc Via – Milicien de la compagnie des argentiers en 1652

À côté de cette organisation, Barcelone organise aussi ses confréries. En se moment elles sont formées par 40 compagnies numérotées sur le feuillet ici reproduit et partiellement traduit:

Aux murailles Endroit
Bastion de Santa Eulària Notaris Causídics (1) A la maison de Ville Le colonel et autres conseillers et conseil de guerre

Notaris de Barcelona (38)

Personnes militaires

Bastion de Sant Francesc Manyans (2)
Bastion del vi (ou de Ponent) Matalassers (3)
Portail de Mar Mercaders (4) Au Pedró Personnes célibataires du Quartó del Raval
Bastion de Migjorn Capitaine de l’artillerie

Argenters (5)

En la montagne de Montjuic L’aide de camp

Sabaters (39)

Sastres (40)

Sur le Rec (Comtal) Julians i sombrerers (5)
Casamate du Bastion de Llevant Pescadors (7)  Rue del Hospital devant de l’ange protecteur Cavalerie del Raval
Bastion de Llevant Mariners i descarregadors (8)
Tour de Sant Joan Carnissers i pastissers (9) Aux Ramblas devant des Agustins descalços Cavalerie du Quartó de Sant Miquel
Portail de Sant Daniel Hortolans del Portal Nou – capitaine Josep Jover (10)
Devant de tiradors Blanquers i cotoners (11) Rambla, devant Sant Josep et Carmelites descalços. Cavalerie du Quartó del Pi
Portal Nou Paraires (12) – capitaine Jacint Vilanova
Portail de Junqueres Velluters i torcedors de seda (13)
Portail de l’Àngel Teixidors i retorcedors de llana (14) La cavalerie du Raval, du Quartó del Pi et du Quartó de Sant Miquel doit sortir de la ville et se mettre sur une éminence entre la Creu Coberta et la montagne de Montjuic protégée par cent mousquetaires.
Tour de Sant Sever Mestres de cases (15)
Portail de Tallers Ollers i gerrers (16)
Devant de Natzaret Fusters (17) – capitaine Lluís Sans Al Pla d’en Llull Cavalerie du Quartó de Santa Maria del Mar
Portail de Sant Antoni Hortolans del Portal de Sant Antoni (18)
Portail de Sant Pau Escudellers i daguers (19) – capitaine Ramón Romeu Place de Santa Anna Cavalerie du Quartó de Sant Pere
Devant la rue des Comèdies Pintors i flassaders (20)
Portail de Sant Bertran Cirurgians i droguers (21) La cavalerie du Quartó de Santa Maria et du Quartó de Sant Pere doivent sortir à la campagne et se mettre sous l’éminence de  Sant Francesc de Paula.
Aux places publiques
Salles des armes Pellers (22)

Assaonadors i carders (23)

Place de la Arboleda Le sergent majeur

Forners i flequers (24)

Taverners i hostalers (25)

Ferrers (26)

Corders (27)

Gent soltera del Quartó de Santa Maria

   
Place de Sant Agustí Personnes célibataires du Quartó de Sant Pere    
Placeta de Sant Pere Passamaners (28)

Calceters, llibreters i vidriers (29)

   
Place de Junqueres Julians, mercers i botiguers (30)

Notaris reials (31)

   
Porta Ferrissa Velers i perxers (32)

Teixidors de lli (33)

Gent soltera del Quartó del Pi.

   
Au portail devant les Drassanes Le sergent majeur

Boters, capsers, torners i esparters (34)

Revenedors (35)

Apotecaris (36)

Estevans i tapiners (37)

Personnes célibataires du Quartó de Sant Miquel.

   
Le gouverneur des armes n’a pas de place fixe, car il doit aller et aider où le péril est plus grand.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les armes à feu des milices barcelonaises sont l’arquebuse et le mousquet. Le mousquet est hors normes en cette Europe du XVII siècle. En effet, si les mousquets français lancent des balles avec un poids de 3/4 d’once et les espagnols de 0,8 onces, le mousquet de Barcelone a un calibre supérieur et des balles d’une once de poids. Ce calibre permet d’atteindre l’adversaire à une portée supérieure, soit atteindre sans être atteint. Il fait bien plus de dégâts, notamment sur la cavalerie, que les autres mousquets. Cela aura des conséquences sur divers épisodes de la guerre des faucheurs.

Ces armes ont une marque pour les identifier comme appartenant à Barcelone. Si le soldat manque d’armes, en cas de nécessité, la ville lui en prète, mais ce soldat se doit de garantir le prix du matériel livré. On rend ainsi plus difficile que le soldat abandonne des armes qu’il devra payer en cas de perte. Toutefois la norme a ses exceptions. Si l’arme est perdue à cause d’une capitulation ou si le porteur est blessé mais s’est bien battu, on ne lui réclame pas les frais.

VI. L’encontre de Martorell

L’inexpliquée lenteur de Los Vélez entre Vilafranca et Martorell va permetre arriver à cette dernière ville à la cavalerie française. En effet, la première ville est occupée le 4 et la première attaque sur Martorell se fait le 20 janvier. Le changement du rythme de progression se fait évident:

Trajet de l’armée espagnole Jours Distance (km) Vitesse (km/jour) Troupes
Tortose – Cambrils

(7-14 décembre 1640)

7 70 10 Armée
Tarragone-Vilafranca

(31 décembre-4 janvier)

5 52 10,4 avant-garde de cavalerie
Tarragone – Martorell

(4 – 20 janvier)

16 80 5 Gros de l’armée
Martorell – Barcelone

(22-25 janvier)

4 28 7 Gros de l’armée

Certes, Los Vélez doit transporter un train d’artillerie formé par 24 pièces et le terrain devient de plus en plus montagneux entre Vilafranca et Martorell. Mais cela ne justifie pas la vitesse d’escargot de son armée. Quoique les sources consultées ne parlent pas d’incidences météreologiques, uniquement celle cis peuvent expliquer le changement du rythme de progression. Après la prise de Tarragone on est en plein hiver et probablement des pluies abondantes ralentissent la progression.

Une autre cause du ralentissement de la progression peu avoir relation avec les opérations que mène Joseph de Margarit dans l’arrière-garde française. La nuit du 13 janvier il converge sur Constantí avec 1.500 hommes de son Tercio, les deux compagnies de miquelets des capitaines Caselles et Cabanyes et plus de 1.000 miliciens non encadrés des villages des alentours de Tarragone qui sont venus libérer ou venger leurs parents capturés à Cambrils.

Les catalans vont escalader les murs de Constantí et s’aposteront à l’entrée du château. Le matin du 14 quand les espagnols ouvrent les portes, le sergent Pere de Torres et quelques soldats se font passer par des commerçants d’eau de vie. Ils éliminent rapidement les gardes et entrent en masse dans le château. La garnison résiste désespérée, atendant le secours de Tarragone. Et en effet, 400 hommes de la garnison de Tarragone vienent au secours. Mais Margarit a disposé les miquelets de Cabanyes et Caselles et la compagnie du capitaine Potau. Margarit va envoyer à leur secours ses miliciens. Supérieurs en nombre ils menacent le flanc des espagnols qui doivent se replier au plus vite à Tarragone. Les espagnols doivent déplorer 14 morts et 4 blessés qui sont capturés avec le reste de la garrison.

L’assassinat des prétendus malades et blessés d’un hôpital hispanique situé au château est un mythe répété maintes fois depuis la description qu’en a faite Francisco Manuel de Melo et destiné à tacher la figure de Joseph de Margarit qui bien vite va devenir la bête noire de la monarchie hispanique. Pour preuve, les propositions de la même monarchie pour que Margarit change de parti l’année suivante.

Peu de jours plus tard, la Députation va demander à Margarit qu’il raproche ses soldats de Martorell et continue à attaquer l’arrière-garde de l’armée de Los Vélez. Margarit va le faire et les compagnies montées vont s’avancer vers Martorell.

Sur cette ville converge l’armée hispanique. Les catalans ont eu le temps de préparer des défenses. Des tranchées ont été creusées à l’entrée du village. Mais Martorell est une ville ouverte dont le domaine appartient au Marquis de Los Vélez. Bien sûr la Députation a sequestré les biens de Los Vélez, lors de l’invasion de la Catalogne, mais les habitants ne fuient pas. Si los Vélez ocupe l’endroit ils s’attendent à être bien traités. Un pont romain, le Pont du diable, permet de traverser le Llobregat, le fleuve qui est derrière le village. Aucun autre pont permet de traverser la Llobregat jusqu’à son embouchure. C’est donc un lieu de passage obligatoire pour Los Vélez qui ne pourrait faire traverser son artillerie à un autre endroit qu’avec beaucoup de travaux.

La cavalerie espagnole se présente par deux fois devant de Martorell et est renfoulée. Mais ce ne sont que des éclaireurs. Quand l’armée Los Vélez se met en marche 9 tercios aux ordres de Gerí de la Rena et la cavalerie de las Ordenes comandée par Álvaro de Quiñones (20 compagnies et 1.480 maîtres au début de la campagne) avancent directement sur Martorell par le chemin de Gelida.

Le 18, la cavalerie hispanique arrive devant Martorell avant que son infanterie. Leur nombre n’impressiones pas les francocatalans qui sortent devant la ville faire des escaramouches avec sans arriver à la lutte corps a corps. La partie n’est paas facile pour les espagnols, le cheval de Dom Juan de Garay recevant deux blessures et il y a aussi quelques blessés. La lutte va cesser jusqu’au lendemain après-midi quand arrive l’infanterie.

Le 19, à 4 heures de l’après-midi, les espagnols attaquent à nouveau avec 500 soldats comandés per le Sergent Pedro de Cañaveral et délogent les catalans d’une coline situé à côté du village. La nuit tombe mais les escarmouches se poursuivent entre les deux armées.

Entretemps, le marquis de Torrecuso avec 7 tercios qui font 6.000 hommes et le Duc de San Jorge comandant la cavalerie d’Aragon, prennent un chemin situé à leur gauche et qui passe par  le Col del Portell, Corbera et débouche sur Sant Andreu de la Barca puis Martorell. Ils ’emportent quelques mansfelts. Leur objectif, de concert avec le corps principal, prendre les catalans dans une nasse. Le 21 est le jour du rendez-vous à Martorell.

Le 20 après-midi, il arrive à Corbera dont il capture le château après un petit combat. En effet, parmi les 700 catalans commadés per Dídac de Vergós, c’est le chaos. Ils ne s’attendaient pas a l’attaque et pris par surprise une partie des miliciens fuit au plus vite, en commençant par son chef. Cependant, le clocher de Sant Andreu donne le signal d’alarme. La nuit, il y aura aussi des escaramuches avec les troupes catalanes.

Le lendemain Torrecuso se remet en marche. Les escaramouches comencent tout de suite et s’intensifient au fur et mésure de leur progression vers Martorell. Un milier de catalans se replient sur la ville au fur et à mesure de leur avance.

De son côté, le 21 au matin les catalans sortent avec leur cavalerie de Martorell et attaquent l’éminence capturée le jour avant par les espagnols. Ceux ci après avoir résisté pendant quelque temps doivent se replier après avoir épuisé leurs munitions. Cependant los Vélez contrataque. Il envoie une compagnie de chevaux et un bataillon d’infanterie pour récupérer l’éminence et les catalans doivent se réplier sur ses tranchées. La ils résistent avec obstination les avances des espagnols.

Cependant, à 9 heures du matin Torrecuso est arrivé à proximité de Martorell. Se voyant en risque d’être encerclés les catalans abandonnent les tranchées et fuient à travers le Llobregat sur le Pont du Diable. Avant de partir ils incendient leurs poudres, ce qui provoquera plusieurs victimes sur l’armée hispanique. Certaines armes et  munitions sont même entérrées, mais l’artillerie est abandonnée. Cependant, dirigée par des artilleurs français, elle a le temps de faire une décharge sur les troupes qui arrivent, avant que les artilleurs décampent. La ville est prise à l’assaut des deux côtés et commence le sac ce qui facilite la retraite francocatalane.

La cavalerie française protège aussi la retraite et se positionne de l’autre côté du Llobregat pour recevoir les fuyards. entretemps,  le juré en chef de Martorell , pau Roca, se présente devant Los Vélez avec ses insignes pour demander la protection du marquis. Cela ne sert a rien, il est égorgé et le sacage continue. Aux yeux de Los Vélez la ville est doublement traite à son Roi et à son seigneur. Elle est brûlée, les femmes sont violées puis assassinés et même les enfants sont mis à mort, beaucoup d’eux lancés du haut du Pont du Diable dans le Llobregat. Au total on compte plus de 800 morts, pire que Cambrils…

Le pont du Diable vers 1860 (Martorell)

D’autre part, le 21 au matin, sortent de Barcelone le régiment de Serignan et le Tercio de Saint Raimond pour se porter au secours de Martorell. Malgré leur hâte ils n’arrivent pas plus loin que Sant Feliu de Llobregat. De l’autre côté de la rivière Torrecuso a répéré leur progression et fait traverser la rivière à sa cavalerie. L’infanterie francocatalane forme à la défensive et doit supporter le feu des maîtres ennemis. En un premier moment la compagnie de Francesc Borrell arrive à leur secours, mais ils sont trops peu pour faire face aux espagnols. Heuresement peu après arrive le gros de la cavalerie francocatalane.

En effet la plus grande partie de l’infanterie catalane s’est repliée vers la comarque du Vallès à travers d’un terrain montagneux qui empêche aux espagnols de les menacer avec leurs chevaux. Cependant ils sont pressés et ils abandonnent plus de 90 armes à feu dans le terme d’Esparraguera. Plus de la moitié du Tercio de Santa Eulalia se dirige vers Barcelone, cependant les compagnies colonelle et celle du lieutenant-colonel avec le Conseiller Rossell partent vers Tarrassa.

La cavalerie par contre se dirige à Barcelone et rencontre l’infanterie qui est en difficuté. Grâce à eux l’infanterie francocatalane peut se rapprocher des montagnes qui longent le Llobregat et se replier sur Barcelone. En fin de compte, les catalans perdent plus de 1.000 soldats en la déroute et toute leur artillerie, 6 pièces. Les espagnols de leur part uniquement quelques centaines. C’est donc une nouvelle et cuisante défaite.

 

Murailles de Barcelone près du portail de Santa Madrona

VII. Le miracle de Monjouic

Le 22 janvier la situation de Barcelone semble désespérée. L’armée de Los Vélez est à moins de 30 km, distance qu’elle peut parcourir en 2 jours. Les défenses de la ville sont considérables, car sur le papier les murailles sont bastionnées, cependant la muraille médiévale est faible sur certains endroits. el date du XIVe siècle. En plus, sur une grande partie du tracé les bastions sont trop séparés  et ne se protègent pas mutuellement. Sur Montjouic, à l’endroit où il y a la tour de signaux, on a improvisé un fort en pierre sèche dont les murs sont peu élevés. Le fort ne compte même pas avec des pièces d’artillerie.

Dans la ville Du Plessis-Besançon négocie avec Pau Clarís les conditions sous lesquelles la Catalogne peu recevoir la protection de la France. Le 16 janvier, Catalogne a déposé Philippe IV et est devenu une république. Le 23, devant l’évidence de la déroute de Martorell, est votée l’élection de Louis XIII comme Comte de Barcelone. C’et ainsi qu’il devient Louis Ier. À partir de ce moment les militaires français prennent les choses en main.

Les travaux sur Montjuïc s’accélèrent. Sur la montagne on creuse des tranchées pour protéger les accés et le fort de Montjuïc est rehaussé. En plus il est artillé avec 8 pièces, et on y met en garnison près de 300 soldats de 4 compagnies du régiment d’Espenan (Aubigny, La Val, La Conté et Du Bagnan) et probablement de 2 autres du régiment de Serignan. La moitié de ces soldats étant armés de piques, la Députation va les armer avec 152 arquebusses, plus maniables pour des soldats habitués à utiliser des piques. Apparament les mousquetaires de ces compagnies ont été séparées et servent en d’autres endroits.

Devant la porte de Sant Antoni, se situe la compagnie colonelle de Palliers. Ils sont protégés par des une pallissade en forme de bastion formée de tonneaux remplis de pierres et de terre. Dans ces tonneaux on fixe des piques pour éviter que des chevaux puissent supérer l’obstacle. Fortification improvisée, c’est un obstacle formidable contre les armes à feu. Cependant, elle ne peu pas résister le feu de l’artillerie. Ce ne sera pas le dernier cas qu’on utilisera ce système pendant la guerre des faucheurs.

Les compagnies du régiment de Serignan servent dans la majorité des portes et bastions de Barcelone pour les assurer.

Troupes françaises qui combatron à Montjouic le 26 de janvier 1641
Régiment Compagnies d’infanterie Compagnies de cavalerie Effectifs d’infanterie Effectifs de cavalerie
Sérignan 20   c. 800  
Espenan 4   c. 250  
Boissac   3   321
Saint Simon   2   140
Total 24 5 c. 1.050 c. 460

La cavalerie française est formée par trois compagnies du régiment de Boissac, celles de Fontrailles, Bridoire et Massane et deux compagnies de Saint Simon, celles de Gudane et celle de Vauvette, dont le lieutenant est le Chevalier de Sage.

La cavalerie catalane est formée par la compagnie des marchands de Francesc Borrell qui compte une centaine de maîtres, celles des capitaines Josep d’Ardena et Josep Pinós avec chacune 60 maîtres. Ces trois compagnies sont formées par la ville de Barcelone. Suivent les compagnies de Manel d’Aux, qui revient du Roussillon et a des effectifs d’une trentaine de maîtres et celle du frère Enric Joan avec une cinquantaine.

Cette cavalerie utilise des cuirasses complettes sorties des arsenaux de la ville et des particuliers, qui ont vendu les protections à la Députation. Des casques et des protections pour les bras sont aussi disponibles. Les maîtres sont armés de deux pistolets ou deux « pedrenyals » (arme traditionelle a mi-chemin entre le pistolet et le fusill). Ils ont peut-être une apparence étrange, démodée qui rappelle celle des chevaliers de la renaissance, mais la protection se démontrera très effective. L’avantage pour les catalans est que le combat se fait à côté de Barcelone et les maîtres n’ont pas à supporter de longues marches avec les incomodités d’une armure.

Même si les tercios de Martorell se sont replié sur la Vallès, Barcelone compte sur  les hommes des villages de la vallée du Llobregat qui devant l’avance de Los Vélez désertent en masse la contrée. Les jours suivants l’avance de Los Vélez peu se voir par la progression des incendies qui ne respectent même pas les églises. Même Molins de Rei qui fait partie du domaine du Marquís est incendié.

Ainsi, dans la ville se rassemblent les levées des populations voisines de Barcelone. Trois compagnies de Mataró, reunissant 480 hommes, arrivent dans la ville. Si on leur additionne les nouveaux venus. On peu estimer à plus de 2.000 les hommes armés d’en dehors de Barcelone qui défendront la ville.

Traversant les lignes hispaniques et démontrant à nouveau leur mobilité, les compagnies de miquelets des capitaines Cabanyes et Caselles arrivent à Barcelone. Troupes expérimentées au combat, on les destine à l’endroit le plus risqué, la montagne de Montjouic. Elles comptent une centaine d’effectifs chacune. Avec eux sont aussi arrivé les compagnies du tercio de la Bandera de Santa Eulalia, celle de Pere Modolell (avant Molins), Martell, d’Antoni Paguera et de Jordi Paguera. Au total quelques 800 soldats.

Ces troupes ne se sont pas les seules à avoir pris le chemin de Barcelone, la compagnie du capitaine Lluís Valencià qui forme part très probablement du Tercio de « Piera » est avec eux. Celle ci et celle du capitaine Ambrosi Gallart se situent au couvent de Santa Madrona.

Barcelone va prendre ses dispositions pour se défendre. En premier lieu elle organise 5 tercios. Le premier est celui de Montjouic. Il estformé par 9 compagnies des confréries qui ocupent la montagne. À l’intérieur du fort se situent les compagnies des Julians (marchands de toiles). Celles des Sastres et Sabaters (chausseurs) professions bien nombreuses qui réunissent plus de 300 membres chacune, sont situées dans la montagne de Montjouic. Sont aussi présentes les compagnies des confréries des Passamaners, Velers, Taberners et Teixidors de lli et Pellers qui forment ensemble. Fomellement le tercio réunissait plus de compagnies, comme celle des Notaires publics ou Ferrers.

A la Tour de Damians, se situe la compagnie des Blanquers et à l’extrémité de la montagne regardant le Llobregat se situe la compagnie des Estevers. Les compagnies de Rafel Casamitjana et Vives sont aussi présentes. On ne leur a pas su attribuer l’origine et nombre de ses soldats. La compagnie des étudiants (de droit) du capitaine Lluís Valencià est aussi présente.

Les autres tercios, composés des milices des confréries sont ceux de Galceran Dusay avec le sergent majeur Jeroni de Miquel, celui de Rafel Cervera avec le sergent Baltasar de Cárcer, celui de Josep Navell et Joan Tello.

De l’autre côté, l’avance vers Barcelone est menacé par les miliciens de Margarit qui ont arrivé aux alentours de Martorell. Pour protéger son arrière-garde, le 22, Los Vélez laisse deux tercios à Martorell et la cavalerie des Ordenes. ils vont partir le jour suivant, mais l’infanterie n’arrivera pas à temps pour la bataille.

Effectifs de l’armée de Los Vélez Inafanterie *M = présent à Montjouic Cavalerie *M=présence confirmée à Montjouïc
Entrée en Catalogne

Capitaine général et Viceroi Marquis de Los Vélez

Mestre de camp général: Marquis de Torrecuso

Ingénieur général: Marco Antonio Gandolfo

Gouverneur de l’artillerie: Gerí de La Rena.

23 pièces d’artillerie

250 artilleurs

20 tercios avec 22.100 soldats

Régiment de la Guardia (Colonel Fernando de Ribera – Sgt. Maj. Manuel de Aguiar) *M +1.600 h.

¿Régiment du Conde-Duque? (Colonel Luís de Ribera) *M

Régiment du Marquis de Los Vélez (Colonel Gonzalo Fajardo – Sgt. Maj. Castañissas) *M +1.200 h.

Régiment du Duc de Medinaceli (Colonel Martin de Azlor) *M +1.000 h.

Régiment du Duc del Infantado (Colonel Iñigo de Mendoza)

Régiment du Comte d’Oropesa (Colonel Comte Bernabé de Salazar) *M

Régiment du Gran prior de Castilla ou de La Mancha (Colonel Diego Guardiola y Guzmán)

Régiment du Comte de Morata (Colonel Luís Jerónimo de Contreras)  *M

Régiment du Duc de Pastrana (Colonel Pedro de Cañaveral – Sgt. Maj. Villafañé) *M

Régiment du Comte de Montijo ou de Castilla (Colonel Pedro Fernández de Portocarrero, Comte de Montijo)

Tercio d’Alonso de Calatayud *M

Tercio de Diego de Toledo y Guzmán *M

Tercio de Pedro de Lesaca *M

Tercio de Fernando de Tejada

Tercio de Martín de los Arcos (Sgt. Maj. Diego de Cárdenas y Lusón) *M

Tercio irlandais du Comte de Tyrconnel ( Mestre de camp Eugenio O’Neil – Sgt.Maj. Constantine O’Neil) *M

Tercio valon du Duc d’Isinguien *M +1.500 h.

Tercio portuguais de Simón Mascarenhas *M

Tercio portuguais de los presidios de Portugal ou de Lisboa (mestre de camp Tomás Mecía de Acevedo)

 

3.400-3.600 maîtres

Compagnie de la garde du Viceroi Los Vélez, capitaine Alonso Gaitán c. 100 maîtres *M

Ordenes militares (Comissaire géneral Rodrigo de Herrera – Lieutenant général Alvaro de Quiñones) 20 compagnies avec 1.480 maîtres: compagnies de l’ordre d’Alcantara: Tomás de Beaumont, Pedro Chirino de Narváez, Manuel de Arriarán. Compagnies de l’ordre de Calatrava: Francisco Mayoralvo y Sande, Marquis de la Conquista (lieut. José de Alloza),  Pedro Lisón de Fonseca, Rodrigo Arista de Zúñiga Tenorio (arquebussiers), Sancho de Londoño, Juan de Egues y Beaumont. Compagnie de l’ordre de Montesa: Comte de Olocau. Compagnies de l’ordre de Santiago: Rodrigo Herrera de Céspedes, Luís Calderón de Chaves, Diego de Villalba y Toledo, Sebastián Centurión y Córdoba, Pedro Cañaveral y Córdoba, Iñigo de Angulo y Velasco, Manuel Suárez Treviño, Gabriel de la Puebla Escobedo, Juan Bautista de Otto (arquebussiers), Antonio Venegas de Córdoba (formellement compagnie du Comte Duc d’Olivares).

 

Guardas de Castilla (Lieutenant général Duc de San Jorge): c. 1.000 maîtres.

comp. du Duc de San Jorge *M, Cristóbal López.

Guardas de Castilla (Comissaire général Filippo Filangieri / connu comme Felipe Felincher): c. 600 maîtres de cavalerie légère.

Les Guardas de Castilla sous l’autorité de San Jorge ou Filangieri se composent des:

compagnies de Federico Spatafora *M, Mucio Spatafora *M, Fabricio Prignano, Francisco Arias, García Cabanillas *M, Mateo de la Mata,  Juan Muñoz del Peral, Miguel de Iturbide, Luís de Mendoza, Jerónimo Álvarez. (+ d’autres compagnies)

Compagnie d’arquebussiers valons de Bridard.

Laissé à Fraga Tercio du Comte de Montijo c. 1.100 h.  
Laissés à Tortose  Bartolomé de Medina c. 1.500 h.  
Laissés à Tarragone Tercio de Fernando de Tejada c. 1.000 h. 2 compagnies c. 150
Perdus au Col de Balaguer ¿Régiment du Conde-Duque?  c. 200 h.  
Laissés à Vilafranca del Penedès Entre 300 et 400 h.  
Perdus à Martorell Autour de 200 h. Autour de 100
Laissés à Martorell n’arrivent pas à temps à Montjouic Tercio de Lisboa et un autre tercio c. 1.700 h. La cavalerie arrive à temps
Arrivés devant Barcelone 14 tercios non complets. c. 13.000 c. 2.700-3.000

Le 23, le mestre de camp du tercio de Montjouic, Josep de Rocabertí, déserte avec son sergent majeur. Il arrive la nuit au camp espagnol et va informer le commandement espagnol des caractéristiques du fort de Montjouic, hauteur des murs, uniquement 1,2 mètres et profondeur des fossés, garrison, absence d’artillerie etc… Mais l’information deviendra caduque bientôt, à cause des dispositions d’Aubigny et de Du Plessis-Besançon, et donc en fin de compte perjudicielle.

En effet, sous la direction d’Aubigny, le fort de Montjouic va être amélioré. Même s’il reste une construction en pierre sèche et donc très vulnérable au feu de l’artillerie, Aubigny fait travailler tout le monde de forme frénétique. Les murs du fort sont rehaussés. En plus il est armé avec 8 pièces d’artillerie qui sont installées sur ses bastions, 2 sacres et 6 fouconneaux de 4 libres. De son côté, l’aide de camp Tapiolas, du Tercio de Montjouic reste dans le fort aux ordres de son nouveau gouveneur le seigneur d’Aubigny.

Les francocatalans s’organisent aussi en un comandement nominalement tricéfale. La direction est compartie entre le député Tamarit, le conseiller en chef, le Docteur Joan Pere Fontanella et Du Plessis-Besançon, mais c’est ce dernier qui va prendre les choses en main. En vue du traitement des espagnols ils sont prets à résister jusqu’à la dernière extrémité. Négocier avec les espgnols qui ne respectent pas les pactes est impensable.

Arrivés le 25 à Sants, Los Vélez planifie les operations du jour suivant. La décision est de conquérir Montjouic pour avoir une communication aisée avec les galères du Duc de Fernandina. Les fournitures de toutes les munitions de bouche et de guerre peut se faire uniquement par mer. En effet, le pays est en pleine révolte et les fournitures par voie terrestre sont impensable avec Margarit sur l’arrière-garde. En plus, si les catalans perdent Montjouic ils comptent que la ville sera démoralisée. Il y a des chances qu’elle capitule ou que des partidaires prohispaniques ouvrent une porte.

Carte de la montagne de Montjouic et plaine de Valldonzella près de Barcelone

(À partir d’une carte du siège de Barcelone en 1652)

Le 26 au matin, Torrecuso exécute les instructions du conseil de guerre. Lui dirige les sept tercios qui doivent ocuper la montagne et converger sur le fort de Montjouic. Ils eront acompagnés de 4 compagnies de cavalerie de celles du Duc de San Jorge et qui ne serviront à rien dans un terrain si montagneux. Juan de Garay reste à la tête des sept autres doivent faire face à n’importe quelle menace venue de Barcelone. Pour aider ces dernières troupes, la cavalerie doit nettoyer d’ennemis la plaine de Valldonzella. Ainsi Montjouic restera isolée et ne pourra recevoir des aides de la ville.

A 8 heures du matin, commence la progression des hispaniques. Sur le flanc de la montagne qui regarde le Llobregat et Castelldefels monte un escadron volant aux ordres du Comte de Tyrconnel. Il est suivi par le tercio de Simón Mascarenhas. Sur leur côté gauche et donc plus à l’intérieur progresse le tercio de Martín de Azlor (celui du Duc de Medinaceli). Contrairement au mythe du manque d’échelles, les attaquants en transportent avec eux, peut-être en nombre insufisant. Mais ils savent bien qu’àprès avoir traversé la montagne ils devront prendre le fort.

A travers d’un petit vallon, monte un escadron de Fernando de La Ribera. Les témoins oculaires catalans indiquent qu’il est suivi d’un deuxième escadron, probablement formé aussi de soldats du régiment de la Guardia ou du tercio de Los Vélez, qui ataquera aussi le fort de Montjouic. La dépression cache leur progression. Finalement un autre escadron progresse vers les couvents de Santa Madrona et Sant Ferriol. Au total entre 6.600 et 7.000 soldats attaquent Montjouic.

Il est aussi prévu de faire monter plusieurs pièces d’artillerie pour battre le fort. Mais celui ci est considéré si faible que Torrecuso ne se presse pas pour l’instant à Geri de La Rena qui doit s’en charger. Pour l’instant celui-ci prépare ses canons en une batterie pour empécher que des secours de Barcelone arrivent à Montjouic, une tâche lente qui prend beaucoup de temps.

La colonne des irlandais progresse par la montagne mais trouve les compagnies catalanes retranchées. Les catalans laissent les adversaires s’avancer, font des décharges puis décampent vers la suivante tranchée. En cet encontre le mestre de camp irlandais est blessé sérieusement.  Les irlandais plus préocupés par son chef que d’avancer s’arrêtent. Devant cette situation le mestre de camp Mascarenhas prend les choses en main et les hispaniques se déploient en un front plus grand formé par les tercios de Tyrconnel et Mascarenhas, dont ce dernier est en avance. De cette façon ils arrivent à couper une partie de la compagnie des Estevers qui doit se frayer un chemin en une féroce lutte corps a corps dans laquelle les officiers catalans comptent avec des écus. Finalement ils arrivent à passer mais la compagnie pert entre 10 et 12 hommes. Le gros de la compagnie se replie vers le fort de Montjouic. le comte de Tyrconnel descendra la montagne sur son prope pied mais il va mourir le lendemain. Son tercio sera comande par le sergent majeur Constantine O’Neil.

Par contre, l’escandron des mosquetaires aux ordres de Fernando de Ribera, s’approcha à proximité deu fort sans autant d’opposition, faisant son chemain par le lit d’un torrent. En arriver au petit plâteau ou est situé le fort, sa présence fut découverte par les catalans qui chargèrent les espagnosl avant qu’ils puissent se déployer et les refusèrent jusqu’au torrent pour le moment.

Entretemps, Simon Mascarenhas profita pour attaquer les catalans ensemble avec le tercio de Martín de los Arcos qui  montait la montagne à sa gauche, comandé par Diego de Cardenas, car son mestre de camp était malade. Mais la première attaque fut refusée et Diego de Cardenas tué. En une nouvelle attaque, il réussit a suppérer l’obstaque et la tenaille fut prise. Les catalans fuirent par le chemin couvert en direction de Barcelone et probablement s’uniront  avec les défenseurs des couvents de Santa Madrona et Sant Ferriol vu le manque de nouvelles d’un replit de Monjouic qui aurait rentré à Barcelone. Cependant une bonne partie se protège derrière le fort et aidera à défendre celui-ci.

Une fois en vue du fort, Mascarenhas anima ses soldats à l’attaquer et ensemble avec unenseigne qui arborait une bannière ils arrivèrent au pied de ses murs. Tout son tercio le suivait. Aubigny laissa que le gros des soldats hispaniques s’aprochassent avant de faire une décharche mortelle avec ses canons chargés avec des balles de mousquet. De cette façon bien peu des soldats hispaniques arrivèrent au pied du fort, car beaucoup firent demi tour voyant la chaude réception qu’on leur faisait. Malgré tout, Mascarenhas continuerait à avancer et pendant qu’il levait une échelle un tir à la tête le laissa sérieusement blessé. Sur ce point, malheuresement pour les historiens, Mascarenhas interromp son histoire. Pour son bonheur, son casque li sauva la vie. Le mestre de camp fut retiré par ses soldats, mais l’assaut devait provoquer beaucoup de victimes hispaniques qui attaquaient au decouvert une position artillée.

En vue de cette description, on peu déjà conclure que el mythe selon lequel on ne comptit pas avec des échelles est une version intéressée pour justifier la déroute et charger de responsabilité à Torrecuso. En fait les témoignages hispaniques et catalans, c’est à dire  Mascarenhas, Sivilla et un journal anonyme, coincident en que le fort de Montjouic fut assauté. Mascarenhas admet, qu’il disposait au moins d’une échelles mais on peu supposer qu’elles seraient quelques plus, peut-être uniquement 5 des 20 demandées, car sans échelles ou avec une échelle quel sens avait d’attaquer le fort?

De même les hispaniques tentèrent d’entourer avec leur cavalerie la compagnie du capitaine Cabanyes située à l’extremité de la montagne de Montjouic, mais le feu de l’artillerie depuis les murailles de Barcelone leur empêcha de procéder.

Entretemps, sur la Plaine de Valldonzella, la lutte avait comencé aussi très tôt. Le Duc de San Jorge dirigeait la cavalerie des Ordenes. Son objectif était la conquête de Sant Ferriol. Pour s’opposer, la compagnie de Manel d’Aux sortit de Barcelone pour provoquer les hispaniques. Ceux ci poursuiviren la compagnie d’Aux qui les atira envers une troupe d’infanterie catalane formée par 300 effectifs qui avait pris ses posicions darrière un mur et qui fit feu contre eux. Le Duc de San Jorge demanda alors le support d’un escadron de mousquetaires. Ces derniers tarderent en arriber et  la cavallerie continua acumuler des pertes. Cependant, dès leur arrivée, les mosquetaires catalans furent obligés de se replier à la demi lune devant la porte de Sant Antoni, ensemble avec les soldats de Serignan.

Pendant ce temps, la cavalerie francocatalane qui s’avait situé à la droite de la fortification devant la porte de Sant Antoni, s’avança imprudenment vers les hispànics. Quand elle découvrit l’infériorité en laquelle elle se trouvait, elle de replia vers ses positions initiales, sans être perturbée par San Jorge qui devait vaincre encore la resistance des mousquetaires catalans.

Finalement, San Jorge ira ocuper les positions abandonnées par les catalans, dans un camp d’oliviers,  mais il avait mal calculé, car celui ci était à portée de l’artillerie de Barcelone. Des tirs comenceront à pleuvoir sur ses maîtres. En plus la cavalerie francocatalane fit une sortie et comença à escaramoucher avec les hispaniques. San Jorge, en une décision plus qu’imprudente, decida poursuivre les francocatalans qui se replièrent vers les muralles. Ainsi, suivi par un bataillon de cuirasses aux ordres de Felipe Felincher, il reçu le feu de l’artillerie et aussi des mousquets catalans. Tout ensemble le desorganisa suffisamment pour que la contreataque des compagnies de Massane et Gudane l’entourrassent.

Alors, le Duc de San Jorge se decida à s’aproximer rapidement au portail de Sant Antoni et lors de leur aproximation, les soldats français de Monsieur de Palliers les reçurent avec une décharge. San Jorge reçu cinc balles qui lui furent fatales. La cavallerie hispanique se lança sur son corps pour essayer de le recupérer et labas tomba une bonne partie de l’officialité hispanique incluant deux capitans. La melée entre les cavaleries fut confuse, mais même si les hispaniques doublaient en nombre les francocatalans, la cavalerie catalane était très bien protégée et fut clairement supérieure à l’hispanique.. Dans la confusion, certains chevaux valons qui poursuivaient les francocatalansarrivèrent à entrer dans le portail de Sant Antoni, mais les catalans fermèrent l’herse et ils se virent encerclés de toutes parts. Les valons fuyèrent à toute bride jusqu’à devant le Couvent de las Jerònimes, ou aculés, ils furent mis à mort. Felipe Felincher, també fut blessé en cette action, mais il réussit à s’échapper avec une cavalerie hispanique completement desordonnée. Elle laissait quelques 150 morts sur le terrain et s’échappait avec de nombreux blessés. De leur côté, les francocatalans  eurent seulement 10 victimes mortelles, incluant le lieutenant de la compagnie de cavallerie des commerçants Francesc Borrell. Cependant, les blessés seront beaucoup plus nombreux, environ 90. En ce sens, le même Borrell perdit son cheval au combat.

Une fois le combat se termina, DuPlessis Besançon situa la cavalerie francocatalana à gauche de la demi-lune devant le portail de Sant Antoni, ou il estimait qu’elle serait plus protégée. Après il entra à Barcelone et il réunit deux contingents de mousqutaires. Environ 500 hommes du quartier de la Ribera vont partir pour Montjouic sur des barques et lui personnellement conduira un autre contingent de 3.000 hommes vers la montagne.

Quand Torrecuso arriva à la primière ligne, l’infanterie attaqua à nouveau le fort, sans un nombre acceptable d’échelles et comme on devait s’y attendre son effet fut uniquement celui de  debilitar encara més les forces hispàniques que de nou es replegaren. Ainsi la souffrance des troupes hispaniques était si important que Torrecuso ordonna que celles qui étaient situées à la gauche du fort se réfugient en un champ d’oliviers et probablement ils se cachèrent aussi derrière la pente de la montagne pour ne plus offrir une cible à la garrison du fort. S’ils ne reculaient plus c’est parce qu’ils attendaient qu’une fois pour toutes l’artillerie arriverait. Ils avaient envoyé des hommes la chercher à l’arrière garde et devait être formée de quelques quarts de canon et demi-canons. Avec eux  le fort en pierre sèche qu’ils avaient devant serait démolit en un instant. D’autre part, l’échange des tirs laissait les hisoaniques avec de moins en moins de munitions. En définitive, à la vue du fort restaient peu de soldats hispaniques qui escaramoussaient avec les francocatalans.

Mais les troupes qui ocupaient le fort n’étaient pas non plus confiantes. Beaucoup començaient à défaillir car ils s’attendaient à un assaut final des hispaniques. En plus, leur feu avait fait quelques avait fait quelques morts et blessés entre les défenseurs. Alors, le sergent Francesc Ferrer monta en haut de la tour et malgré le feu hispanique, il pu voir que le secours venu de la Ribera était bien proche et que celui qui sortait de la ville, formé par les mousquetaires catalans de Du Plessis, n’était pas beaucoup plus loin. Il commença à crier pour animer aux défenseurs. De leur côté, ceux de la Ribera  lançairent leur crit de guerre: «A carn!, a carn!, que meurent ces traîtres, ici viennent 500 hommes de la Marine, pour défendre la Patrie, courage!». « A carn », c’est à dire « à la chair », le crit de guerre traditionnel catalan depuis le moyen âge et qui indiquait à l’ennemi que l’on allait se lancer sur eux au combat corps à corps.

Ceci provoca que l’aide de camp majeur, Tapioles sortit du fort et chargea les hispaniques. A lui se réunit une bonne partie de la garrison du fort et les hommes venus de la Ribera, comandés par un religieux capucin qui croix en main animait son troupeau d’envoyer se réunir l’ennemi hérétique au plus vite avec le créateur. Les troupes hispaniques qui escaramouchaient avec les soldats du fort furent renfoulés sur les gros des troupes qui s’était caché sur le vessant de la muntagne pour ne pas recevoir le feu de Montjouic. Si ce n’était pas suffisant, alors arriveraient les troupes de Du Plessis-Besançon, avec leur masses de 3.000 mousquetaires, qui arrivant à la pente, firent une décharge sur la première ligne hispanique. Leurs soldats, qui ne pouvaient ni soupçonner ce qui leur tombait dessus, se desintégra et même si la deuxième ligne intenta résister, devant l’attaque inespérée, fut aussi prise de panique. En fait, une bonne partie des troupes hispaniques étaient des nouveaux recrues, c’était la première fois en toute la campagne que l’ennemi les attaquait et en plus ils étaient presque à bout de munitions. En définitive pris de la panique ils vont fuir vers la plaine, abandonnant piques, mousquets et arquebusses pour courir au plus vita. Suivis de bien près par les catalans, certains tombaient ou essoufflés étaient ratrappés. Ils imploraient « Quartier! » mais les catalans répondaient « On vous donnera celui de Cambrils! » et étaient tués.

La fuite pu être contrôllée seulement au pied de la montagne par Garay et d’autres officiers qui déployèrent deux tercios pour contenir les fugitifs . Grace aux menaces, insultes et coups d’épée, ils réussirent finalement à calmer la panique. Une partie des troupes  s’ordonna et protegea la retraite des quarts de canons qui avaient déjà commencé a grimper la montagne. De toutes formes après le combat, les troupes hispaniques restèrent desordonnées et démoralisées. Les pertes de son infanterie étaient d’entre 1.500 et 2.000 soldats. Par contre sur Montjouic, les catalans avaient soufert 43 morts et une centaine de blessés. Les pertes françaises, des compagnies protégées derrière les murs du fort seraient négligeables.

À Barcelone on crut au miracle. Les encontres entre troupes réglées catalanes et espagnoles se comptaient par défaites. Le bon dieu à écouté les prières que l’on a fait la veille. Toutes les églises de la ville ont demeurées ouvertes pendant toute la nuit et elles ont été remplies par la population. La ville va garder 9 des étendards capturés et envoyer les 5 autres à son Comte, Louis Ier.

Si les espagnols ont trainé pour faire le trajet Tarragone-Barcelone, leur retraite se fait à une vitesse d’éclair. Dans le désordre de la retraite les tercios portuguais vont se débander. Les désertions se feront en masse, avec soldats et officiers décampant ensemble les rangs des hispaniques. Une fois la retraite finie le tercio de Mascarenhas sera réformé et leurs soldats répartis entre les autres troupes. Cela va ralentir la désertion mais ne l’évitera pas. Mascarenhas se verra attribuer le commandement du tercio de Martín de los Arcos, en substitution de celui ci.

Le 4 février, Los Vélez est à Tarragone. Philippe IV surprenu par le résultat de la campagne ne va pas tarder à le destituer  et nommer un nouveau commandant. Los Vélez sera le bouc émissaire de la défaite, mais les décisions du haut comandement espagnol les deux années suivantes vont se démontrer aussi désastreuses et Philippe IV perdrà jusqu’à 4 armées presque au complet. Le conflit est à ses débuts et les soldats de Barcelone auront de nouvelles ocasions de se distinguer.

(à continuer par)

CHÂPITRE DEUXIÈME – Les soldats de Barcelone jusqu’à la consolidation du Bataillon de Catalogne (février 1641 – 7 d’octobre 1642)

CHÂPITRE TROISIÈME – Les soldats de Barcelone jusqu’à la chute de Tortose (octobre 1642 – décembre 1650)

CHÂPITRE QUATRIÈME – L’apocalypse sur Barcelone, peste, famine et siège (janvier 1651 – octobre 1652)

CONCLUSIONS – L’effort de guerre de Barcelone et récapitulatif

Sources:

Archives consultées:

Archives du  Ministère des Affaires Extérieures (AMAE)

Mémoires et documents num. 1631 et 1633.

Correspondance Politique Espagne num. 21 et 25.

Supplément Espagne num. 3 et 4.

Archives de l’Abbaye de Montserrat (AAM)

Philippe IV d’Habsburg. « Cartas de su Magestad al Sr. Don Juan Ramírez, Marques de la Ynojosa, gouernando el ejercito de Cataluña los años del 1641 y 642 y 43 ». Manuscrit num. 1242.

Archives de la Couronne d’Aragon (ACA)

Correspondència Virrei Comte Santa Coloma num.  12.007, 12.015, 12.053, 12.091 et 12.117.

Sèrie general (N), llibres num. 46, 195, 196 et 199.

Sèrie general: Registre de lletres trameses (N), llibre num. 856 et 859.

Arxiu Històric de la Ciutat de Barcelona (AHCB)

Deliberacions de guerra 1B III-2.

Registre de deliberacions 1B II-150.

Lletres closes 1B VI-86.

Lletres comunas originals 1B X-78.

Armades i port 1C VII-24 (Inventari del 1640 de les Drassanes).

Manuscrits C6 B150 La Famosa Comedia de la Entrada del Marques de los Vélez en Catª. rota de las tropas castellanas y assalto de Montjuich. 1641. Dietari de la Guerra dels Segadors de Francesc Puig. Dietari (1649).

Manuscrits C6 B148 Successos de Catalunya en los anys 1640 a 1641.

Manuscrits C6 A73 Successos de Catalunya de 1639 y 1640.

Biblioteca de Catalunya (BC)

Fons Històric de l’Hospital de Santa Creu. « Llibre dels malalts que éntran y moren en lo present Hospital general de Santa Creu de Barcelona, començant […] janer de 1641 […] ». BC AH 68.

Fullets Bonsoms. « Verdadera relation de los sucesos de memorables de Illa asetiada dos veces por Don Juan de Garai, Governador de las armas en los Condados de Rosellón ». Manuscrit num. 2073.

Biblioteca Nacional de España (BNE)

– Anonyme. « Diario de las guerras de Cataluña. 1640, 1641 y 1642 ». Manuscrit num. 2337.

– Auteurs divers. « Manuscritos del reinado de Felipe IV ». Volum III. Manuscrits num. 7794.

– Auteurs divers. « Sucesos del año de 1641 ». Manuscrit num. 2372.

– Auteurs divers, « Documentos relativos a Carlos Andrés Caracciolo, Marqués de Torrecuso ». Manuscrit num. 1630.

– Tormé Liori, Alberto. « Misceláneos históricos y políticos sobre la guerra de Cataluña desde el año 1639 ». Manuscrit num. 1927.

Bibliotèque Nationale de France (BNF)

– Auteurs divers. Manuscrit Dupuy num. 590.

– Sivilla, Magí. « Historia General del Principado de Cataluña, Condados de Rossellón y Cerdaña, seguida la conclusión de las Cortes de Barcelona Año 1599 ». BNF Manuscrit Espagnol num. 115.

M. Peny. “Cartes diplomatiques”. BNF Manuscrit Français num. 10.760.

Université de Barcelone (UB).

Lumen domus o Annals del convent de Santa Caterina de Barcelona. Vol. 2. Manuscrit num. 1.006.

Musée Condé (MC)

Lettres de Condé M 21.

Papiers de Condé N 20, 23 et 25.

 

Bibliographie

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– Serres, Jean de. « Suite de l’inventaire de l’histoire de France ». T. II. (Paris) Arnould Cotinet, Jean Roger & François Preuveray, 1648.

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– Zudaire Huarte, Eulogio. « El Conde-Duque y Cataluña » (Madrid), Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 1964.

Drapeaux impériaux pour la bataille de Lützen

Drapeaux impériaux pour la bataille de Lützen

Voici quelques drapeaux d’unités ayant probablement participé à la bataille de Lützen.

Drapeau supposé du régiment Breuner

Drapeaux de plusieurs compagnies d’un (ou plusieurs) régiment(s) non connu vraisemblablement présent(s) à Lützen (source : Armémuseum de Stockholm, le premier en haut à gauche mesure 280×305 cm, le second 370×330 cm).

Drapeau d’un régiment non connu probablement présent à Lützen (source : Armémuseum de Stockholm, taille réelle : 185×200 cm). Au vu des couleurs, probablement des régiments de la ligue catholique (Comargo ou Reinach ?).

 

 

Ci-dessus : drapeaux de la Ligue et de l’Empire, régiments peut-être présents à Lützen.

 

Et pour finir, quelques aigles impériaux pour des drapeaux génériques…

 

 

Stéphane Thion

La bataille de Lützen (16 novembre 1632)

La bataille de Lützen (16 novembre 1632)

Avertissement : tous les schémas qui accompagnent la description de la bataille sont extraits de la superbe thèse d’André Schürger (2015), The archaeology of the Battle of Lützen: an examination of 17th century military material culture.

Après sa victoire de Breitenfeld sur Tilly (17 septembre 1631), Gustave Adolphe confie à l’Electeur de Saxe le soin de porter la guerre en Bohême alors que lui-même lance une offensive sur la Thuringe. Pendant ce temps, l’empereur Ferdinand propose à Wallenstein de reprendre le commandement de l’armée impériale., ce que ce dernier finit par accepter. De son côté, Tilly essaie de ralentir l’avance suédoise avant de se retirer en Haute-Franconie. En mars 1632, Gustave dirige son offensive sur la Bavière et se présente devant la rivière Lech défendue par Tilly. Celui-ci est alors gravement blessé lors d’une reconnaissance. Tous les espoirs de l’Empereur et du duc Maximilien de Bavière reposent maintenant sur Wallenstein. Mais le nouveau généralissime se préoccupe peu de la Bavière. Le 17mai, Gustave Adolphe fait son entrée à Munich. Le 11 juin, à la demande du duc de Bavière, Wallenstein finit par réagir. Le 11 juillet, alors que Gustave Adolphe cantonne non loin de Nuremberg, Wallentein se présente devant cette ville. Il établit son camp à Alta Feste, une forteresse proche de là. Durant deux mois, les Suédois vont s’employer à prendre cette forte position défensive. Sans succès. De son côté Holk, à la tête d’une seconde armée impériale, est parvenu à repousser les Saxons de Bohême. Il occupe maintenant Leipzig. Alerté, Gustave Adolphe se retire et se dirige vers la Saxe. Wallenstein le suit et rejoint Holk à Leipzig. C’est donc à Lützen que va se jouer l’avenir de la Saxe.

Ci-dessus : la bataille de Lützen selon P. Snayers. Ce tableau représente relativement fidèlement le champ de bataille vu de l’arrière des lignes impériales.

Le 15 novembre, alors que Wallenstein n’a pas encore connaissance de la position des ennemis, l’avant-garde impériale est accrochée par les Suédois, quelques kilomètres au sud de Lützen. Wallenstein envoie immédiatement un courrier à Pappenheim qui se trouve à une quarantaine de kilomètres de Lûtzen pour venir le renforcer. Celui-ci ayant reçu la lettre se met en marche vers minuit. Pendant ce temps, Wallenstein déploie son armée sur une ligne allant de Lützen à Leipzig, son flanc droit appuyé sur une petite colline et les moulins de Lützen. Au point du jour, Gustave Adolphe se change, refuse de prendre son casque et sa cuirasse, son épaule étant douloureuse du fait d’une blessure de mousquet, et monte sur Streiff, son cheval gris-pommelé. Il débouche sur le champ de bataille vers 9 heures du matin. La brume et le terrain parcouru de fossés ralentissant le déploiement de son armée, l’attaque ne commencera qu’à 11 heures.  L’aile gauche de cavalerie est menée par Bernard de Saxe-Weimar, l’aile droite par Stalhansk, le centre par Brahe.

Ci-dessus : déploiements impérial et suédois (Schürger, 2015)

La principale attaque est menée par Gustave Adolphe : 3 000 cavaliers suédois progressent difficilement vers les lignes ennemies, à travers les fossés. Heureusement les détachements de mousquetaires en soutien, par la supériorité de leur feu, sauvent l’offensive qui s’annonçait désastreuse. Heureusement, le soutien d’infanterie a suivi. La brigade bleue, soutenue par la brigade jaune bouscule l’aile gauche impériale et prend la batterie d’artillerie. Le reste de la cavalerie perd beaucoup de temps à traverser les fossés.

Ci-dessus : la situation entre 10h30 et 11h (Schürger, 2015).

La situation entre 10h45 et 11h15 (Schürger, 2015).

Pendant ce temps, la brigade verte s’avance vers la batterie de l’aile droite impériale devant les moulins et l’aile gauche de cavalerie weimarienne se heurte aux mousquetaires ennemis bien retranchés. C’est un échec. Mais Bernard de Saxe-Weimar, obsédé par la prise de Lützen, s’acharne et revient à la charge, sans autre résultat que de mettre le feu au village.

Ci-dessus : situation entre 11h et 12h (Schürger, 2015).

Il est midi. Sur l’aile droite, alors que la cavalerie suédoise se reforme, Brahe lance ses brigades sur l’infanterie impériale. Alors que les cavaliers suédois s’avancent, les cuirassiers de Gotz décident de se retirer, ébranlant ainsi les trois régiments d’infanterie à sa droite. Alors que le brouillard se lève, Wallenstein réalise que c’est sur son aile gauche qu’est dirigée la principale attaque : il la fait renforcer par les cuirassiers de Desfours et par une partie de sa réserve de cavalerie. Puis il lance sa seconde ligne d’infanterie contre Brahe.

Ci-dessus : situation entre 11h30 et 12h30 (Schürger, 2015).

C’est alors que l’énergique Pappenheim débouche sur le champ de bataille avec sa cavalerie accourue à marche forcée. Son infanterie n’arrivera qu’en fin de journée. Il prend immédiatement les choses en main sur l’aile gauche impériale et, vers 13 heures, lance une contre-attaque ayant pour but d’envelopper l’aile droite suédoise. Alors que les Croates débordent les cavaliers ennemis et foncent sur les bagages, les cuirassiers de Piccolomini enfoncent les régiments d’Östgota et de Smaland. Mais les mousquetaires commandés suédois accueillent les cuirassiers impériaux par un feu nourri de mousqueterie et d’artillerie légère. Pappenheim, touché par deux coups de mousquets et un boulet de 3 livres, s’effondre. Il est évacué du champ de bataille. Alors que Stalhansk réorganise son aile, les cuirassiers impériaux, découragés par la perte de leur général, stoppent leur offensive.

Ci-dessus : situation entre 12h et 13h (Schürger, 2015).

Dans le même temps, au centre, l’infanterie impériale renforcée par sa seconde ligne a contre-attaqué.  La brigade bleue et la brigade jaune sont attaquées à la fois de face par l’infanterie et de flanc par les escadrons de cuirassiers impériaux (régiment Bredau). Piccolomini, à la tête de ses cuirassiers, Brahe, à la tête de ses brigades sont blessés. Les brigades bleue et jaune sont pratiquement anéanties. L’infanterie suédoise se retire en ordre. C’est alors que Gustave, apercevant l’infanterie de Brahe en difficulté, charge la tête des régiments de Smaland et Östgota après les avoir réorganisés. Un peu après 13 heures, une balle de mousquet va mettre un terme à son épopée. Son corps ne sera retrouvé que 2 heures plus tard. Alors que la contre-attaque impériale s’essouffle et que les cuirassiers impériaux, suivant les ordres, se désengagent, les suédois se réorganisent. Bulach (seconde ligne de cavalerie) est parvenu à repousser les croates et à rallier ses escadrons de cavalerie. Au centre droit, les brigades suédoises orphelines de leur commandant parviennent néanmoins à se reformer.

Ci-dessus : la destruction de la brigade jaune suédoise par la charge de flanc des cuirassiers de Bredau (entre 11h et 13h) avec, en surimpression, toutes les balles de mousquets, carabines et pistolets retrouvées sur le champ de bataille (Schürger, 2015).

Ci-dessus : situation entre 12h30 et 14h (Schürger, 2015).

Bernard de Saxe-Weimar qui commande l’aile gauche suédoise, monte alors une attaque coordonnée avec le centre gauche. Il ordonne aux brigades de seconde ligne de renforcer la première ligne, Mitzlaff à gauche de sa brigade verte et Thurn à droite de cette brigade. L’artillerie lourde parvient à se déployer à droite de la brigade Thurn et est prolongée sur sa droite par la vieille brigade bleue (Alt-Blau). Bernard lance son attaque, probablement vers 13h30. L’aile droite impériale, venant de perdre plusieurs régiments de cuirassiers envoyés renforcés l’aile gauche, vacille. L’infanterie de Bernard parvient à prendre pied sur la colline, à emporter les canons placés à l’aile droite et à refouler la première ligne d’infanterie impériale. Mais une contre-attaque menée par Holk parvient à regagner le centre et à refaire sa ligne de front. Les moulins sont repris et les suédois se replient.

Sur l’autre aile, alors que la cavalerie suédoise, victorieuse, enveloppe ses adversaires, une nouvelle, terrible, se répand. Le roi est mort. L’impact moral de ce drame est terrible. L’élan des troupes protestante est stoppé. Au même moment, Piccolomini annonce la nouvelle aux troupes impériales.

Ci-dessus : la situation entre 14h et 15h (Schürger, 2015).

Bernard de Saxe-Weimar prend alors le commandement de l’armée protestante. Il est autour de 14h30. Toute la ligne suédoise est maintenant épuisée ou démoralisée. A l’exception de la réserve de Knyphausen, pratiquement intact. L’état de l’armée impériale n’est guère meilleur. Les deux adversaires font une pause et se réorganisent. Vers 15 heures, Knyphausen et Bernard débattent de la situation. Le premier suggère une retraite en bon ordre mais le second n’est pas d’accord. Il est persuadé que l’état de l’armée suédoise est bien meilleur que celui de l’adversaire. Il est persuadé qu’un nouvel assaut dirigé sur son aile peut gagner la journée. Le plan de Bernard est d’envelopper Lützen et l’aile droite impériale avec sa cavalerie alors que les brigades verte, Mitzlaff et Knyphausen prendront les moulins d’assaut.

Ci-dessus : la situation entre 15h et 16h (Schürger, 2015).

L’aile gauche suédoise s’ébranle vers 15h30 couverte par un feu intense d’artillerie. C’est une surprise pour les impériaux qui pensaient la bataille gagnée. Les brigades suédoises prennent pied sur la colline sans réelle opposition. Perdant leurs nerfs, les régiments impériaux d’arquebusiers à cheval quittent le champ de bataille. Les suédois tombent alors sur les régiments de cuirassiers restant. Alors que différents régiments se dissolvent, Piccolomini parvient à rétablir la situation. Une contre-attaque impériale est lancée mais Bernard parvient à la repousser et à garder la position.

Ci-dessus : la situation entre 16h et 17h (Schürger, 2015).

Il est maintenant entre 17 et 18 heures. La nuit tombe. L’infanterie de Pappenheim (2 900 hommes commandés par Reinach) apparaît sur le champ de bataille. Mais Wallenstein n’y croit plus. Il ordonne une retraite en bon ordre, couverte par l’infanterie de Reinach. Les Suédois restent maître du champ de bataille mais il s’agit d’une victoire coûteuse. Ils perdent 6 000 hommes, morts, blessés ou disparus soit probablement un peu plus que les impériaux. Et surtout, ils perdent leur leader emblématique.

 

Ordres de bataille

Remarque : pour des ordres de bataille plus détaillés, voir mes précédents articles sur les armées impériale et suédoise à Lützen (en saisissant « 1632 » ou « Lützen » dans le moteur de recherche du site).

L’armée suédoise (Gustave Adolphe) : 20 900 hommes (13 032 fantassins en 8 brigades et détachements de mousquetaires, 6 240 cavaliers en 25 escadrons, 60 canons).

Aile gauche (2980 chevaux, 1000 fantassins, 10 canons de 3 livres avec mousquetaires commandés) :

Première ligne (Bernard, 1550 chevaux, de gauche à droite) : 6 escadrons de cavalerie weimarienne et allemande des régiments Bernard de Saxe-Weimar (2 escadrons), Carberg, Domhoff/Courlande, Tiesenhausen-Livoniens et Courville, 5 détachements de 200 mousquetaires avec 2 pièces de 3 livres par détachement.

Deuxième ligne (Anhalt, 1430 chevaux, de gauche à droite) : 6 escadrons de cavalerie saxonne des régiments Hoffkirch, Anhalt, Lowenstein, Brandenstein, Steinbach et Stechnitz.

Centre (11 030 fantassins en 8 brigades de 1 350 hommes, 300 chevaux et 18 canons moyens et lourds, 24 canons légers de 3 livres) :

Première ligne (de droite à gauche) : Brigade bleue suédoise, brigade jaune, brigade « ancien-bleu », brigade verte, une compagnie de mousquetaires (écossais d’Henderson) en réserve, 4 batteries de 5 canons.

Deuxième ligne (de droite à gauche) : Brigade duc Wilhelm, brigade blanche Knyphausen, brigade Thurn et brigade Mitzlaff et escadron de cavalerie Ohm en réserve en réserve.

Aile droite (2960 chevaux, 1000 fantassins, 10 canons de 3 livres avec mousquetaires commandés) :

Première ligne (Stalhansk, 1860 chevaux, de droite à gauche) :  6 escadrons de cavalerie suédoise des régiments Stalhansk (finnois), Stoop (Västgota), Sack (Sodermanland), Silversparre (Uppland), Sperreuter (Östgota), Stenbock (Smäland), 5 détachements de 200 mousquetaires avec 2 pièces de 3 livres par détachement.

Seconde ligne (Bulach, 1100 chevaux, de droite à gauche) :  6 escadrons de cavalerie weimarienne et hessoise des régiments Wilhelm Leib, Goldstein, Bulach, Beckermann, Rostein/Dalwigt-hessois et G. Uslar-hessois.

 

Pour LM Tercios, les brigades d’infanterie suédoise sont à 1 580 hommes et les escadrons de cavalerie à un peu moins de 250 chevaux. Les 8 brigades suédoises sont représentées chacune par un modern squadron reinforced, avec une stamina de 5 (et non 3 comme dans le livre de règles). Les brigades bleu suédoise et jaune étant veteran. Les 4 brigades de première ligne ont en plus la règle regimental gun. Les détachements de mousquetaires sont représentés par 4 compagnies (2 sur chaque aile) shot company musketeers brigade rule avec regimental gun. Les 25 escadrons de cavalerie (250 chevaux par escadron) sont cuirassiers modern cavalry, l’escadron de finnois (Stalhansk) étant en plus fearless. L’artillerie est représentée par 1 canon lourd et 2 canons moyens (les pièces légères étant intégrées dans les brigades d’infanterie).

 

L’armée impériale (Wallenstein) : 12 000 hommes (8 200 fantassins en 8 bataillons, 5 250 chevaux en 17 escadrons, 34 canons)

L’infanterie est déployée en 7 brigades de théoriquement 1000 h, 900 hommes une fois les mousquetaires détachés, dont 5 en première ligne et 2 en seconde lignes.

Devant l’armée : 24 canons moyens et lourds (9 canons de 24 livres, 2 de 16 livres, 6 de 12 livres, un de 10 livres, 6 de 6 livres) plus théoriquement 1 à 2 pièce légère par régiment d’infanterie).

Aile gauche (Holk, 2 350 cavaliers dont 900 croates, compagnie de mousquetaires et 7 canons) :

4 escadrons de cavalerie en échelons, plus 3 escadrons de croates, du centre vers l’extérieur, flanquant les 3 lignes du centre : cuirassiers de Gotz, arquebusiers à cheval de Piccolomini, arquebusiers à cheval de Leutersheim, cuirassiers de Lohe et arquebusiers de Loyers en un escadron, 4 croates d’Isolano, et un petit détachement de mousquetaires (150 hommes).

Centre (Wallenstein, 7 500 fantassins en 7 brigades/bataillons, 1 050 cavaliers et 20 canons, plus réserve) :

10 canons.

1ère ligne d’infanterie (de gauche à droite) : 5 bataillons des régiments Comargo, Breuner, Breuner & Grana, Colloredo & Chiesa, Waldstein & Alt-Saxen.

2nd ligne (de gauche à droite, 2 bataillons d’infanterie et 3 escadrons de cavalerie) :   un escadron de cuirassiers de Tontinelli/Lindelo, un bataillon d’infanterie du régiment Baden, un escadron de arquebusiers à cheval de Westfalen, un bataillon d’infanterie du régiment Jung-Breuner, un escadron des cuirassiers de Breda.

3ème ligne : un escadron d’arquebusiers à cheval de Goschütz et un escadron d’arquebusiers à cheval de Westrumb encadrant un petit bataillon d’infanterie (compagnies de mousquetaires).

Aile droite (Colloredo, 1 850 cavaliers, compagnie de mousquetaires/dragons et 7 canons) :

14 canons devant le moulin.

4 escadrons de cavalerie, 1 escadron de croates et un détachement de mousquetaires/dragons (550 hommes), en échelons, avec du centre vers la droite : un escadron des cuirassiers de Holk, un escadron des cuirassiers de Trcka & Desfours, un escadron des arquebusiers à cheval de Hagen et un escadron des arquebusiers à cheval de Drost, détachement de mousquetaires et dragons (dragons de Trcka) dans Lützen.

Corps de Pappenheim :

La cavalerie de Pappenheim arrive sur le champ de bataille (par le côté de table du joueur impérial) vers midi (quelques régiments de cavalerie sont déjà arrivés et en ligne). L’infanterie de Pappenheim n’arrivant sur le champ de bataille qu’à la nuit tombée, elle n’est pas intégrée dans ce scénario*.

Cavalerie : 6 escadrons de cavalerie se décomposant en 1 escadron de cuirassiers (régiment Sparr, 300 chevaux), 2 escadrons d’arquebusiers à cheval (régiments Bönninghausen et Lamboy, 750 chevaux), 1 escadron de dragons (régiments Merode et Pappenheim, 220 à 300 hommes) et 2 escadrons de croates (régiments Batthyanyi, Forgacs, Orossy et polonais, 1 000 hommes).

*Pour information, l’infanterie de Pappenheim comprend les régiments d’infanterie Gil de Haes, Goltz, Moriamez, Pallant, Reinach et Würzburg pour un total d’un peu plus de 2900 hommes (probablement 3 bataillons de 950 à 1 000 hommes).

 

Pour LM Tercios : les bataillons d’infanterie impériaux sont à 1000 hommes,  sauf celui de troisième ligne qui est à 500 hommes, auxquels s’ajoutent et 17 escadrons de cavalerie à 310 chevaux chacun. Les 7 bataillons d’infanterie des deux premières lignes sont classic squadron modernised musket only. Le bataillon de dernière ligne, constitué de compagnies de mousquetaires, est shot company musketeers. De plus, deux des bataillons de première ligne ont un regimental gun.  Les 2 autres compagnies de mousquetaires (une sur chaque aile sont shot company musketeers). La compagnie de l’aile droite inclue les quelques dragons de Trcka (100h). Les 6 escadrons de cuirassiers sont cuirassiers large formation, les 7 escadrons d’arquebusiers à cheval sont mounted arquebusiers large formation avec pistol, les 4 escadrons de croates sont light horse. L’artillerie se décompose en 2 canons lourds et 2 canon moyens.

Le champ de bataille : vous pouvez vous inspirer de la gravure du Theatri europaei ci-dessous. Le déploiement impérial y est faux mais les éléments de terrain sont bons.

Les impériaux sont protégés par un fossé : ce fossé est  very difficult. De plus, les deux compagnies de mousquetaires (et uniquement elles) placées sur les ailes et derrière ce fossé sont considérées protected. La compagnie de mousquetaires placée à l’aile droite (dans Lützen et la maison du meunier au pied des 3 moulins) est en plus covered. Les bataillons d’infanterie et les escadrons de cavalerie, placés derrière, sont plus éloignés du fossé et ne profitent donc pas de ces couvertures.

Ci-dessous : quelques représentations de ce fossé.

Ci-dessus et ci-dessous : d’après Schürger (2015).

 

La bataille commence à 11 heures et se termine vers 17-18 heures à la nuit tombée. A Lützen, le soleil se couche vers 16h20 le 16 novembre. La partie se joue donc en 7 tours. La cavalerie de Pappenheim arrive à midi sur le champ de bataille, c’est à dire au tour 2. Les 3 bataillons d’infanterie du corps de Pappenheim arrivent au 6e tour sur un 4+ sur un dé 6 ou automatiquement au 7e tour de jeu. La visibilité se réduit à partir du tour 5 : elle est de 8 pouces au tour 5, de 4  pouces au tour 6 et 2 pouces au tour 7. Il n’est pas possible de tirer et charger au-delà de ces distances.

Stéphane Thion

Sources :

W.P. Guthrie (1953), Battles of the Thirty Years War (Greenwood Press)

R. Brzezinski (2001), Lützen 1632 (Osprey Military)

A. Schürger (2015), The archaeology of the Battle of Lützen: an examination of 17th century military material culture. PhD thesis.

La bataille de Pfaffenhoffen (1er août 1633)

La bataille de Pfaffenhoffen (1er août 1633)

Et voici une petite bataille sympathique opposant 10 000 hommes de chaque côté. Bataille d’autant plus originale qu’elle voit s’affronter les suédois de Birkenfeld au lorrains du duc Charles de Lorraine en Alsace.

A l’automne 1632, l’Alsace est envahie par les Suédois de Birkenfeld. Selestat, Benfeld et Colmar sont prises, Haguenau acceptant de son côté de loger une garnison suédoise. Mais le compte de Salm parvient à reprendre Haguenau au nom du duc Charles de Lorraine. La garnison suédoise y est massacrée. Le 2 juillet 1633, les Suédois remettent le siège devant la ville. Le duc Charles réagit, confie 10 000 hommes à Florainville et lui demande de secourir Haguenau. Par un temps orageux, Birkenfeld se détourne d’Haguenau pour affronter Florainville. Le terrain boueux, et la mauvaise volonté des paysans locaux ayant repris les chevaux servant à tracter ces pièces, oblige les Lorrains à abandonner leur canon. Pire, les Suédois occupent les hauteurs. Qu’à cela ne tienne, faisant suite à une escarmouche mal contrôlée, Florainville lance 1 200 de ses cuirasses contre la cavalerie suédoise, plus légèrement protégée. Malgré la pente et le terrain boueux, les Lorrains renversent la cavalerie suédoise, pourtant plus nombreuse.

Pendant ce temps, les nerfs de l’infanterie lorraine, accablée par le feu de l’artillerie suédoise, lâchent. Toute l’infanterie part en déroute sans avoir combattu ! Pire, l’escadron de mercenaires allemands prêté par le comte d’Hanau décide qu’il lui serait plus aisé de piller les bagages lorrains que ceux de l’ennemi…

Lorsque Florainville revient de sa poursuite, il se retrouve face à l’infanterie suédoise bien commandée par Ranzau. Florainville n’a d’autre choix que de fuir le champ de bataille, malgré l’exploit de sa cavalerie. Les Lorrains laissent plus de 600 morts sur le champ de bataille et 200 prisonniers aux Suédois. Ces derniers n’auraient perdu que 200 morts.

Les Suédois lèveront peu après le siège d’Haguenau. Lorrains et Impériaux en profitent pour reprendre Pfaffenhoffen le 9 octobre.

En 1635, Josias Ranzau passera au service de la France. Il sera nommé Maréchal de France en 1645.

Josias Ranzau

 

L’armée lorraine du duc Charles (Florainville) : 8 000 fantassins en 5 bataillons et 2 000 cavaliers en 10 escadrons

Première ligne (Florainville) : 3 escadrons de cuirassiers (200 chevaux par escadron)

Seconde ligne (Lermont, sergent de bataille) : 2 bataillons d’infanterie (1600 hommes chacun) encadrant un escadron de cuirassiers (200 chevaux)

Troisième ligne : 1 bataillon d’infanterie (1600 hommes) encadré par un escadron de dragons de Saint-Ignon) sur sa gauche et un escadron de cuirassiers sur sa droite

Quatrième ligne : Seconde ligne : 2 bataillons d’infanterie (1600 hommes chacun) encadrant un escadron de cuirassiers (200 chevaux)

Cinquième ligne : 3 escadrons de cuirassiers (200 chevaux par escadron)

Les bataillons d’infanterie proviennent des régiments de Gâtinois, de Bassompierre, de Mauleon, les autres régiments n’étant pas connus. En 1627, le duc Charles avait 7 régiments d’infanterie à sa solde : prince François, Florainville, Couvonge, Tantonville, Bonnecour, Fletcheny et Morhange. Les deux bataillons restant sont peut-être formés de deux d’entre-eux.

La seule unité de cavalerie identifiée est celle des dragons de Saint-Ignon et la compagnie des Mousquetaires de la Garde du duc Charles. En 1627, la cavalerie du duc Charles comprenait les Gardes ordinaires (200 chevaux), les gardes de la duchesse (100 chevaux), 7 compagnies de cavalerie de 100 chevaux (duc Charles, Siray, Gâtinois, Vault de Poully, Tricheteau, Bern et Endury) et trois régiments de 500 chevaux (Mouy, Fontaines et Araucourt), soit 2500 chevaux au total. Les 6 escadrons manquant proviennent probablement de certains de ces régiments ou de ces compagnies.

Pour LM Tercios, l’infanterie lorraine est Classic squadron modernised musket only, raw (au vu de son comportement !) et large squadron ; les dragons de Saint-Ignon et les mousquetaires de la Garde sont dragoons, les mousquetaires de la garde étant dragoons veteran. Les 8 autres escadrons de cavalerie sont cuirassiers. L’escadron allemand (Hanau) est cuirassiers mercenaries heavy, les 7 escadrons lorrains sont cuirassiers, heavy et fearless. L’artillerie de Florainville est embourbée donc pas de canon alignés !

 

L’armée suédoise (Birkenfeld) : 7 500 fantassins en 5 brigades et 2 500 cavaliers en 11 escadrons

Aile gauche (Birkenfeld) :

Première ligne :  4 escadrons de 225 chevaux avec 4 détachements de mousquetaires commandés intercalés.

Seconde ligne : 1 escadron de cavalerie.

Centre (Ranzau) : 5 brigades (i.e. bataillons d’infanterie) de 1200+ hommes, une partie des mousquetaires ayant été détachés sur les ailes

Première ligne :  3 brigades d’infanterie avec 2 escadrons de cavalerie intercalés entre elles. Au moins 13 canons (probablement beaucoup plus) avec une majorité de canons légers régimentaires.

Seconde ligne : 2 brigades d’infanterie.

Aile droite (Vitzthum) :

Première ligne : 3 escadrons de cavalerie avec 3 détachements de mousquetaires commandés intercalés.

Seconde ligne : 2 escadrons de cavalerie.

La composition des brigades et escadrons de cavalerie n’est pas précisément connue. L’armée de Birkenfeld comprenait, en 1633, les régiments suivants (avec nombre de compagnies théorique entre parenthèses). Régiments d’infanterie Birkenfeld (12), Red (8), Vitzthum (12), Ramsay (8), Moda (8), Ecossais (16), Burgsdorf (8), Baudissin (4), Schodiowa (4), Immel (4), Schmidt (2), Kagge (2), Uranian (16), Hanau (12), Isenburg (8) et régiments de cavalerie Birkenfeld (12), Rhingrave (10), Finnois (4), Kalkreuter (8), Pless (8), Schmidt (2), Debitz (6), Solms (8), Zilow (4), Hohenlohe (10) et Freitag (1).

Pour LM Tercios, les 5 brigades (prendre un bataillon par brigade) sont modern squadron. Les 3 brigades (s) de premières lignes ont un regimental gun. Prendre 2 unités de mousquetaires commandés shot company musketeer (un sur chaque aile), pour représenter les détachements de mousquetaires). Les escadrons de cavalerie (dont la composition n’est pas connue précisément) sont tous cuirassiers modern cavalry.

Les Suédois sont déployés sur une colline, les Lorrains sont au pied de la colline.

Stéphane Thion

La bataille d’Oldendorf (8 juillet 1633)

La bataille d’Oldendorf (8 juillet 1633)

Si, la mort de Gustave Adolphe à Lützen (1632) a affaibli le parti protestant, la Suède continue à soutenir leur cause. En Westphalie, c’est le duc Georges de Brunswick-Luneburg qui commande la principale armée suédoise. Le duc a persuadé Oxenstierna de renforcer son corps par les restes des unités présentes à Lützen, ce qui lui permet d’aligner 20 000 hommes. En 1632, Pappenheim  exploite brillamment la situation par une très belle campagne. Mais il est rappelé au sud. Il laisse Bonninghausen en Westphalie, chargé de réunir les forces impériales et de tenir les Suédois en échec. Le 7 juillet 1633, l’agressif duc George apprend qu’une armée catholique approche le long de la rive nord du Weser. Il décide alors de la stopper à Oldendorf.

L’armée suédoise, bien positionnée sur les hauteurs d’Oldendorf, sa gauche appuyée sur le village, aperçoit l’avant-garde impériale pointer le 8 juillet à 6 heures du matin. Du côté catholique, Gronsfeld et Geleen, trouvant les positions suédoises trop fortes, suggèrent que leur corps fixe l’attention des ennemis pendant que Bonninghausen les contourne par leur droite. Mais Merode n’est pas d’accord et Bonninghausen va prendre son parti. L’armée catholique se déploie donc sur les hauteurs face aux protestants.

Le combat commença à 9h30 par une attaque prudente (Geleen ne croyait pas au succès du plan de Merode) de la gauche impériale. Gellen envoie en effet ses mousquetaires, qu’il espère dissimulés, pour déborder l’aile droite suédoise pendant que sa cavalerie avance vers eux. Mais les détachements de mousquetaires et les dragons (démontés) de Kagge mettent en déroute les mousquetaires impériaux qui déroutent. Le reste des mousquetaires et dragons suédois avancent ensuite sur le reste des mousquetaires impériaux et les engage. Pendant ce temps, l’artillerie des deux camps à ouvert le feu sans que les centres d’infanterie ne s’ébranlent. Stalhansk, voulant profiter de l’avantage gagné sur son aile, lance ses escadrons sur ceux de Geleen mais ceux-ci résistent. La gauche impériale s’écroule, la première ligne déroutant sur la seconde. Le duc George ordonne alors une avance générale. Alors que Knyphausen et le reste de l’infanterie avance, l’aile gauche suédoise (plus de 4000 chevaux)  fond su la faible aile droite impériale (1300 chevaux). L’aile droite impériale s’écroule. Knyphausen ayant débordé l’aile droite, le centre impérial subit maintenant tout le feu de la ligne suédoise. Au début, Merode résiste bien. Mais il est tué en reformant ses défenses sur la seconde ligne. L’aile gauche impériale s’écroule à son tour. Alors que toute l’armée catholique est en fuite, les régiments d’infanterie Westerhold et Flamorsin sont mis en pièce. Bonninghausen laissera 3000 tués sur le champ de bataille et 1000 prisonniers.

 

L’armée catholique et impériale (Bonninghausen) : 14 350 hommes sont 9725 fantassins en 10 bataillons, 3805 cavaliers en 18 escadrons, 1000 dragons et 12 canons

Aile gauche (Geleen) : 2035 cavaliers et 1300 fantassins

Première ligne (de gauche à droite) : 4 escadrons de cavalerie des régiments Wartenburg (demi-cuirassiers), Pallant (arquebusiers à cheval) et Westfalen (cuirassiers, 2 escadrons) et 4 détachements de mousquetaires du régiment d’infanterie Geleen intercalés entre eux.

Entre les deux lignes : 1 escadron du régiment de demi-cuirassiers Horst

Seconde ligne (de gauche à droite) : 1 escadron de dragons (dragons de Merode) puis, 3 escadrons de cavalerie des régiments Quadt (demi-cuirassiers), Rittberg (arquebusiers-montés) et Mansfeld (cuirassiers) et 2 détachements de mousquetaires du régiment Geleen intercalés entre eux.

Centre (Bonninghausen) : 5225 fantassins, 100 cavaliers et 12 canons

12 canons sur le front

Première ligne (de gauche à droite) : 2 bataillons d’infanterie des régiments Barry et Merode avec un petit escadron des gardes de Bonninghausen (cuirassiers, 100 chevaux) placé entre-eux.

Seconde ligne (de gauche à droite) : 3 bataillons d’infanterie des régiments Westerholt, Westfalen et Waldeck.

Troisième ligne (de gauche à droite) : 3 bataillons d’infanterie des régiments Geleen, Reinach et Flamorsin.

Aile droite  (Gronsfeld) : 1320 cavalier et 1600 fantassins

Première ligne (de gauche à droite) : 5 escadrons de cavalerie des régiments Gronsfeld (arquebusiers à cheval, 2 escadrons), et Ohr (demi-cuirassiers, 3 escadrons) avec 4 détachements de mousquetaires du régiment Gronsfeld intercalés entre eux.

Seconde ligne (de gauche à droite) : 3 escadrons de cavalerie des régiments Mansfeld (demi-cuirassiers, 2 escadrons), et Asti (demi-cuirassiers), 2 détachements de mousquetaires du régiment  Gronsfeld intercalés entre eux, 1 escadron de dragons (dragons de Merode).

Pour LM tercios, les bataillons d’infanterie impériaux sont classic squadron modernised musket only. Pour simuler la différence de taille entre bataillons impériaux et suédois, les impériaux sont large formation. Les 12 détachements de mousquetaires sont simulés par 6 shot company musketeers, commanded shot (pour chaque aile de cavalerie, 2 en première ligne et 1 en seconde ligne). Les dragons de Merode sont dragoons (ils combattront montés durant la bataille pour compenser l’infériorité numérique de la cavalerie impériale). Les régiments de cuirassiers sont cuirassiers, les régiments de demi-cuirassiers sont cuirassiers modern cavalry et les régiments d’arquebusiers à cheval sont mounted arquebusiers. Les 12 canons sont simulés par 2 canons moyens.

 

L’armée suédoise (duc Georges) : 14 300 hommes sont 6800 fantassins en 4 brigades (12 bataillons), 7500 cavaliers en 19 escadrons et 37 canons

Aile gauche (Melander et Knyphausen) : 4 122 cavaliers

Première ligne (de gauche à droite) : 8 escadrons de cavalerie des dragons de Königsmark. et régiments de Mercier (gardes du corps hessois), Melander, Bruneck, Carberg, Saint-Andreas, Lewe (courlandais) et Stalhansk (finnois).

Seconde ligne (de gauche à droite) : 3 escadrons de cavalerie des régiments hessois de Seekirch, Dalwigk et Rostein

Centre (duc Georges) : 4 500 fantassins et 17 canons moyens et 15 canons légers

Première ligne (Kagge) : artillerie (37 pièces) et 3 brigades d’infanterie; (de gauche à droite), brigade hessoise (régiments Hesse-Cassel, Eberstein, Uslar et Geiso en 3 bataillons), brigade Knyphausen (régiments Knyphausen, Kriegbaum et Heyden en 3 bataillons)  et brigade Kagge (régiments Jaune, Bleu et Adams en 3 bataillons).

Seconde ligne (duc Georges) :  (de gauche à droite)  1 escadron du régiment de cavalerie Merode, brigade de Luneburg (3 bataillons d’infanterie des régiments duc George, et Saxe-Lauenburg), 1 escadron de cavalerie hessoise (gardes du crorps de George).

Aile droite (Stalhansk) : 1 976 cavaliers, 787 mousquetaires et 5 canons

Première ligne (de gauche à droite) : 6 escadrons de cavalerie des régiments Smaland, Uppland et Est-Gothland en 1 escadron, Sodermanland, Ouest-Gothland, Stalhansk (finnois) et dragons de Kagge, plus 4 détachements de 200 mousquetaires du régiment de Schönbeck (régiment jaune suédois) placés entre les escadrons de cavalerie avec chacun un canon léger.

Pour LM Tercios, les brigades d’infanterie sont constituées chacune de trois modern squadrons, brigade, regimental gun. De plus, la brigade Kagge est veteran. Les mousquetaires détachés  de l’aile droite sont simulés par 1 shot company musketeers, commanded shot, regimental gun. Les dragons sont dragoons. Les escadrons de cavalerie sont cuirassiers modern cavalry. Les finnois sont fearless. De plus, pour simuler la différence de taille entre les escadrons impériaux et suédois (ceux-ci sont deux fois plus gros), tous les escadrons de cavalerie suédois sont large formation. Les gardes du corps du duc george sont elite. L’artillerie est représentée par 2 canons moyens et 3 canons légers intégrés (regimental gun) dans le bataillons de pointe de chacune des 3 brigades de première ligne.

Les deux armées occupent chacune une colline, ces deux collines se faisant face.

 

Stéphane Thion, d’après W.P. Guthrie (1953)

La bataille de Kempen (17 janvier 1642)

La bataille de Kempen (17 janvier 1642)

Après la victoire de Wolfenbüttel en 1641 (voir le scénario sur le sujet), Guébriant, à la tête de l’armée d’Allemagne soldée par la France, se sépare des Suédois et repart vers la Westphalie, plus à l’Ouest. Il fait sa jonction avec les Hessois du général Eberstein qui avait fait appel à lui puis passe le Rhin à Wesel. Il est alors à la tête de 4000 fantassins, 4700 cavaliers et 21 pièces d’artillerie. L’électeur de Cologne, pour se défendre de ces « hôtes » encombrants, rassemble des troupes  sous Lamboy et fait appel au général Hatzfeld.

Le 15 janvier à 8 heures du matin, Guébriant marche avec toute sa cavalerie et deux brigades françaises sur le Landwert de Lin (probablement Lintfort aujourd’hui) où il apprend que Mercy a fait sa jonction avec Lamboy. Le 17 janvier à 8 heures du matin, Guébriant se déploit à Lin mais Lamboy est à Kempen. Guébriant part alors reconnaître les positions de Lamboy avec les dragons de Rosen. Il est suivi du reste de l’armée.

Guébriant dispose alors son armée en trois corps devant mener chacun une attaque en même temps. Le premier corps est composé de l’infanterie qu’il conduira lui-même pour forcer la digue. Le second est composé des Hessois d’Eberstein et doit donner à l’aile droite. Le troisième est composé des weimariens commandés par Taupadel et doit donner à gauche.

Arrivé à portée de mousquet, Guébriant fait tirer au canon sur les impériaux bien retranchés derrière une digue. Une partie des mousquetaires sont bien retranchés sur les parapets alors que le reste des bataillons sont alignés derrière en soutien. La cavalerie impériale est aussi placée en soutien, derrière la ligne d’infanterie. Une partie des retranchements est constituée d’une élevée de 12 pieds (3m60) derrière un fossé qui a des barrières aux deux bouts. La digue mène d’un côté à un autre fossé et de l’autre à des grosses haies qui ferment le camp.

Guébriant ordonne alors à l’infanterie de forcer les retranchements afin d’ouvrir des passages pour la cavalerie. Malgré la résistance des impériaux, barrières, haies et palissades sont abattues. La digue est prise et le canon des ennemis est retourné contre lui. Guébriant fait placé ses trois petites pièces de trois livres sur les retranchements pour accabler les impériaux. Weimariens et Hessois parviennent aussi à entrer dans les fortifications après avoir mis les barrières par terre. L’infanterie ayant ouvert la voie à la cavalerie, les escadrons weimariens, hessois et français s’engouffrent dans les brèches et enfoncent la cavalerie impériale. Guébriant, Eberstein, Ohm, Rosen, Taupadel, Wittemberg, Flerscheim et Betz font des merveilles. L’infanterie impériale est en déroute.

Lamboy  fait alors donner sa cavalerie, mais Guébriant parvient à le mettre en échec en lui opposant notamment « deux gros » escadrons de cavalerie. Tout est terminé.  Lamboy et Mercy sont prisonniers. Les pertes impériales sont supérieures à 2000 tués et 3500 prisonniers. Toute l’artillerie, 30 chariots de munitions, le bagage, 35 drapeaux et 3 cornettes restent aux mains des alliés.

Ce jour-là,17 janvier 1642, Guébriant gagna son bâton de maréchal.

 

Armée alliée (Guébriant) : 4 200 fantassins en 7 bataillons, 4 700 chevaux en 34 escadrons et 21 canons.

Armée d’Allemagne de Guébriant : 4 bataillons d’infanterie de 500 hommes chacune (2 000 hommes), 3 500 chevaux en 24 escadrons (de 146 chevaux ou 23 escadrons de 152 chevaux), 9 canons (2 de 24 livres, 4 de 6 livres et 3 de 3 livres). Deux des bataillons d’infanterie (appelés « brigades ») sont français et les deux autres sont weimariens. La totalité de la cavalerie est weimarienne mais deux des régiments sont en cours de devenir « français » (Müller qui devient Guébriant et Watronville qui devient Tracy).

Corps Hessois d’Eberstein : 2 200 fantassins et 1 200 chevaux (4 000 hommes selon une autre source) en 3 bataillons d’infanterie (de 735 hommes) et 8 escadrons de cavalerie (de 150 chevaux).  Artillerie hessoise :  12 canons soit 2 canons de 12 livres, 9 canons de 3 livres plus 1 mortier.

Aile gauche (Taupadel et Ohm, cavalerie franco-weimarienne) : 16 escadrons de demi-cuirassiers

Première ligne : 9 escadrons weimariens des régiments Russwurm (1 escadron), Guébriant (ex-Muller, 2 escadrons), Margrave (2), Taupadel (2) et Betz (2).

Seconde ligne : 7 escadrons weimariens en français des régiments Russwurm (1), Canoffsky (2), Watronville qui devient Tracy (2) et Fleckenstein (2).

Centre (Infanterie sous Guébriant, 6 600 hommes) :

Première ligne : 4 bataillons d’infanterie dont 2 weimariens (Schönbeck et Flersheim) et 2 hessois (Ross et Felberg).

Seconde ligne : 3 bataillons d’infanterie dont 2 français (Nettancourt et Guébriant) et 1 hessois (Dingen).

Aile droite (Eberstein et Rosen, cavalerie hessoise et weimarienne) : 16 escadrons de demi-cuirassiers et 2 escadrons de dragons

En avant : 2 escadrons des dragons de Rosen (démontés).

Première ligne : 9 escadrons des régiments hessois General-Lieutnant (1 escadron), Eberstein (2), La Bodie et Lessie (2) et régiments weimariens Wittgenstein (2) et Alt-Rosen (2).

Seconde ligne : 7 escadrons des régiments hessois Getse (2) et General-Lieutnant (1) et des régiments weimariens Ohm (2) et Neu-Rosen (2).

Artillerie devant le front de l’armée : 21 canons dont 2 pièces de 24 livres, 2 pièces de 12 livres, 4 de 6 livres et 12 de 3 livres.

Pour LM Tercios, tous les bataillons d’infanterie alliés (y compris hessois) sont des bataillons réformés modernisés (musket only). Les 4 bataillons français et weimariens sont veteran (Schönbeck est l’ancien régiment jaune suédois, Nettancourt est un petit vieux et ces 4 bataillons ont plusieurs campagnes derrière eux).

Les escadrons de cavalerie sont tous des escadrons de demi-cuirassés modern cavalry demi-cuirassiers (voir extension Kingdom), les escadrons français et weimariens étant veteran.  Les dragons de Rosen sont dragoons veteran.

Les 21 pièces d’artillerie peuvent être simulés par 1 canon moyen et 2 canons légers (light artillery).

 

Armée impériale (Lamboy assisté de Henri de Mercy) : 10 000 hommes en 6 ou 8 bataillons d’infanterie, 16+ escadrons de cavalerie et 9 canons.

L’effectif et les régiments impériaux sont plus difficile à déterminer.

Lamboy aurait eu avec lui 9 000 hommes et 6 canons selon une première source, 10 000 hommes selon une seconde.  Afin d’équilibrer le scénario, nous prendrons 9000 hommes dont 4500 fantassins (562 hommes par bataillon) et 4500 chevaux (en 23 ou 24 escadrons pour avoir des escadrons équivalents à ceux des français).

Suggestion de déploiement après analyse de deux plans de la bataille :

Aile gauche de cavalerie  :

Première ligne : 4 escadrons de cavalerie

Centre d’infanterie (Ladron, autour de 4 500 hommes et 9 canons) :

Première ligne : mousquetaires détachés des bataillons et 9 canons

Seconde ligne : 8 bataillons d’infanterie en échiquier (de gauche à droite : Eppe/Laisenon, Dünckel, Hammersbach, Butbergh, Leit, Saveri, Isaacq et Delbrucq) et un escadron/bataillon de dragons (entre Dünckel et Buttberg).

Aile droite de cavalerie (?) : 4 escadrons de cavalerie

Troisième ligne, derrière l’infanterie (Lamboy) : 14 escadrons de cavalerie dont (de gauche à droite) régiments Gonzaga, La Garde, Alt-Beck et La Rivière.

Autres régiments de cavalerie peut-être présents (d’après les noms des colonels fait prisonniers ou tués) : de Were, Rodan, Bruay, Rietberg, Guditsch, Grysenwyb ou Griese, Grifenay, Mordaco ou Mordaci, Henderson, Bicht, Marone, Vera, Hennin, Ohr, Fierbheimer,  Bell, Franchepani, Hund et Chritii.

 

Pour LM Tercios, les 8 bataillons d’infanterie sont scindés en deux (compagnies de mousquetaires sur le parapet, bataillon de piques en soutien). Placer les 8 compagnies de mousquetaires sur le parapet  (shot companies musketeers) et 8 compagnies de piques en soutien (pike company).

N’ayant aucune indication sur leur composition, les escadrons impériaux sont tous modern cavalry demi-cuirassiers (voir extension Kingdom).  Il est d’ailleurs très probable que la distinction entre régiments de cuirassiers et d’arquebusiers montés ne soit plus qu’administrative et que l’ensemble des régiments soient équipé comme des demi-cuirassiers (déjà, dans les années 1630s, des régiments d’arquebusiers étaient mieux équipés que certains régiments de cuirassiers). Les dragons de Gallas sont dragoons. Placer les dragons (démontés) sur le parapet avec les compagnies de mousquetaires de l’infanterie.

Les 9 pièces d’artillerie peuvent être simulées par 1 seul canon medium artillery.

Les compagnies de mousquetaires sur le parapet sont covered et protected, et l’artillerie est fortified.

Ci-dessus : déploiement des armées (le tracé en bleu représente la digue derrière laquelle les impériaux sont retranchés, les deux ouvertures représente des portes.

Pour le champ de bataille, s’inspirer de la gravure du Theatri europaei, ci-dessous entre les deux ordres de bataille, ou sur le schéma ci-dessus mais en laissant de la place sur les ailes (pour que la cavalerie puisse contourner la digue). Au total, laisser dans la digue deux portes de la taille d’un bataillon sur le front et deux portes de même taille de chaque côté (sur chaque flanc) sur chaque côté/flanc de la digue. Les deux armées étant de même taille, cela va être compliqué pour les franco-weimariens-hessois qui combattent contre des unités retranchées (protected et covered). En contrepartie, tous les bataillons et escadrons franco-weimariens sont veteran.

 

       

Ci-dessus : drapeaux du régiment Nettancourt et d’un régiment weimarien (d’après K.A. WIlke) au service de la France.

Ci-dessous : drapeau suggéré pour le régiment de Schönbeck (drapeau du régiment jaune suédois avec croix blanche  française). Il s’agit d’une supputation.

Stéphane Thion

La bataille de Wimpfen (6 mai 1622) d’après Louis de Heynin

La bataille de Wimpfen (6 mai 1622) d’après Louis de Heynin

Louis de Heynin (ou Hennin) du Cornet était mestre de camp du tercio de Heynin. Il a laissé une belle description de la bataille de Wimpfen, même si son tercio n’y a pas participé, ayant été laissé à la garde d’une ville.

La bataille de Wimpfen d’après l’Histoire générale des guerres de Savoie, de Bohême, du Palatinat et des Pays-Bas, par le seigneur du Cornet, gentilhomme belgeois.

Le 5 mai (1622), et la fête de l’Ascension, le marquis de Durlach et le bâtard de Mansfeldt ayant paru sur le midi en campagne rase, aux environs d’Heilbronn du côté du quartier de monsieur de Tilly, on lâcha les trois coups de canon, qui firent trouver aussitôt tous les soldats à la place d’armes et se mettre en escadrons. L’armée de Bavière se mit à la main gauche d’un petit bois qui était au milieu de la campagne et celle de don Gonsalvo se rangea sur la main droite et pour ce qu’il était déjà tard, ils ne se firent ce jour autre chose que se tirer trois à quatre  volées de canons et l’on passa ainsi jusqu’au lendemain, ne mangeant les chevaux, pour cette nuit, que des feuilles de ce bois.

Le lendemain, à l’aube du jour, on donna à chaque cavalier un chapeau d’avoine pour rafraîchir leurs chevaux ; puis, faisant passer toutes les troupes par-dessus ledit bois dans une large campagne rase, on les dressa aussitôt en escadrons, et en même temps posant l’artillerie à la tête des bataillons, on commença à l’instant de se canonner et avec telle continuation qu’ils demeurèrent en ce point plus de huit heures et jusqu’à ce que l’on aperçut, environ le  midi, que l’ennemi y commençait à se retirer, ne pouvant plus endurer la ruine que lui faisait notre canon.

Les soldats se désespéraient d’impatience qu’on ne l’avait attaqué et encore plus de ce qu’on ne faisait aucun devoir de le poursuivre, mais on avait crainte qu’il n’eût usé de la même feinte que fit Annibal contre les Romains, à la bataille de Cannes qu’il gagna, se mettant ledit Mansfeldt en embuscade dans un bois voisin pour, lorsque l’on viendrait aux mains, se jeter à l’improviste sur l’arrière-garde et les enserrer entre ses deux armées, ce qu’il nous eut infailliblement fait perdre non seulement la victoire, mais aussi l’honneur et le pays. C’est pourquoi ces prudents généraux catholiques voulurent être premièrement assurés de ce doute.

Ayant partant été trouvé qu’il n’y avait aucun empêchement, il fut résolu de les suivre (les ennemis) et de les attaquer, auquel effet l’on fit toucher tambours et trompettes à ce que chacun se trouvât en son escadron, et si tôt les armées se mirent en diligence de marcher. Celle de don Gonsalvo qui était distante de celle de Bavière de deux portées de mousquet s’avança la première. Son infanterie faisait trois bataillons, un d’Espagnols et les deux autres d’Allemands, les Wallons ayant été laissés pour la garde des villes, et tous rangés en un front avec deux gros de cavalerie aussi en même front, laissant toujours néanmoins distance suffisante entre lesdits bataillons, pour se pouvoir à son aise tourner, attaquer et défendre. Les harquebusiers à cheval étaient plus avancés, et les autres gens de chevaux disposés sur les ailes et au derrière, ayant au surplus à la tête quelques pièces de canons. Et de cette forme, celle de Bavière s s’étant de même mis en bataille, ils approchèrent l’ennemi, lequel ayant su leur venue les attendait de pied ferme, et tirait incessamment de son canon, au travers de nos escadrons, autant de temps qu’ils furent traversant une grande campagne pour venir jusqu’à lui, ce qui les incommoda extrêmement, mais ils n’en furent pourtant empêchés de venir aux mains.

La résolution de l’un et de l’autre était telle, qu’il ne s’est vu de longtemps un combat plus furieux, qu’ils ne firent du premier abord, à cause de quoi il s’en éleva incontinent une bruine si grande, tant de la fumée des canons, mousquets et pistolets, que de la poussière des chevaux, qu’ils furent deux grandes heures sans se pouvoir voir : chose qui nous fut bien grandement profitable pour deux raisons : l’une pour ce que l’ennemi ne nous pouvant voir ne nous faisait guère de dommage de son canon, l’autre d’autant qu’il n’en aurait pu apercevoir le désordre de quelques escadrons de cavalerie, et l’ébranlement de deux bataillons de notre infanterie allemande qui, à la fin par trop chargés de coups de canons et de mousquets, s’en épouvantèrent et se mirent en arrière.

Le bataillon espagnol donc demeurant seul d’infanterie, au milieu de la campagne, se trouva bien étonné de cette épouvante et fort en peine de tant d’ennemis, mais les Wallons de chevaux (i.e. la cavalerie wallonne) le voyant en ce terme, accoururent aussi tôt à son support, avec un gros de six cornettes et le joignirent de près, criant aux soldats de prendre courage, de continuer de combattre toujours plus vaillamment, et ne pas rompre, et qu’ils étaient venus pour les seconder et mourir avec eux ; paroles qui les animèrent tellement en leur résolution, qu’ils ne se bougèrent d’un pas et se tinrent encore le reste de cette façon longtemps d’une valeur admirable, se mettant à genou pour se mieux maintenir en leur rang et se conserver de la pluie de la mousqueterie des ennemis. Si bien que les autres en reprirent l’assurance de se rejoindre et de retourner au combat plus généreusement que jamais ; et que notre cavalerie redoublant de ce coups son courage, se trouva victorieuse de celle des Palatins et la rompit entièrement.

Le plus gros de la besogne demeura contre l’infanterie, à raison de la forte barricade qu’elle avait, et telle qu’il ne s’en était jamais vue de semblable. (…)

Le marquis de Durlach(…) usa d’une subtilité et ruse de guerre, nouvelle et inusitée ; il vous faut considérer qu’il avait une grande quantité de sapins traversés de longues broches de fer tournées vers la campagne, et posés sur des petits chariots à deux roues, menés avec un cheval et faits de plus si ingénieusement que les deux bouts de ces pièces de bois portaient chacun un petit mortier, duquel ils tiraient à chaque fois quatre balles de mousquets, et avec cette fortification, le marquis de Durlach environnait son armée et marchait en assurance, quand il en avait besoin. C’est pourquoi il tint encore si longtemps ferme, nonobstant la déroute de sa cavalerie et la perte de ses munitions de poudre, le feu s’étant mis dedans en ce renouvellement d’escarmouche.

Pour lors la barricade tirait du soleil levant (est) vers le couchant (ouest) et la face de l’armée au septentrion, et au bout de laquelle barricade, du côté du levant, était une grande batterie de douze pièces de canons, qui battaient tout le long de la face de ladite armée et en donnaient à qui en voulait approcher. Le reste de son artillerie était de plus disposé devant chaque bataillon. Ce fut pour cette cause que monsieur de Tilly traversa lors les escadrons de don Gonsalvo, et qu’il voulut les exhorter aussi d’achever avec les siens valeureusement la journée. Or comme donc chacun sur ceci se mettait en cette disposition de combattre et de les attaquer vaillamment, nonobstant ces grandes fortifications et avantages inespérés, il vint un grand bruit de l’armée, qu’on voyait une poussière épaisse s’élever en une campagne voisine. Les généraux pourtant craignant que ce ne fût quelques secours pour aider cette infanterie, firent tourner tête à la plus grande partie des escadrons vers ladite campagne ; cependant ils envoyèrent incontinent monsieur Scherrich, avec sa compagnie d’harquebusiers à cheval, pour reconnaître le tout, et lequel battant l’estrade en long et en large, ainsi qu’il lui était enjoint, et ayant rapporté n’y avoir rien vu, tous ces escadrons retournèrent face et se réunirent au même point que devant.

Jusqu’alors l’armée de Bavière n’avait encore rien fait, ayant toujours été réservée jusqu’à ce qu’il fût été nécessaire d’en user comme en cette occasion. C’est pourquoi don Gonsalvo étant de besoin de bientôt se mettre aux effets, il se trouva en ce temps à la tête de ses troupes l’épée à la main, et pria monsieur de Tilly de se disposer de même à faire avancer ses gens, et ce qu’ayant fait et donné ses ordres partout, l’infanterie de l’une et l’autre armée marcha incontinent vers le canon de l’ennemi. La cavalerie s’avança pareillement, non toutefois pour combattre, pour ce que celle de leurs adversaires était toute dissipée et ne paraissait plus (i.e. le duc Magnus de Wurtemberg, commandant la cavalerie badoise était tomber, criblé de blessures), mais bien afin de se tenir prête et attendre le temps que les chariots fussent été défoncés pour donner dedans.

Notre infanterie allant ainsi droit la tête baissée au canon de l’ennemi, ceux qui en avaient la garde voyant l’orage se venir fondre de leur côté, quittèrent leurs postes, après quelque peu de défense et s’enfuirent, de quoi une voix en courut aussitôt par tous les escadrons, que les batteries de l’ennemi étaient gagnées et ses canons saisis, bruit qui augmenta extrêmement le courage des soldats, pour ce qu’ils en avaient reçu un dommage très grand, si bien qu’ils en allèrent avec plus d’allégresse et de résolution attaquer leurs fortifications, lesquelles partant ils rompirent à la fin, foncèrent dans la place d’arme des Palatins, et les mirent en désordre.

Les escadrons de chevaux regardant cette affaire commencèrent lors à se remuer, et ayant ouï crier : « Avance cavalerie », ils se trouvèrent à l’instant à la mêlée. Toute cette grande campagne où l’ennemi était, fut aussitôt pleine de fuyards, et peu de temps après, elle fut vue remplie de tous côtés de corps morts, par la diligence grande que les soldats firent d’en faire massacre, bien qu’ils étaient fort incommodés de marcher pour la grande quantité de piques, mousquets, cuirasses et autres armes que les fuyards avaient jeté parmi la campagne, pour courir mieux à leur aise ; et furent en cette poursuite à deux grandes heures de cette place d’armes, et y gagnèrent beaucoup de belles hardes et force argent.

Toute l’armée par après logea cette nuit sur le champ de bataille, y faisant par tout des grands feux en signe de réjouissance ; et le matin venu, elle avança jusqu’une ville appelée Heilbronn.

Stéphane Thion

La bataille de Wimpfen (6 mai 1622)

La bataille de Wimpfen (6 mai 1622)

Nous sommes le 6 mai 2020. Il y a 398 ans exactement, Ligue catholique et Union protestante s’opposèrent sur le champs de bataille de Wimpfen.

Le 6 mai 1622, l’armée de la ligue catholique du comte jean Tzerclaes de Tilly et de don Gonsalvo de Cordoba (18 000 hommes) rencontre l’armée badoise de Georg Friedrich, margrave de Bade-Durlach (12 700 hommes).

Le comte Palatin ayant été fait roi de Bohême, l’archiduc Ferdinand, empereur du Saint-Empire germanique avait fait appel à l’armée de la ligue catholique commandée par le comte de Tilly. En 1620, la bataille de la Montagne blanche avait vu la défaite des protestants du « roi d’un hiver ».

Le 3 mai 1622, les corps réunis de Georg Friedrich, margrave de Bade-Durlach et Mansfeld, ayant fait leur jonction, totalisent plus de 25 000 hommes. Les deux hommes tentent alors d’empêcher Tilly et Cordoba de réunir leurs forces, sans succès. Face aux 18 000 hommes de la ligue catholique, le précautionneux Mansfeld ne se sent pas assez fort pour attaquer. Il pense alors rediviser les forces de l’union protestante en divisant les siennes. Le 4 mai, Il essaie donc d’attirer Cordoba vers Ladenburg et laisse le corps de Bade-Durlach, solidement retranché, à Wimpfen. Le lendemain, une fois Mansfeld assez loin, et après s’être assuré que cette manœuvre n’est pas un piège, Tilly, flairant l’opportunité, décide d’attaquer les Badois.

La position de Bade-Durlach est solide : des chariots de combats et ses chariots de bagage ont été disposés devant ses lignes en un demi-cercle de deux kilomètres de long. Son aile gauche s’appuie sur un petit bois et le village de Biberach alors qu’un plaine s’étend entre la droite des wagons et le village d’Ober Eisesheim (250 mètres plus loin), sur la rivière Neckar. Son dos est couvert par un ruisseau et des marais. Mais en se positionnant ainsi, Bade-Durlach a laissé les hauteurs à Tilly et Cordoba. Le margrave a placé autour de 2 000 mousquetaires détachés derrière les chariots plus six demi-canons et deux faucons. Le reste des mousquetaires sont placés dans les bois et dans Biberach. Cinq des six bataillons sont alignés à 50 mètres derrière les chariots. Le sixième bataillon (du régiment Helmstadt) est placé dans le village d’Ober Eisenheim. Un escadron de cavalerie est placé à l’aile gauche, deux escadrons entre les chariots et Ober Eisesheim, les six escadrons restant étant placés en réserve, derrière l’infanterie.

Tilly et Cordoba se déploient alors sur la colline boisée de Dornet Wadd, à deux portées de mousquet des chariots. Tilly occupe l’aile gauche de l’armée, avec quatre bataillons en première ligne, deux en seconde ligne, quatre escadrons de cavalerie sur sa gauche et deux escadrons en réserve. Cordoba tient l’aile droite, ses trois bataillons disposés en une ligne (son tercio wallon n’est pas présent) et sa cavalerie protégeant sa droite.

La journée du 5 mai se termine par quelques tirs d’artillerie et escarmouches de cavalerie. Le lendemain, une fois que ses hommes se sont bien rassasiés, la cavalerie commence la journée par des escarmouches et un duel d’artillerie s’engage. Des deux côtés, les boulets tracent des sillons sanglant dans les rangs profonds de l’infanterie. Vers 11 heures, Tilly lance sa première ligne pour tester les défenses ennemies. La seconde ligne et Cordoba avancent en soutien. A 100 mètres, les catholiques sont accueillis par un feu terrible de mousqueterie et d’artillerie qui les font reculer. Alors que Tilly reforme sa première ligne, Cordoba est informé que Mansfeld a soudainement fait demi-tour et approche. Fausse alerte.

Il est 12h30. Rassuré du côté de Mansfeld, Tilly ordonne une pause repas. Bade-Durlach en profite pour faire de même et rappelle ses mousquetaires placés dans le bois à droite. Grosse erreur : Cordoba en profite pour faire occuper le bois par ses propres mousquetaires. Bade-Durlach monte donc une attaque combinée de mousquetaires et de cavalerie (six escadrons) pour reprendre le bois, position qu’il sait stratégique. Les fiers vétérans espagnols repoussent plusieurs les attaques jusqu’à ce que, renforcés par les bataillons de Saxe-Weimar, les protestant parviennent à reprendre le bois.il est 14 heures. Tilly et Cordoba ont redéployé leur infanterie afin de mener un deuxième assaut sur les chariots. A peine ce déploiement terminé, le sol vibre sous l’impact de milliers de sabots qui trottent. Vers 14h15, Bade-Durlach a lancé, sur sa droite, une charge de cavalerie. Un mur de 2 700 cavaliers (sur les 3 300), alignés 250 de front sur six rangs, s’avance vers eux. Bade-Durlach mène le premier échelon, Streiff le second. Le régiment de cavalerie de Maestro qui tient l’aile gauche catholique est surpris : il est repoussé sur les escadrons d’Eynatten et de Schonberg. En un clin d’œil, l’aile gauche de la ligue se dissout. Streiff en profite pour faire pivoter ses escadrons à gauche. L’infanterie de Tilly se voit attaquée sur son front et son flanc gauche. La batterie d’artillerie la plus à gauche est prise. Le régiment le plus à gauche, Schmidt, réagit vite : il se forme en « couronne » et résiste ainsi, tel un fortin.

Alors que les bataillons de Tilly stoppent leur progression afin de faire face à la menace, Cordoba poursuit sa progression et arrive à portée de mousquet de la ligne de chariots. Le feu terrible de mousqueterie qui s’ensuit provoque la retraite des deux régiments allemands (Emden et Bauer). Mais le tercio de Naples, fidèle à sa réputation, tient le choc.

La charge de la cavalerie protestante s’étant épuisée, Cordoba prend la tête de ses cuirassiers wallons et leur ordonne de charger les escadrons de Streiff les plus proches… ce qu’ils refusent de faire ! Heureusement, sans soutien d’infanterie, les escadrons de Bade-Durlach et Streiff se dispersent peu à peu. Ainsi, face à une infanterie catholique affaiblie, Bade-Durlach ne saura profiter de l’occasion.

La résistance héroïque du tercio de Naples et du régiment de Schmidt vont laisser le temps aux catholiques de reprendre l’initiative. Tilly et Schonberg à l’aile gauche, Cordoba et Bauer à l’aile droite parviennent à rallier leurs unités. Il est 15h30 et Tilly lance sa contre-attaque. Alors que les arquebusiers montés de Neu-Herbersdorf et les cuirassiers wallons repoussent les escadrons éparpillés de  Bade-Durlach, le bataillon de Schmidt reprend les pièces d’artillerie perdue et le reste de l’infanterie repart à l’attaque du mur de chariots. Le duc Magnus de Wurtemberg, un des commandants de cavalerie protestante tombe, percé de deux coups de pistolets et les escadrons de Bade-Durlach rompent. L’infanterie catholique prend alors les chariots d’assaut. Un chariot chargé de poudre, malencontreusement placé trop en avant, explose sous les tirs, laissant un trou béant au milieu des retranchements. C’en est de trop pour les mousquetaires protestants qui refluent vers leur soutien d’infanterie. Alors que les deux bataillons protestants de droite et de gauche (Helmstadt et Goldstein) se forment en hérisson pour se protéger de la cavalerie, les trois bataillons du centre, pris sous le feu de l’artillerie que Tilly a retourné contre eux., se dissolvent. Goldstein et Helmstadt résistent encore mais ils seront bientôt débordés. La défaite est consommée : on compte 2 000 morts et 1 100 prisonniers du côté des protestants contre 600 morts et 1 200 blessés côté catholique. Dix drapueaux seront pris, plus 10 canons, 3 mortiers, 70 chariots de combat le bagage et 100 000 thalers en cash.

 

L’armée du margrave de Bade-Durlach : 9 400 fantassins en 6 bataillons, 3 300 cavaliers en 8 escadrons, 80 canons

Première ligne : chariots, 2 000 mousquetaires et 80 canons (70 sur les chariots de combats, 2 canons, 6 demi-canons et 2 faucons).

Deuxième ligne : 6 bataillons des régiments de (de gauche à droite) Goldstein, Saxe-Weimar, Bade, Wurtemberg et Helmstadt (2 bataillons dont un dans Ober Eisesheim) ; 3 escadrons de cavalerie (un à gauche de l’infanterie et deux à droite dans la plaine).

Troisième ligne : 5 escadrons de cavalerie.

Les escadrons sont formés à partie de 6 régiments de cavalerie sont – régiments de Gardes (Stein, 2 compagnies), du Rhingrave (7 compagnies), de Wurtemberg (duc Magnus, 5 compagnies), de Saxe-Weimar (4 compagnies), de Goldstein (3 compagnies) et de Streiff (10 compagnies) – plus 4 compagnies de lorrains et une compagnie de gardes du corps.

Pour LM Tercios : en enlevant les 2 000 mousquetaires, les 6 bataillons d’infanterie comptent 1233 hommes chacun et les 8 escadrons de cavalerie sont en moyenne à 412 chevaux chacun.

Les bataillons d’infanterie sont classic squadron (et non reformed bataillons) et les escadrons de cavalerie sont cuirassiers. Les 2 000 mousquetaires peuvent être organisés en 4 shot company, musketeers. Prendre 2 canons moyens pour l’artillerie et 10 canons légers pour les chariots, le tout retranché (covered et protected). Trois des 4 compagnies de mousquetaires sont à intercaler entre l’artillerie et sont donc aussi retranchées (fortified), la quatrième est à placer dans le bois de gauche.

 

L’armée de la Ligue catholique et d’Espagne (Tilly et Cordoba) : 13 000 fantassins en 9 bataillons, 5 000 cavaliers en 16 escadrons, 10 canons

Aile droite (Cordoba) : 4 000 fantassins en 3 bataillons, 2 100 cavaliers en 10 escadrons et 4 canons.

Extrême droite : 22 compagnies de cavalerie wallonne (Berenguer) en 10 escadrons sur deux ou trois lignes.

Droite : 3 bataillons d’infanterie du tercio de Naples et des régiments allemands d’Emden et de Bauer (4 000 hommes au total) et 4 canons (deux lourds et deux légers).

Aile gauche (Tilly) : 9 000 fantassins en 6 bataillons, 2 900 cavaliers en 6 gros escadrons et 6 canons (4 lourds et 2 légers).

Première ligne (de gauche à droite) : 2 escadrons de cavalerie du régiment de cavalerie Maestro, 4 bataillons d’infanterie des régiments Schmidt, Mortaigne, Haimhausen et Furstenberg. Un escadron de 200 croates.

Seconde ligne (de gauche à droite) : 2 escadrons de cavalerie des régiments Schonberg et Eynatten), 2 bataillons d’infanterie des régiments Buningen et Hohenzollern.

Troisième ligne : 2 escadrons de cavalerie, en échelon derrière les 2 bataillons de seconde ligne, des régiments d’arquebusiers Neu-Herbersdorf (à gauche) de cuirassiers Alt-Herbersdorf (à droite).

Pour LM Tercios : les 9 bataillons sont à 1445 hommes chacun, les escadrons de cavalerie de la ligue à 483 chevaux chacun et les 10 petits escadrons wallons à 210 hommes chacun. Pour simplifier, regrouper les escadrons wallons par deux et ne garder au total que 11 escadrons (au lieu de 16).

Le tercio de Naples est tercio viejo field square, les autres régiments (allemands et bavarois) sont tercio. Les escadrons de cavalerie sont cuirassiers sauf l’escadron Neu-Herbersdorf qui est mounted arquebusiers. Pour l’artillerie, prendre 2 canons moyens (un dans le corps de Cordoba et un dans le corps de Tilly).

Vue du champ de bataille (les protestants sont à gauche) :

Vision moins claire, le champ de bataille vu des lignes catholiques :

 

Stéphane Thion (d’après W. P. Guthrie)

La bataille de Leucate (28 septembre 1637) d’après les relations

La bataille de Leucate (28 septembre 1637) d’après les relations

Ci-dessus : Charles de Schomberg, duc d’Halluin

La bataille de Leucate, d’après les Mémoires de Richelieu, année 1637

Les Espagnols s’avancèrent le 29 août à Leucate et l’investirent, faisant état de l’emporter en moins de huit jours. Leur armée, commandée par Cerbelon, était de 10 000 hommes à pied, mais mauvais, la plupart jeunes gens que l’on menait par force à la guerre, et de 2 000 chevaux et 24 canons. ils voulurent faire passer leur artillerie par le Malpas, mais ils y rencontrèrent tant de difficultés qu’ils furent contraints de l’embarquer sur l’étang. (…)

L’armée (du duc d’Halluin) était de 11 000 hommes et 1 000 chevaux. (…)

On ordonne cinq attaques, l’une du côté du pont, qui était à main droite, au sieur de Saint-Aunais avec son régiment soutenu des communes de Narbonne, de Béziers et du diocèse de Castres, de la compagnie de volontaires commandée par le sieur de Lairon, et d’une de mousquetaires à cheval de Toulouse, commandée par le sieur de Calvet, trésorier de France audit Toulouse.

A la main gauche, près de la mer, vers un port nommé la Franquine, le régiment de Languedoc donna, soutenu par le sieur de Jonquières, Cauvisson et le baron de Mirepoix, avec chacun un corps d’infanterie qu’ils avaient amené, qui était soutenu par par M; le marquis d’Ambre, lieutenant du Roi en Languedoc, avec une troupe de ses amis particuliers au nombre de 150 gentilshommes qu’il avait amené, soutenu par le sieur de Lastrongle, guidon des gendarmes de M. le comte de Cramail qui avait amené 50 maîtres de sa compagnie.

A la main droite du régiment de Languedoc donna le sieur de Saint-André, à la tête de son régiment, soutenu par les communes de Nîmes et de Castres, soutenues par la compagnie de gendarmes du duc d’Halluin commandée par le sieur de Bioule ; après marchait le sieur de Clermont-Sessac à la tête de 50 ou 60 gentilshommes de qualité, volontaires, soutenus par le sieur de Magalasse.

A la main droite de Saint-André donna le régiment de Castelan, soutenu par un bataillon des communes de Montpellier et un de celles de Carcassonne, soutenues par le comte d’Aubojoux qui commandait la cornette blanche avec 100 gentilshommes, après lequel marchait le marquis de Mirepoix avec quelque 50 de ses amis, les sieurs de Monssolens avec le même nombre (50) de leurs parents et amis, et après le sieur de Mauléon avec même nombre (50).

A la main droite de Castelan donna le régiment de Vitry, à la tête duquel était le sieur de Clermont-Verpilliard, mestre de camp d’un régiment, et six officiers de La Tour qui étaient venus faire des recrues, dont trois furent tués et les autres blessés ; lequel régiment était soutenu d’un corps d’infanterie commandé par le sieur de Mervielle, et celui-ci par un autre commandé par le sieur de Vallac, soutenu par les gardes du duc d’Halluin commandées par le sieur Dandonville ; une autre compagnie de mousquetaires à cheval de Toulouse, commandée par le sieur de Casel, soutenus par la compagnie de chevau-légers du sieur de Boissac, à la tête de laquelle était le duc d’Halluin, laquelle était soutenue par le sieur de Sainte-Croix à la tête de sa compagnie ; après marchaient le sieur de Saussan et le sieur de Malves avec deux autres de 40 maîtres.

Sur la main droite de tous ces corps fut laissé un corps de réserve des communautés de Lodève, de Ganges et des Cévennes, soutenus par le sieur de Spondeillan avec une compagnie de 50 maîtres.

(Note : une compagnie de gendarmes comprend 100 maîtres et une compagnie de chevaux légers, théoriquement 55 maîtres).

Le signal de quatre coups de canon donné, les cinq attaques commencèrent ; celle de main droite faite par le sieur de Saint-Aunais fut repoussée, ayant été blessé d’un coup de mousquet à la tête, de huit coups de pique et d’épée, son lieutenant colonel tué et quelques autres officiers. Tous ces corps d’infanterie lâchèrent pied : aussi avait-on bien cru que cette attaque servirait plutôt de diversion que de voie pour emporter ce retranchement. Les quatre autres attaques réussirent, de sorte que les quatre régiments qui faisaient tête ne se contentèrent pas de faire passage à la cavalerie et de déloger à coups de piques et d’épées les ennemis de leurs retranchements, mais les poussèrent jusqu’à ce qu’ils eussent trouvé les divers bataillons et escadrons qui les soutenaient ; lors la cavalerie arrivant, le combat fut si opiniâtre de part et d’autre l’espace de deux heures, et la clarté de la lune semblait avoir une lueur extraordinaire pour favoriser la justice de la cause du Roi. Le régiment de Languedoc qui était à la gauche, força à coups de piques et d’épées, non seulement la ligne qu’il attaquait, mais aussi deux forts à la main gauche, ayant son mestre de camp à la tête, qui fut blessé de deux coups et fit aussi très-généreusement. Les autres corps entrèrent ensuite, les uns par les mêmes lieux, les autres par quelques endroits qu’ils avaient trouvés plus accessibles. lors le sieur d’Argencourt qui était à cheval à la tête des enfants perdus, dès qu’il y eut quelque nombre de soldats passés en forme de petites troupes, poussa avec eux les ennemis qui se présentèrent, pour donner moyen à nos gens de faire l’ouverture des retranchements qu’ils firent quitter aux ennemis après un très-long combat de main à main. Enfin lesdits régiments ayant un peu gratté et éboulé quelque chose des retranchements, le sieur de Mayola, qui était à cheval avec les enfants perdus, assura le duc d’Halluin qu’il avait vu que la cavalerie pouvait passer les retranchements, ce qui lui fut confirmé par un soldat que le sieur La Clotte, mestre de camp du régiment, et premier consul de Montpellier, lui envoya ; mais comme la cavalerie des ennemis se présenta en cet instant, quelques soldats de milice et autres, jusqu’au nombre de 2 000, se renversèrent sur lui qui était au pied de la colline prêt à monter, si bien qu’il demeura quelques temps à les vouloir rallier, mais inutilement. Craignant donc que ladite cavalerie ennemie ne poussât le reste de notre infanterie, il fit monter ses gardes, qu’il fit soutenir par la cavalerie qui se trouva là ; et comme il avait séparé sa compagnie de gendarmes et celle de Boissac aux deux extrémités de droite et de gauche, il fut contraint de se servir des volontaires. le comte d’Aubijoux avec ses amis soutint donc sesdites gardes, et les fit soutenir par le marquis de Mirepoix, qui entrèrent avec leurs amis vigoureusement, chargèrent quelque troupe de cavalerie qui se présenta (ces compagnies de cavalerie étaient en soutien du régiment de Castelan). Sesdites gardes, conduites par le sieur Dandonville et d’Essignac, firent leur salve de dix pas, et se mêlèrent en même temps dans l’escadron, où ils furent soutenus par lesdits comte d’Aubijoux et marquis de Mirepoix, lesquels, à cause de la nuit et de la vigueur avec laquelle ils suivirent les ennemis, s’égarèrent sans pouvoir retrouver le chemin du passage pour se rallier à nous. Sur ce temps-là le duc d’Halluin, voyant que le désordre continuait à l’infanterie, entra à la tête de la compagnie dudit sieur de Boissac qu’il mit à sa main gauche, et fut suivi de quelques gentilshommes qui faisaient un fort petit escadron derrière. À l’instant une troupe de 4 à 500 chevaux, commandée par Terrasse (cavalerie liégeoise), s’avança à lui ; il tourna, et ledit sieur de Boissac et lui le chargèrent avec environ 70 maîtres, en sorte qu’ils la renversèrent tout à fait. Sur ce temps-là le marquis d’Ambres, qui était entré par sa main gauche, trouva cette même troupe à sa retraite sur le temps de son ralliement, et la chargea si vertement avec le sieur de Spondeillan (réserve de cavalerie de 50 maitres), qu’ils la défirent entièrement, sauf quelque parti qui voulut retourner à eux et qui ne leur fit pas grande résistance. Ledit Terrasse était un renommé mestre de camp liégeois. Le comte Jean Cerbelon vint à un fort au-dessus du pont pour s’opposer à nous ; il n’avait de bien bonnes troupes en son armée que le régiment du Comte-duc qui était composé de toute noblesse d’Espagne et de personnes choisies dans tous leurs royaumes. Il fit sortir dudit fort 2 500 hommes dudit régiment qui vinrent en bataille, tirant par rang à notre infanterie, qui était encore dans le désordre de la première attaque, et les corps entremêlés les uns avec les autres. le duc d’Halluin appréhenda avec raison qu’ils ne branlassent, ce qui l’obligea à les aller charger avec ledit sieur de Boissac et quelques autres volontaires ; il y réussit en sorte qu’il repoussa ledit régiment jusque dans le fort d’où il sortait un feu continuel. Le duc d’Halluin, se trouvant peu accompagné, manda au sieur d’Argencourt qu’il lui envoyât des troupes qu’il ralliait d’autre côté le mieux qu’il lui était possible. Cependant il fit avancer des pelotons de son infanterie, soutenus par un corps de piques, pour déloger les ennemis d’un lieu d’où il faisait des salves continuelles qui estropiaient force monde, ne pouvant pas s’apercevoir, à cause de l’obscurité, que ces gens fussent logés dans un fort ; mais d’abord qu’ils virent avancer notre infanterie de Vitry et de Languedoc, ils vinrent au-devant d’eux par pelotons de mousqueterie, tout de même que les nôtres soutenus de piques ; et comme les Espagnols tirent infiniment mieux que nous, ils tuèrent quelques officiers et quelques soldats. le duc d’Halluin, assisté du sieur de Boissac, retourna lors à la charge où ils tuèrent quantité de d’Espagnols de coups d’épée, lesquels le lendemain se trouvèrent tous les uns sur les autres, sans avoir reculé d’un pas. Et il ne faut pas celer l’action de sept de leurs piquiers qui soutinrent douze des nôtres tout un temps, criant toujours vive Espagne ! jusqu’à ce qu’enfin les nôtres se résolurent de les enfoncer et les mirent au fil de l’épée. Ensuite et cela le capitaine Philippe Marine qui commandait un escadron, vint aux nôtres fort serré, au petit pas, et les obligea d’aller audevant de lui avec ce qui restait de Boissac, la compagnie de gens d’armes du duc d’Halluin et force volontaires, parmi lesquels étaient tous ces braves gens de la race des Monssolens, messieurs d’Annibal, de Pérault, de Clermont de Lodève, Morangé, de Mirepoix, d’Aubijoux, de Montbrun, Mense, de Bioule et le comte de Merinville qui fit merveilleusement bien. Nous nous jetâmes parmi eux avec un peu de confusion, qui nous réussit néanmoins, en sorte qu’après que les ennemis eurent fait la décharge de carabines et pistolets qu’ils portent, M. de Boissac dit au duc d’Halluin qu’il allait tuer le capitaine, à quoi il ne manqua pas ; en même temps l’escadron voulant tourner, le duc d’Halluin le prit par le flanc et le rompit entièrement. Ce régiment du Comte-duc fit une résistance inouïe, car étant percé, débandé en bande par les escadrons de Boissac et Sainte-Croix, à la tête desquels était le duc d’Halluin, se rallièrent huit ou dix fois à la faveur de leur fort, et le duc d’Halluin ralliant tout autant de fois sa cavalerie pour les défaire, de sorte que cinq heures durant, la victoire fut indécise, tantôt l’infanterie des ennemis se retirant rompue par notre cavalerie, tantôt notre infanterie pliant à partie de la cavalerie, poussée par le feu de ce bataillon, de telle sorte qu’il faisait croire que c’était plutôt toute l’infanterie ennemie en divers bataillons qu’un seul corps. Le combat dura cinq heures entières avec un feu de mousqueterie qui ne cessa jamais. Le sieur de Malves, à qui le Roi avait fait l’honneur d’accorder une compagnie de chevaux légers, fit aussi une fort belle charge à ce même régiment qui ressortit jusqu’à six fois ; et le combat fut si opiniâtre, que le duc d’Halluin, le sieur de Boissac, M. de Sainte-Croix et les gardes du duc d’Halluin, avec quelques volontaires, firent jusqu’à neuf charges contre leur infanterie et cavalerie. L’archevêque de Bordeaux qui était venu au bruit de la descente des ennemis en la province, alla prendre le régiment de Saint-Aunais, qui n’avait point réussi à son attaque, et les communes de Béziers et de Castres, et vint au duc d’Halluin criant tout haut qu’il lui amenait 4 000 hommes de pied et 400 chevaux tout frais. Peut-être que ces paroles étant entendues des ennemis les étonnèrent, car depuis ce temps-là, ils se contentèrent de continuer leur feu, sans plus faire paraître de cavalerie ni d’infanterie aux lieux d’où l’on pouvait aller à eux ; Cerbelon se retira alors avec la plupart de ses drapeaux. Ce qui fut le plus remarquable en cette occasion, fut que nos gens firent une vingtaine de ralliements contre la coutume des Français, et la compagnie du sieur de Boissac, au sortir du combat, se rassembla en un instant au premier mot dudit sieur de Boissac et de son lieutenant.

Un chacun étant demeuré tout le reste de la nuit sur ses armes et en ordre de bataille, l’obscurité depuis que la lune fut couchée étant si grande, que non seulement on ne pouvait voir les ennemis, mais on ne s’apercevait pas soi-même, quand le jour vint à pondre on discernait les ennemis fuyant, la campagne couverte de leurs corps morts et de leurs chevaux, l’étang tout couvert de gens qui se sauvaient et se noyèrent, et les diverses batteries pleines de canons dont les retranchements étaient fournis. Le duc d’Halluin marcha droit au camp de Cerbelon avec sa cavalerie, où il ne fut trouvé que sa vaisselle d’argent dans sa tente, et auprès celle de deux autres chefs, et l’argent de l’armée qui fut bientôt séparé, dix drapeaux et deux cornettes de cavalerie, qui furent les seuls qu’ils arborèrent, les tranchées vides, les batteries de l’attaque et les parcs de l’artillerie, et tout ce qui était des munitions des ennemis en si bon ordre, qu’il était facile à juger qu’ils n’avaient pas eu grand temps à se retirer, 32 pièces de fonte, 4 mortiers, 300 quintaux de poudre, 5 ou 600 de plomb, 7 ou 800 de mèches, 5 ou 6 000 boulets, autant d’outils pour la terre, 100 chariots attelés de mulets et boeufs, et une prodigieuse provision de chevilles et divers bois, témoignant bien que leur audace leur faisait penser à de plus grands desseins que leurs forces ne purent entreprendre. Nous y perdîmes beaucoup de noblesse et de soldats, mais les ennemis, sans comparaison, beaucoup davantage ; il en demeura des leurs 2 500 et près de 1 000 qui se noyèrent dans l’étang ; on en trouva plus de 1 300 morts sur le terrain, entre lesquels il y en avait un très-grand nombre de qualité. (…)

Quand Cerbelon avec ses troupes fuyardes arriva à Perpignan (alors ville d’Espagne), la ville eut peine à le recevoir : l’effroi était si grand qu’il leur semblait que l’armée du Roi les suivait en queue pour les attaquer partout où elles se retireraient ; néanmoins, parce qu’elle était presque toute composée de communes, elle ne passa pas outre, chacun étant si content de la victoire que Dieu lui avait donnée, que la plus grande partie se dissipèrent et se retirèrent chez eux. Le duc d’Halluin eut soin de combler les tranchées et les travaux des ennemis, de réparer Leucate et la munir d’hommes et de tout ce dont elle avait besoin pour la défendre.

 

La bataille de Leucate d’après le Mercure François de 1637

Comme si les assiégeants & les assiégés employaient toutes choses, les uns à leur attaque & les autres à leur défense, le duc d’Halluin recherchait toute sorte de moyens pour se mettre en état de combattre les ennemis. Et à cet effet il envoya des courriers aux chefs de l’armée navale du Roy, qui était en Provence, pour la faire avancer du côté de Leucate, jugeant que par ce moyen le secours était infaillible. les chefs de cette armée répondirent suivant les ordres qu’ils avaient du Roy, qu’ils seraient très aisés d’agir en cette occasion contre les ennemis de l’État, si les vaisseaux de leur armée trouvaient des ports en Languedoc capables pour les recevoir, & des rades où ils pussent être en sûreté.

L’archevêque de Bordeaux poussé par le zèle du service du Roy, ne se contenta pas de répondre par lettre à cette semonce, il vint lui-même en poste & arriva le 10 septembre à Béziers avec le pilote Real, le major et autres officiers de l’armée navale. Leur arrivée apporta une très-grande joie, par l’espérance qu’ils donnaient que toute la noblesse de Provence se devait embarquer, avec le régiment de Vailhac pour venir au secours. Mais ce plaisir ne dura que jusqu’à ce que les officiers de l’armée navale eurent reconnu le port d’Agde, la Nouvelle, & quelques autres lieux. Car ayant rapporté qu’il n’y avait ni fonds pour les grands vaisseaux, ni sûreté pour les galères, l’ont reconnu qu’il ne fallait plus s’attendre au secours de la mer, & que Dieu voulait que pour la gloire du Languedoc, l’action fût exécutée par les seules forces de la province, sans l’assistance des étrangères. Ce qui fit davantage presser la levée des troupes, pour la subsistance desquelles dans une assemblée convoquée par le duc d’Halluin, des prélats, barons, & villes plus proches de la frontière qui ont droit d’entrée aux États du Languedoc, & tenue à Béziers le 11 du mois de septembre, il résolut que la province fournirait 50 000 écus pour le secours de Leucate. En cette assemblée présidait l’archevêque de Narbonne, lequel a durant toutes ces occasions agi avec très-grande vigueur, pour délivrer la frontière de l’invasion des Espagnols, & mettre Narbonne en état de résister à leur effort, si leucate n’eut pas arrêté le cours de leurs entreprises. (…)

Il (le duc d’Halluin) fit la première revue de ses troupes le 22 septembre dans la plaine de Coursan, où se trouvèrent 9 000 hommes de pied, & 7 à 800 chevaux, auxquels il fit passer le canal d’Aude, sous les bastions de Narbonne, à la faveur d’un pont de bateaux, & le 23 il vint avec cette armée camper à Sigean, où elle séjourna le 24 afin que d’autres troupes que l’on savait approcher la pussent joindre. Aussi durant ce jour il arriva un renfort de 1 200 hommes de pied & 200 chevaux. Et bien que l’on fut assuré, par les routes données aux troupes qui se levaient aux quartiers de la province les plus éloignés, qu’il y avait encore plus de 6 000 hommes de pied & 500 chevaux qui venaient de diverses parts, le duc d’Halluin ne fut pas d’avis de les attendre, jugeant par la bonne résolution des troupes qui étaient près de lui, que c’était leur faire tort que de leur différer la gloire d’une bataille dont leur courage semblait lui promettre la victoire.

Le 25 au matin, l’armée fut divisée en avant-garde, bataille, & arrière-garde, & le duc d’Halluin prit le soin de former ces corps, pour les rendre de force proportionnée à son dessein. il fit partir sur l’heure l’avant-garde & la bataille composée de 7 500 hommes de pied & 400 chevaux, commandés par Argencourt maréchal de camp, avec ordre de camper à la plaine de Roquefort, & de sommer le château occupé par les ennemis, qui se rendirent la vie sauve, & le bâton blanc à la main, bien que l’assiette du château, & le nombre des hommes qui étaient dedans, fussent capable d’amuser notre armée quelques jours.

Le soir du 25 l’on avertit les assiégés, par le dernier signal de six feux allumés, sur le haut du mont de Desferrecaval, qu’ils verraient le lendemain le secours devant la place. Ces feux furent les avant-coureurs de ceux que la joie publique a fait allumer dans toute la France (…) Dès les quatre heures du matin notre général le duc d’Halluin partit de Sigean, menant avec soi l’arrière-garde, & la noblesse volontaire qui était demeurée pour l’accompagner, & joignit l’avant-garde & la bataille que Argencourt rangerait sur le haut de Desferrecaval ; & l’arrière-garde y ayant été ajoutée, l’armée se trouva composée de 11 000 hommes de pied, & de 1 000 chevaux.

Cette armée marcha en bataille depuis Desferrecaval jusqu’aux cabanes de la Palme, où il y avait trois compagnies de cavalerie des ennemis en trois escadrons, que les barons de Pujol et Dupré escarmouchèrent avec quelques volontaires ; elles se retirèrent chargées par les Gardes du duc d’Halluin, & 6 cornettes de leur cavalerie qui venaient de Fitou pour les soutenir, tournèrent tête & se retirèrent dans les retranchements de Leucate, laissant toute la plaine libre à nos troupes, qui continuèrent leur chemin sur la droite pour gagner le terrain qui leur était nécessaire, afin qu’en tournant après à gauche toute l’armée se trouvât en front des retranchements, à la vue desquels par le plan des approches que le duc d’Halluin avait réglé toutes nos troupes se présentaient à la fois, si bien que les ennemis ne pouvant juger de leur hauteur, l’armée leur paraissait deux fois plus grande qu’elle n’était. La compagnie des Gardes fut commandée de visiter les avenues du camp, suivie de la cavalerie qui était à l’aile gauche ; celle de la droite, commandée par Boissat, ayant été placée sur la venue de Fitou, afin que s’il y avait encore de la cavalerie ennemie, comme la plus grande partie avait accoutumé d’y camper pour la commodité des eaux, elle ne vint donner quelque diversion aux troupes lorsqu’elles seraient devant le camp des ennemis.

Le comte Serbellon voyant approcher notre cavalerie, fit semblant de vouloir détacher la sienne, pour escarmoucher à la faveur de ses forts ; mais les premiers qui sortirent des rentranchements ayant été vivement poussés par Andonville & Designac capitaine & lieutenant des Gardes, ils souffrirent que le duc d’Halluin reconnut le camp & ses avenues avec le marquis d’Ambres, le marquis de Varennes & Argencourt maréchaux de camp, Mayola lieutenant des Gardes de son éminence, le comte de Merenville, & Saint-André qui furent nommés par le général, pour l’accompagner en cette action, sans que la cavalerie des ennemis osât paraître pour les pousser, voyant que la moitié de la nôtre s’avançait pour les soutenir. Le canon des ennemis ne fut pas en cette rencontre si oisif que leur cavalerie, car tout ce qui était dans les forts tira sur la notre, tandis qu’elle fut dans la portée de leurs pièces ; & lors que les chefs & officiers de l’armée voulurent reconnaître de plus près les retranchements, le feu qui sortait des courtines & des redoutes fit juger qu’elles étaient gardées par un grand nombre de mousquetaires ; trois volées de canon donnèrent dans l’escadron du marquis d’Ambres, qui tuèrent le vicomte de Monsa & travanet, & blessèrent Jonquières de Narbonne.

Tout cela n’empêcha pas que le Duc & ceux qui l’accompagnaient ne reconnussent de bien près l’enceinte du camp des Espagnols, ils trouvèrent que leur travail avait été dessiné dans l’assiette la plus dangereuse qui se pouvait imaginer, car il occupait toute la sommité du front de la montagne qui regarde de la France, depuis le bord de l’étang de Leucate, jusqu’au port de la Franqui. Les retranchements étaient selon l’ordinaire composés de forts, lignes, tenailles & demi-lunes ; & là où la forme de la montagne les avait obligés à tirer des lignes droites, ils avaient avancé de grandes redoutes pour les flanquer. Outre les lignes de circonvallation, ils avaient fait un grand travail au dedans pour fortifier leur champ de bataille, qui était sur le haut de la montagne dans une belle esplanade derrière leurs retranchements, là où ils avaient dressé des forts dont l’ouvrage était merveilleusement beau, quoique la forme en fût irrégulière & assujettie aux éminences qu’ils avaient voulu occuper. La hauteur de ce travail était de huit à neuf pieds, plus ou moins relevé suivant que les lieux en étaient plus ou moins accessibles ; derrière il y avait des banquettes, & en quelques lignes là où il s’était trouvé du terrain qui peut être creusé. La matière de cet ouvrage était de pierre, de terre, & de fascine fort bien liés ensemble, avec pieux qui fortifiaient le travail, lequel était tellement accompli, qu’il n’y avait pas jusqu’aux banquettes & au glacis des parapets, qui ne fussent en leur perfection ; ils avaient encore fait des retranchements au bord de la mer & de l’étang partout où les barques pouvaient aborder, afin d’empêcher la descente d’un secours si les Français le voulaient hasarder sur les barques ; mais comme ces forts ne furent pas attaqués, serait inutile d’en écrire le travail. Ce qui rendait l’attaque de celui qui était à la tête de la montagne grandement périlleuse, c’était son assiette, car il occupait tous les bords du haut de la montagne, & tenait toutes les avenues, sous un commandement meurtrier en telle façon que par tous les endroits où l’on pouvait se présenter, soit aux lieux où la roche était escarpée, soit à ceux où la pente plus douce pouvait favoriser l’accès à notre cavalerie, depuis que l’on était à la portée de leur canon, jusqu’au pied de leur travail, il n’y avait arbre ni buisson, fossé, chemin, rocher, ni masure, qui pût mettre un soldat à couvert, ni donner moyen aux assaillants de loger quelque corps pour faciliter les approches du reste des troupes.

Toutes ces difficultés donnèrent sans doute un grand déplaisir à ceux qui les reconnurent, lesquels ayant jugé que l’attaque de ces forts ne pouvait être faite qu’avec un ordre bien concerté, l’armée vint camper aux cabanes de la Palme, où le Conseil de guerre fut tenu, & dans les irrésolutions que les impossibilités apparentes du secours causaient, il fut délibéré que le lendemain les principaux officiers des corps d’infanterie iraient reconnaître le camp des ennemis, & que cependant l’on sommerait la Palme, comme très-nécessaire à notre armée, tant à cause des fourrages que les ennemis y avaient retirés, que pour les eaux dont l’armée était fort incommodée, n’y ayant qu’un seul puits aux cabanes de la Palme. ceux qui tenaient la place ayant été sommé de la rendre, répondirent qu’ils avaient promis fidélité à leur Roy, & Dubourg, qui avait été premier capitaine au régiment de Picardie, eut commandement de les investir, avec les milices de Narbonne, commandées par Dassignan, & un régiment de 800 hommes que le baron de Ganges avait conduit à l’armée, avec ordre d’y amener deux pièces de canon pour les forcer en cas de résistance, ce qui obligea les assiégés de prendre composition, avoir que sept des officiers principaux emporteraient leurs armes ordinaires, & les soldats l’épée seulement avec leur bagage, réservé le butin qu’ils avaient fait, lequel ils promirent de laisser dans la place.

Cette reddition par un rencontre miraculeux fut faite le 27 septembre, qui est le jour très-fortuné de la naissance du Roy…

Durant que les troupes destinées au siège de la Palme pressaient la garnison espagnole à se rendre, les principaux officiers du reste de l’armée s’avancèrent vers les retranchements des ennemis, pour découvrir les avenues qu’ils jugeraient plus accessibles. Le général voulut lui-même reconnaître encore un coup le camp des Espagnols, & ayant mis en bataille toute la cavalerie de l’armée pour soutenir ceux qui reconnaîtraient, il approcha les retranchements à la portée de la carabine ; mais les ennemis prenaient telle assurance en leurs fortifications, qu’ils ne donnèrent aucun ennui à ceux qui les vinrent reconnaître, & tirèrent fort peu sur eux, témoignant qu’ils été aises que les Français vissent leur ouvrage, & croyant que cela les dégoutterait de l’attaquer, aussi le rapport de nos officiers après cette reconnaissance ne produisit autre chose que de nouvelles raisons pour appuyer les difficultés qui avaient été objectées au précédent conseil. Ce qui donna un extrême déplaisir au duc d’Halluin d’avoir fait une si belle levée de gens de guerre, & plus grande que pas un gouverneur auparavant lui, sans autre effet pour le service du Roy, que de retourner vers Sigean, & loger l’armée ès lieux voisins, pour empêcher simplement les progrès des ennemis, sans espérance de secourir Leucate. Et comme sa générosité ne pouvait souffrir les expédients que l’on proposait de bâtir des forts, & faire subsister un corps d’armée pour les garder, en un mot d’entretenir la guerre en son gouvernement, aimant mieux la finir par un généreux combat, & rendre au Languedoc la paix & tranquillité que cette invasion lui avait ôtée, il découvrit  à Argencourt le dessein qu’il avait de hasarder une attaque générale contre les retranchements des ennemis, sur la confiance qu’il avait au bonheur des armes du Roy, & lui fit entendre qu’il avait remarqué du côté de la Franqui, des avenues en la montagne aisées pour la cavalerie, & que si l’infanterie se pouvait saisir de la ligne des tranchées ennemies, & y faire quelque ouverture, il ne faisait pas difficulté qu’il ne forçat les Espagnols dans leur camp, & ne les défit.

Il ne faut ici passer sous silence une particularité, qui a été couchée sur la relation imprimée à Montpellier, où l’on dit qu’après la reddition de la Palme, Argencourt avait pris une casaque de Carabin, & s’était mis parmi ceux qui en escortèrent la garnison au camp des Espagnols, & que sous cet habit il avait reconnu leurs retranchements, & quoique mon honneur ne sait pas de pointiller sur  les relations dressées avant celle-ci, je suis obligé de ne laisser point aller cette circonstance, sans dire qu’elle avait tort à la franchise de celui que l’on feint s’être revêtu ; car outre qu’il y avait beaucoup à dire au déguisement d’un maréchal de camp, il est très certain que durant les deux jours que le général a fait reconnaître les retranchements, le courage d’Argencourt les lui fit voir de plus près que cette escorte ne les aborda, & qu’il n’avait pas besoin de cet artifice pour en rendre son jugement ; aussi ceux qui savent la défiance des Espagnols ne croiront pas qu’ils aient souffert l’abord d’une escorte si près de leur travail.

Tant y a qu’Argencourt bien instruit de l’état des tranchées ennemies, pour les avoir reconnues en maréchal de camp, & non pas en carabin, sur la proposition qui lui fut faite par le général, forma le plan de cette entreprise, fit le département des troupes pour donner par cinq endroits, & les ordres nécessaires pour l’attaque, & après les avoir mûrement digérées & consultées avec le duc d’Halluin, il les proposa le lendemain matin 28 septembre devant les archevêques de Bordeaux, & de Narbonne, les évêques de Béziers, Agde, & Albi, le marquis d’Ambres, & de Varennes, les comtes de Vieule, d’Aubijoux, de Clermont, de Lodève, de Merenville & de Boissac, qui louèrent & approuvèrent cette provision, & dès l’heure même les ordres en furent donnés & exécutés avec tant de générosité & de bonheur, que l’effet avantageux s’en est ensuivi la gloire de la Nation & la honte de ses ennemis. 

Sur le projet de cinq attaques, Saint-Aunès demanda celle qui devait être faite entre la montagne et l’étang, son courage lui ayant fait choisir cette avenue, comme la plus dangereuse et fortifiée, elle lui fut accordée, et pour soutenir son régiment, furent commandées les milices de Narbonne, de Béziers, et du diocèse de Castres, la compagnie des volontaires du baron de Leran, & une des dragons de Toulouse, commandée par Calvet.

L’attaque de la main-gauche vers un port nommé la Franqui, fut donnée au régiment du Languedoc, soutenu par Jonquières Cauvisson, & le baron de Mirepoix, avec chacun un corps d’infanterie  qu’ils avaient amené, ceux-là étaient soutenus par le marquis d’Ambres, avec une troupe de ses amis particuliers au nombre de 150 gentilshommes, soutenu par le sieur Lastronques, guidon des gendarmes du comte de Carmail, qui avait amené 50 maïtres de sa compagnie, & d’Espondillan avec une compagnie de 50 maîtres, que les premières relations ont par erreur logé à la garde du camp ; quoi qu’il ai paru des premiers dans le champ de bataille des ennemis.

A la main droite du régiment de Languedoc donna Saint-André à la tête de son régiment soutenu par les milices de Nîmes, & celle de la ville de Castres, soutenus par la compagnie des gendarmes du duc d’Halluin, commandée par le comte de Vieule, après lequel marchait le comte de Clermont de Lodeve à la tête de soixante gentilshommes.

Le régiment de Castelan fut commandé de donner à la droite de Saint-André, soutenu par un bataillon des milices de Montpellier, et un de celles de Carcassonne, soutenus par le comte d’Aubijoux qui commandait la cornette blanche avec cent gentilshommes, après lesquels marchait le marquis de Mirepoix avec 50 de ses amis, & Moussolens avec même nombre de ses parents, & après Mauleon avec pareil nombre de ses amis tous gentilshommes volontaires.

Le régiment de Vitry à la tête duquel était Clermont, Vertillac, & le baron de Murviel, Maistres de Camp des deux régiments, eut l’ordre de donner à la main droite de celui de Castelan, & devait être soutenu d’un corps d’infanterie de Murviel, & celui-ci d’un autre commandé par Valat soutenu par les Gardes du duc d’Halluin, commandés par Andonville, & une compagnie de mousquetaires à cheval de Toulouse, commandée par Catel, soutenue par celle des chevaux légers de Boissat, & celle-ci par le marquis de Sainte-Croix à la tête de sa compagnie, après laquelle marchaient Saussan & Malves, avec deux autres de quarante maîtres.

Outre ces troupes destinées pour assaillir les retranchements des ennemis, il en fut réservé plusieurs autres pour la garde du camp, & particulièrement les milices de Lodève & des Cévennes, dont les chefs reçurent un extrême déplaisir de se voir réduits à ce parage désavantageux, & demeurer oisifs, tandis que le reste des troupes combattaient.

Le département des troupes ayant été ainsi désigné, le duc d’Halluin le mit en bataille, & fit distribuer à celles qui faisaient la tête des attaques, nombre d’échelles, de fascines, de picquots & de pailes, pour écheler le retranchement des ennemis, combler les fossés, & faire quelque ouverture à la cavalerie. Et afin qu’il ne manquât rien à la solennité de l’action, il mit quatre canons à la tête des troupes, avec ordre de les placer au bord de l’étang de Leucate, à la gauche de la grange des Fenals, pour de là tirer quelques volées dans le camp des ennemis, comme s’il eut été assuré de la victoire, & que pour accomplir la gloire de la bataille, il voulut que l’on put dire que le combat avait été de toutes les forces d’une armée contre une autre, & que le canon avait joué des deux côtés. Cela même devait servir un autre dessein, parce que les quatre premières vollées de notre canon devaient donner le signal du combat. il est impossible de s’imaginer l’impatience avec laquelle ces troupes attendaient le soleil couché, pour marcher vers l’ennemi, ayant appris qu’il avait été résolu de n’aborder leur retranchement que sur le tard, pour empêcher les ennemis de voir où ils auraient plus nécessité de courir durant l’attaque, & pour ôter à leur canon, & à leurs mousquetaires le moyen de tirer avec tant de certitude, lors que notre armée ferait ses approches.

Au point que le soleil se coucha l’on reconnu une joie générale qui s’épandit par toute l’armée, comme si chacun avait pressenti, nonobstant l’impossibilité apparente du dessein, le fortuné succès qui devait réussir, & le coucher de soleil fut adoré comme l’orient de cette belle victoire, que par un présage miraculeux toutes les rencontres faisaient espérer de la hauteur du ciel, & de cette puissante vertu, que le dieu des batailles a mis dans les armes victorieuses de notre Roy… Le combat en a été commencé le 28 (…)

Soudain après que le soleil fut couché, l’armée marcha vers les retranchements des ennemis avec telle gaieté, que les enfants perdus qui avaient été détachés de leurs corps, chargés comme ils étaient d’échelles & de fascines, allaient chantant des vers qu’ils avaient composés en langage du pays, contre le duc de Cardone & le comte Serbellon. Cependant le duc d’Halluin suivait les bataillons d’infanterie pour les encourager, & marquer aux enfants perdus les endroits où ils devaient donner, & aux troupes qui les soutenaient l’ordre qu’elles devaient tenir dans le combat, ce qu’il fit avec une si grande adresse, que tous ceux qui furent présent à cette action remarquèrent que jamais l’armée n’alla en plus bel ordre en présence des ennemis, lesquels n’entendaient pas seulement nos tambours, & nos trompettes, mais encore ils voyaient de leurs retranchements venir nos troupes à eux avec le canon en tête, & pouvaient remarquer à la disposition de l’armée, les endroits par lesquels on les voulait attaquer, & par les échelles le dessein qu’on avait de forcer leurs murailles ; & à dire vrai ils reçurent l’affront tout entier, & leur fierté ne pouvait souffrir une bravade plus signalée, que d’être battus comme ils furent à coups de main, sans ruse, sans artifice, & sans surprise, par des troupes qui allant à eux leur faisaient reconnaître l’ordre de l’attaque & leur résolution.

Au partir du quartier l’on avait jugé que la distance qui était entre les deux camps était assez grande pour employer en avançant l’armée, le temps qui était entre le coucher du soleil & la nuit, & ne présenter nos troupes au canon de l’ennemi, que l’obscurité ne lui eut ôté l’avantage que le pays découvert lui donnait. Néanmoins la chaleur des troupes fut si grande, qu’elles arrivèrent au pied de la montagne lors qu’il faisait encore bien clair, ce qui restait du jour étant aidé de la clarté de la lune. Et sans attendre le signal de notre canon, les enfants perdus qui faisaient la pointe de l’attaque se débandèrent pour donner dans les premiers corps de garde des ennemis, encouragés par la présence & commandement du duc d’Halluin, lequel non content d’avoir fait le général, le maréchal, & aide de camp dans le département des troupes, dans l’ordre de leur marche & dans leur conduite, il voulut encore faire la fonction de capitaine des enfants perdus s’étant mis à leur tête, pour leur inspirer par son exemple la fermeté d’essuyer les premières décharges du canon & du mousquet. Et sans doute ceux qui étaient aux premiers rangs de l’attaque furent fort animés de voir leur général aller au-devant d’eux, jusqu’à les engager dans les escarmouches, était suivi en cette action, comme il fut durant tout le combat, du comte de Merenville, qui rendit dans toutes les rencontres de cette bataille, de grandes preuves de sa valeur, & de Villy gentilhomme du duc d’Halluin, lequel donna un grand témoignage de sa générosité, car ayant reçu dans le premier choc de la cavalerie ennemie, un coup de pistolet dans le bras, il n’abandonna jamais son maître, le suivit toujours dans la mêlée & dans le péril, & ne voulant pas même se retirer pour faire mettre le premier appareil à sa plaie, jusqu’à ce qu’après le siège levé il fut pansé dans le donjon de Leucate.

L’infanterie grimpa par cette montagne nonobstant la grêle des mousquetades, & la furie de 18 canons, au même ordre qu’elle était venue dans la plaine, ce qui faisait paraître le coeur & l’expérience des officiers de l’armée, parmi lesquels le marquis de Varennes premier maréchal de camp se signala, & tout malade qu’il était voulut se trouver à la bataille, où il agit vigoureusement, comme si l’ardeur de la fièvre qui le travaillait eût été un effet de son courage, & non pas de sa maladie. Argencourt qui était le second maréchal de l’armée, fit paraître en cette rencontre que son adresse en la conduite, & son courage en l’exécution allaient au-delà de la bonne opinion que toute la France a conçu de lui, l’ayant depuis longtemps reconnu pour un des plus savants hommes du royaume, tant pour les ordres d’une armée, que pour l’attaque & la défense des places. Les trois aides de camp, la Faverie, le Bose de Rocles, capitaine au régiment de Languedoc, & de Rupere lieutenant de la citadelle de Montpellier, gagnèrent beaucoup d’honneur à conduire les troupes dans les attaques, à les animer au combat, & à les rallier durant la mêlée.

Il fut bien difficile de garder l’ordre en montant, parce que la nature du rocher qui était en beaucoup de lieux, resserrait les troupes dans les avenues dont l’accès était plus aisé ; & il est impossible d’exprimer le péril où nos soldats étaient durant les approches, car le feu de 6 000 mousquets, qui défendaient la ligne attaquée, fut entretenu par les Espagnols avec un si grand ordre & diligence, qu’il faut leur donner la gloire de tirer des armes à feu tous les avantages possibles. La cavalerie française n’était pas exempte de ce danger, car ayant reçu commandement de serrer les derniers rangs de l’infanterie, tous les escadrons étaient dans la portée du mousquet. Et il y avait de quoi s’émerveiller du petit nombre d’hommes que nous perdîmes en ces approches, durant lesquelles toute l’armée fut bien près d’une heure exposée au canon & au mousquet de l’ennemi, qui tirait avec d’autant plus d’assurance, qu’il était à couvert dans ses forts, & avait pour visée de si grands corps de cavalerie & d’infanterie, que les coups en semblaient infaillibles. Un vent de nord qui s’éleva fort impétueux au commencement de l’attaque, incommoda fort les mousquetaires espagnols, il portait le feu & la fumée dans leurs yeux, ce vent en langage du pays est appelé Vent droit, & le secours que nos troupes en reçurent faisait croire que la justice du ciel l’envoya pour favoriser notre bonne cause.

Tandis que les Espagnols faisaient leur effort d’empêcher par leurs mousquets & leur canon l’abord de leurs retranchements à nos troupes, elles montaient toujours par la pente de la montagne avec grand silence, sans que l’in entendit autre parole que celles qui encourageaient à marcher & avancer. Et notre infanterie étant arrivée au pied de la muraille des ennemis, l’on vint soudain aux piques & aux épées, & la chaleur fut si grande, que nos soldats coupaient les pieux qui liaient le travail des tranchées, & avec les piques & les épées fouillaient dans les murailles, pour ébranler les pierres, qu’ils s’efforçaient d’arracher avec les mains. Les autres plantaient les échelles, & comme les ennemis leur voulaient défendre l’entrée, ils abattaient avec les pics les glacis des parapets, pour découvrir leurs mousquetaires, & faire brèche à leurs retranchements. Il y en eut de si déterminés, qu’ils allèrent dans les embrasures du canon, & malgré ceux qui les défendaient s’attachèrent aux roues des couleuvrines, & en jetèrent quelques-unes hors des tranchées, par ce moyen les embrasures que les Espagnols avaient faites dans les flancs de leurs tenailles, & dans les épaules de leurs redoutes, pour en défendre les lignes, servirent à nos soldats de brèche pour les forcer.

Si on en croyait la prudence de ceux qui choisirent la nuit pour favoriser le dessein de cette bataille, on se plaindrait du tort que ces ténèbres firent à la gloire de tant de vaillants hommes (…) & parce que toutes les troupes qui furent commandées à l’attaque de la montagne, donnèrent en même temps, & avec pareille vigueur, il est très-mal aisé d’en discerner par ordre les premiers avantages, ni de rapporter toutes les belles actions, que les chefs & les troupes firent chacun en particulier… (…)

Il est vrai que parmi les diversités des relations, l’on demeure d’accord que les troupes de la main gauche, où était le marquis d’Ambres, entrèrent les premiers du côté de la Franqui, & que celles de la main droite trouvèrent plus de résistance, & combattirent  plus longuement, dont il semble  qu’il est bien aisé de rendre raison : parce  que le campement des ennemis étant à la main droite, la plus grande partie de leurs troupes s’y étaient retirées, & de là combattaient avec plus de vigueur contre les attaques plus proches de leur campement ; au lieu qu’elles n’osaient pas s’écarter pour défendre la montagne de la Franqui, comme trop éloignée du gros de l’armée. Il est aussi véritable que l’on donne la gloire au régiment de Languedoc, d’avoir le premier forcé à coups de piques & d’épées, non seulement la ligne qu’il attaquait, & toutes les redoutes, mais encore le fort Royal de la Franqui, qui était sur  sa main gauche, à l’extrémité de toutes les attaques.

Ce régiment avait été divisé en deux bataillons, pour donner par deux divers endroits en même temps : le bataillon de la main droite fut attaqué par les ennemis qui sortirent de leurs retranchements par l’épaule de l’une des redoutes, mais ils furent si bien accueillis par les nôtres, qu’ils furent obligés de leur servir de guides, & leur apprendre le chemin par où ils pourraient entrer dans leur camp ; & comme leur sortie fut vigoureuse, & soutenue courageusement par les nôtres, ils furent d’abord aux mains, & mêlés en telle façon, que les ennemis se voulant retirer, ne purent empêcher que les Français n’entrassent confusément avec eux. Ce bataillon ne fut pas plutôt dans le camp des ennemis qu’il trouva que dans leur champ de bataille il y avait des gens de pied & de cheval rangés en très bon ordre. L’infanterie qui défendait la ligne que ce bataillon avait attaquée, effrayée par le mauvais succès de la sortie, se retira vers le fort de la Franqui pour se rallier ; mais comme la cavalerie des ennemis voulait donner sur nos gens de pied, & les empêcher de remettre le bataillon qu’ils avaient défilé en entrant, l’autre partie du régiment de Languedoc ouvrit heureusement les retranchements qu’il attaquait, encouragé par le marquis d’Ambres, qui était monté avec sa cavalerie jusqu’au bord du retranchement, & lequel dès lors qu’il y eut brèche suffisante pour faire grimper son cheval, entra le premier dans le camp des ennemis avec Spondillan, suivi de Lastronques & de leurs troupes. Soudain qu’il fut dans le champ de bataille il forma ses trois escadrons, mit Spondillan à sa droite, & Lastronques à sa gauche, & en cet état alla charger 400 hommes de cheval des ennemis qui venaient en bon ordre pour chasser notre infanterie du poste qu’elle avait gagné. Le combat fut plus rude à l’abord qu’à la mêlée, parce que les ennemis se servaient mieux des armes à feu que de l’, mais après qu’ils eurent tiré leurs carabines & leurs pistolets, le marquis d’Ambre les chargea si vigoureusement qu’il les rompit, tandis que l’infanterie du régiment du Languedoc ayant nettoyé la ligne qu’elle avait forcée, donnait dans le fort de la Franqui, qu’elle emporta d’abord, avec la chaleur de la première attaque. Les ennemis qui avaient été forcés aux retranchements y servirent beaucoup, car leur fuite dans le fort de la Franqui mit le désordre parmi leurs troupes qui le devaient défendre, lesquelles n’eurent pas le loisir de se servir de cette grande quantité de grenades & cercles à feu, dont ce réduit était rempli ; car nos soldats mêlant la terreur de leurs armes avec l’épouvante que les fuyards y avaient portée, tuèrent à coups de pique & d’épée tous ceux qui se présentèrent à la porte du fort, & faisant résonner les noms victorieux de Saint-Louis, & de France, qui étaient les mots de notre armée, donnèrent un tel effroi aux ennemis que les uns sautèrent par dessus la muraille, & s’enfuirent par la montagne, quelques autres se précipitèrent dans la mer. Ce fort que nous appelons la Franqui, à cause du lieu où il est situé, était par les Espagnols appelé fort du marquis de Guardia. Le régiment d’Oropesa avait ordre de le défendre, dont il s’acquitta très mal, & ne rendit pas la résistance à laquelle la force du lieu, & les munitions qui étaient dedans l’obligeaient ; car s’il eut fait son devoir il pouvait soutenir les efforts de toute nôtre armée durant quelques jours. Lambertie & Dions, suivis du baron de Monfrin capitaines au régiment de Languedoc, conduisaient les enfants perdus ; Monfrin & Lambertie furent blessés avec Susan capitaine au même régiment, & le chevalier de Suze qui le commandait, après avoir glorieusement conduit ses troupes à l’assaut de la muraille, & s’être rendu maître du fort de la Franqui, & du champ de bataille, fut après blessé dans les derniers combats d’une mousquetade à la cuisse, dont il est depuis décédé. Les barons de Mirepoix & de Jonquières Cauvisson, qui soutenaient avec leurs régiments celui de Languedoc, eurent bonne part à la gloire de toutes ces actions, pour y avoir grandement contribué de leur courage, de leur conduite, & des forces des troupes qu’ils commandaient.

Au même temps que le régiment de Languedoc entrait par les retranchements de la main gauche, celui de Saint-André, conduit par son maître de camp qui combattit fort généreusement, & fut blessé de deux coups, força le retranchement qu’il attaquait. Le régiment de Castelan en fit de même, où Icard son lieutenant colonel témoigna son courage & fut grandement blessé. Ce régiment fut vigoureusement soutenu par Laroque Fontiés qui commandait les milices de Carcassonne, lequel en forçant le retranchement des ennemis, fut blessé de plusieurs coups de piques & de pierres. Les officiers du régiment de Vitry montrèrent en leur attaque, qu’ils n’avaient pas perdu la vigueur & la résolution, avec laquelle ils avaient forcé les ennemis, dans les îles de Sainte-Marguerite & de Saint-Honoré, car ils firent des ouvertures par où leur régiment entra dans le champ de bataille. Clermont de Vertillac qui était à la tête de ce régiment reçut une pareille blessure à celle qu’il avait reçu aux îles.

Enfin toute l’infanterie attaqua vigoureusement les retranchements espagnols, & s’en empara les uns par l’escalade, les autres donnant par les embrasures, & par les espaces que les Espagnols avaient laissés dans les épaules de leurs tenailles pour faire des sorties. Quelques-uns avec les pics sapèrent le retranchement, & firent quelques petites ouvertures pour donner moyen à la cavalerie de faire grimper leurs chevaux ; & comme la chaleur des Français en la première charge est extrêmement redoutée des ennemis, soudain qu’ils virent nos soldats dans leur camp, la plupart de ceux qui bordaient leurs retranchements se retirèrent vers le gros de l’infanterie qui était en bataille, & vers les forts de la main droite, laissant l’entrée du champ libre à nos troupes, qui tuèrent tous ceux qui voulurent se mettre en défense. Mais après il arriva parmi nos victorieux un étrange désordre ; car comme la chaleur du combat & l’assiette du lieu avaient confondu les troupes, qui en beaucoup d’endroits étaient mêlées, les entrées des retranchements qui étaient en petit nombre & fort étroites apportèrent encore une plus grande confusion ; car les soldats qui y donnaient en foule & sans ordre, en telle façon que les Espagnols qui étaient en bataille à 100 & 200 pas de leur retranchement, eurent d’abord un très-grand avantage sur les nôtres, lesquels ne pouvaient se remettre en état de combattre, soit pour être les troupes confusément mêlées, soit pour l’obscurité de la nuit augmentée par la fumée du canon & du mousquet, ou pour le bruit que la joies des premiers succès causait, par les cris d’allégresse de Victoire, & de France, qui empêchaient que nul commandement ne fut entendu. les ennemis prenant cette occasion firent avancer toute leur cavalerie dont le choc fut en quelque façon soutenu par les chefs des régiments, qui ramassèrent quelques petits corps pour faire tête aux premières charges. mais beaucoup de soldats que la victoire avait débandés, ne se purent rallier pour ce combat, & il y en eut environ de 800 de diverses troupes qui se renversèrent sur la cavalerie, à la tête de laquelle s’était mis le général de notre armée, pour entrer dans le champ de bataille des ennemis, lequel voyant ce désordre voulut prendre le soin de remettre ces troupes ; mais jugeant après qu’il était très-difficile de rallier dans l’effroi ceux qui s’étaient dissipés dans la prospérité de la victoire, il s’avança vers les retranchements pour soutenir le reste de l’infanterie, & empêcher que la cavalerie des ennemis ne le poussât hors des postes qu’elle avait gagnés. Mayolas lieutenant des Gardes de son éminence, qui était monté à cheval, à la tête des enfants perdus, & qui avec eux était entré dans le champ des ennemis, & avait reconnu leurs troupes, donna fort à propos avis au général des ouvertures par lesquelles la cavalerie pouvait entrer. La Clotte mestre de camp du régiment de Montpellier servit encore fort utilement en cette rencontre, ayant fait travailler ses soldats à rompre le retranchement gagné, & y faire une ouverture par où des hommes de cheval pussent entrer : c’est par là que le duc d’Halluin fit donner ses Gardes, soutenus par les volontaires de la cornette blanche, que le comte d’Aubijoux commandait, suivis de l’escadron du marquis de Mirepoix, lesquels ne furent pas plus tôt dans le champ de bataille qu’ils chargèrent les ennemis à toute bride ; les Gardes conduits par Andonville & Designac firent leur salve à dix pas, & se mêlèrent l’épée à la main dans l’escadron où ils s’étaient attachés, lesquels ils percèrent & menèrent battant jusqu’au penchant de la montagne vers l’étang. Le comte d’Aubijoux & le marquis de Mirepoix poussèrent si rudement les escadrons qu’ils attaquèrent, qu’après les avoir rompus ils les poursuivirent jusqu’au bord de l’étang, & si avant qu’ils demeurèrent longtemps parmi les troupes des ennemis. En cette charge il y eut plusieurs gentilshommes de considération blessés, particulièrement Amboise frère du comte d’Aubijoux, qui reçut une mousquetade en forçant le retranchement.

Sur ce temps le duc d’Halluin suivi de plusieurs gentilshommes qui formaient un escadron, ayant mis les compagnies de Boissac & du marquis de Sainte-Croix à sa gauche, entra dans les retranchements & rencontra d’abord 4 ou 500 chevaux commandés par Terrasse, mestre de camp de la cavalerie liégeoise, qui venait pour choquer notre infanterie & la pousser hors des retranchements : le duc d’Halluin suivi de Boissac & de Sainte-Croix donna sur cette cavalerie avec tant de vigueur qu’il la renversa & la contraignit de se retirer en désordre au galop ; mais Terrasse ayant à la faveur de la nuit rallié ses troupes vers la pointe de la montagne de la Franqui, en même temps qu’il se voulut avancer pour revenir dans le champs de bataille, il fut aperçu par le marquis d’Ambres qui le chargea, suivi de Spondeillan & de Lastronques. En cette rencontre fut blessé le marquis d’Ambres de deux coups de pistolet dans le bras droit : ces blessures le mirent hors de combat, mais ne lui ôtèrent pas le courage d’y revenir ; car tout blessé qu’il était il fit deux charges fort vigoureuses, & enfin contraint par ses plaies & par les prières de ses amis, il laissa le commandement de son escadron au baron de Bonrepaux son beau-frère, lequel avec Spondeillan & Lastronques acheva de rompre la cavalerie liégeoise : Bonrepaux y fut blessé d’un coup de pistolet dans la tête, le marquis de Meures y fut aussi blessé, & le baron de Trevien tué.

Mais si les deux extrémités de la montagne étaient en feu, le duc d’Halluin combattant à la droite, & le régiment du Languedoc à la gauche avec sa cavalerie qui le soutenait, le combat qui se démêlait dans l’espace qui était entre ces deux ailes n’était pas moins rude ; car l’infanterie de Saint-André & de Castelan s’étant saisie des retranchements, le comte de Vieule qui était à la tête des gendarmes avec Monbrun, & Manse ses frères, & Serignan enseigne passa les tranchées des ennemis par les ouvertures qui furent faites à son poste. Le comte de Clermont de Lodève, Moussolens, & le reste de la cavalerie qui soutenait l’infanterie de Saint-André & de Castelan, entrèrent de même par les lieux qu’ils trouvèrent les plus commodes. Et soudain qu’ils eurent franchi les retranchements, ils allèrent tête baissée choquer les escadrons de cavalerie qu’ils trouvèrent opposés à leur entrée, & bien que les Espagnols fussent fort avantagés, pour être dans un ordre concerté, & dans un champ de bataille qu’ils avaient gardé durant un mois, là où les nôtres entraient à la file par les brèches & de nuit, dans un lieu qu’ils n’avaient pu reconnaître. Néanmoins le courage & la valeur des nôtres fut telle que les ennemis perdirent bientôt ces avantages avec le poste qu’ils défendaient, car ils furent rompus & défaits par nôtre cavalerie, & chassés bien avant dans la montagne.

La cavalerie ennemie ayant abandonné le champ de bataille, toute l’infanterie qui s’y trouva, & qui défendait les redoutes, fut poussée & rompue, la plupart mise en pièces, & il n’y eut que ceux qui prirent plus de confiance en leurs pieds qu’en leurs bras qui se pussent garantir. Cependant le comte Serbellon voyant le désordre de son armée se jeta dans son fort & fit avancer le régiment du comte duc d’Olivares, composé de 3 500 hommes d’estime, avec ordre à la cavalerie espagnole conduite par Philippe Marino de les soutenir : ces gens de pied vinrent au bord de l’étang où ils étaient campés, & ayant monté près du fort de Serbellon, se présentèrent à l’aile droite de notre armée ; témoignant par leur démarche leur adresse, & leur assurance, ils attaquèrent d’abord notre infanterie, qui était éparse, & suivait la déroute des Espagnols, lesquels venaient d’être forcés dans les dernières lignes de la main droite, & dans les redoutes plus proches du fort de Serbellon. Le duc d’Halluin voyant venir le régiment du Comte Duc, & craignant qu’il ne prît avantage sur nos gens de pied, rallia ceux qui se trouvèrent auprès de lui, & pour donner loisir au reste de se mettre en état, il chargea le régiment espagnol avec les compagnies de Boissat, Sainte-Croix, Saussan & Andonville, en telle façon que ce régiment fut contraint de se retirer, & de prendre un poste qui fut plus difficile à l’abord de la cavalerie française, que l’esplanade du champ de bataille où il était entré : il se remit au penchant de la montagne vers l’étang, sous le fort de Serbellon, en très-bon ordre toutefois, la pique trainante & tirant par rangs, avec toute la justesse qu’eussent pu observer des soldats bien dressés en faisant l’exercice.

Cette charge fut faite avec tant de générosité par notre cavalerie, & courageusement soutenue par l’infanterie espagnole, que les enfants perdus détachés de ce régiment furent rompus, & beaucoup d’Espagnols qui étaient dans les premiers rangs du bataillon, furent tués par nos cavaliers à coups de pistolets & d’épée. Mais aussi en revanche, la plupart de nos cavaliers furent démontés ou blessés, de sorte que pour entretenir le combat le duc d’Halluin se servit quelque temps de son infanterie, attendant qu’Argencourt ralliât la cavalerie & fit avancer partie de celle qui était sur la main gauche, & n’avait plus d’ennemis en tête, ayant donné la chasse à tous ceux qui défendaient le quartier de la Franqui. Une partie du régiment de Languedoc s’était venue rendre près du général, & se joindre à ceux de Vitry qui tenait la main droite ; ils détachèrent des pelotons de mousquetaires, soutenus par des corps de piquiers, pour aller reconnaître le corps de Serbellon,  & ce régiment qui le défendait. Dès lors que les ennemis virent partir notre infanterie, ils envoyèrent au devant des pelotons de pareille force, les escarmouches en furent très belles & très-bien entretenues. Mais parce que les salves continuelles de ce régiment causaient un grand ravage dans nos troupes, le duc d’Halluin ayant rallié sa cavalerie retourna à la charge. Le combat fut rude, & fort opiniâtre de toutes parts, car les Espagnols demeuraient serrés & unis en façon, qu’il était impossible de les rompre, & nos Français poussant leurs chevaux jusqu’au milieu des piquiers, tâchaient de se faire ouverture à la pointe de l’épée, & si parfois ils faisaient quelques brèches dans ce bataillon, ceux même qu’ils rompaient se ralliaient avec tant de promptitude que sept de leurs piquiers se trouvant ainsi détachés & environnés par plusieurs de nos cavaliers rendirent témoignage de leur fermeté. Car poussés & choqués de toutes parts, après une longue résistance, ils moururent entassés l’un sur l’autre, criant jusqu’au dernier soupir, Viva España.

Cette infanterie espagnole qui s’était remise sous le fort de Serbellon, était grandement favorisée en ce combat par l’assiette du lieu, car elle était parquée sur le bord de la montagne, du côté de l’étang de Leucate, & dès lors qu’elle était pressée, elle se remettait dans le penchant, & à couvert du fort de Serbellon, qui défendait l’approche de cette avenue avec 4 canons. Ce fort était à la gauche de l’infanterie espagnole, & sur leur main droite il y avait un parc de chariots fermé d’une muraille de pierre sèche, flanquée de petites redoutes ; les ennemis avaient logés là dedans des mousquetaires qui donnaient de l’ennui à nos troupes, ce qui obligea notre infanterie d’attaquer ce parc où elle donna courageusement, & le força, mais par malheur nos soldats suivant les ennemis qui fuyaient devant eux mirent imprudemment le feu à quantité de poudre qu’il y avait, dont l’embrasement fut si soudain, que 100 des meilleurs soldats qui étaient à la pointe de cette attaque furent brûlés, entre autres Sueilles capitaine d’une compagnie de Vigan en fut fort gâté.

Cet accident fut suivi du piteux spectacle de ces pauvres soldats, lesquels embrasés depuis les pieds jusqu’à la tête, couraient tout en feu par le champ de bataille, & donnaient grand effroi à ceux qui croyaient que ce feu avait été causé par l’artifice des ennemis, & qu’ils avaient épandu de la poudre sur les avenues, pour surprendre dans les fougades ceux qui seraient trop hardis à les poursuivre. Celui qui sait les désordres qu’apportent tels accidents dans les combats, & qu’ils produisent des effets contraires à la nature du feu qui les cause, en refroidissant les troupes, & les rebutant d’assaillir ceux qu’elles croient être défendues par les feux d’artifices, jugera de la fermeté & de l’adresse du duc d’Halluin : il accourut aux troupes qui étaient les plus proches de cet embrasement, & qui s’en éloignaient en confusion, il les rassura & les remit en ordre pour l’accompagner à une recharge qu’il fit avec résolution d’emporter le fort de Serbellon, & de rompre l’infanterie espagnole qui se tenait parquée sous les défenses de ce fort, ce qui fut entrepris avec tant d’ardeur que la cavalerie après avoir mis en pièce quelques pelotons qui étaient devant le fort, donna jusque dans la porte, nonobstant les canons qui étaient là dedans, & l’élite des mousquetaires de l’armée, que les ennemis y avaient logés. Le duc d’Halluin poussa son cheval contre les retranchements, ne prenant pas garde qu’il y avait au devant un fossé dans lequel le cheval s’engagea ; mais comme la nature du lieu & la dureté du rocher n’avait pas permis de creuser beaucoup ce fossé, le cheval eut la force de remonter. Le marquis de Mirepoix mourut glorieusement en cette charge sur la porte du fort, percé à la tête & au corps de trois mousquetades, & en ayant encore reçu une à chaque jambe, son corps fut trouvé sur l’entrée du fort, & plus avant vers les ennemis de quinze pas que pas un autre corps des Français, aussi était-il issu de si généreux ancêtres, qu’ils avaient toujours dans les entreprises plus hasardeuses contesté la pointe aux plus vaillants.

Mais comme la cavalerie s’efforçait de rompre l’infanterie de Serbellon & d’entrer dans ses retranchements, Philippe Marino qui commandait la cavalerie espagnole, s’avança avec 4 ou 500 chevaux, & vint droit au lieu où le duc d’Halluin combattait, ce qui obligea de tourner tête vers cette cavalerie avec Boissac, le comte de Vieulé, le marquis de Sainte-Croix, Andonville & leurs compagnies : chacun de ces trois derniers eut deux chevaux tués sous lui dans le combat. plusieurs seigneurs & gentilshommes volontaires qui s’étaient ralliés près du général se trouvèrent en cette charge & aux autres actions plus hasardeuses, parmi lesquels les plus remarquables pour leur valeur & leur condition sont : les comtes d’Aubijoux, de Clermont de Lodève, de Merenville, Monbrun, & mauses frères du comte de Vieulé, Hannibal fils naturel de Henry de Montmorency connétable de France, le marquis de Peraut, Morangez, Restenclières frère du feu maréchal de Toiras, Mayolas, Goussonville, les barons de Saint-Gery, de Rives, de Mauleon, de Moussoulens, Montoussin del Travet, qui rallia l’escadron de mirepoix après la mort du chef, & fit de très bons effets avec sa troupe, la Prune, le Pouget, Bram, le vicomte de Clermont, de Rochechouart, Depaulo Granval, Noulet, Saint-Amans, Cavac, Ginestet, Maleytargues, saint-Martin, la Claverie, Belflou, saint-Just, Montarnault, la Cassaigne, Picquebarrau, Destros & plusieurs autres de qui les exploits mériteraient une relation particulière.

La cavalerie espagnole vint attaquer la nôtre & déchargea sur elle ses carabines & ses pistolets ; sur ce temps Boissac dit au duc d’Halluin qu’il allait pour l’amour de lui tuer le capitaine de l’un des escadrons qu’il avait en tête : après ces paroles il partit de la main, & fit heureusement le coup qu’il avait projeté. le duc d’Halluin donnant avec toute la cavalerie sur celle des ennemis ne fut pas moins heureux, il la perça du premier choc, & s’étant mêlé fit voir aux ennemis quel nom des Roys de ces deux nations était le plus accrédité dans les armes, car les uns & les autres dans le combat faisaient tenir les noms de France & d’Espagne, & les noms de leurs roys : les Français avaient pour leur cri le nom victorieux de Louis, & les Espagnols réclamaient en vain celui de Philippe.

Malves capitaine d’une compagnie de chevaux légers fit une fort belle charge au régiment du Comte-Duc qui ressortit de son fort, tandis que notre cavalerie était occupée à défaire celle de Philippe Marino. Et le combat fut si opiniâtre, que le duc d’Halluin, ayant tourné sur ce régiment, assisté de Boissac, Sainte-Croix, des comtes de Vieulé, d’Aubijoux, Clermont de Lodève, Berat, le Travet, Saussan, Moussoulens & d’un escadron de volontaires, fit jusqu’à 9 charges contre cette infanterie & combattit avec tant de valeur, de courage & de bonheur, que pendant 5 heures entières qu’il fut dans la mêlée au milieu du feu & du fer, à la bouche des canons ennemis, & devant leurs retranchements, il y rompit trois épées, défit tout ce qui parut d’espagnols dans le champ de bataille & força leurs forts, rallia par vingt fois sa cavalerie, & sortit de ce long & périlleux combat sans aucune blessure, donnant force & vigueur partout où il était présent, imitant en la prudente conduite, & en la vigueur de l’exécution, le grand maréchal de Schomberg son père, à la valeur duquel il a succédé. (…)

Les Espagnols avaient plus d’infanterie & de cavalerie que nous, lorsque notre armée fut en présence, mais depuis le 26 que le secours parut jusqu’à la nuit du 28 que la bataille fut donnée, les Espagnols furent renforcés de 2 000 hommes d’élite qui furent tirés sur les garnisons voisines, & l’on tenait pour certain qu’ils avaient 14 000 hommes de pied, & 1 600 à 2 000 chevaux, là où dans notre armée il n’y avait que 11 000 hommes de pied & 1 000 chevaux, dont  il en fut laissé environ 4 000, où à la garde du camp ou au poste de Saint-Aunès du côté de l’étang, avec trois compagnies de cavalerie, de sorte que l’on peut assurer que 7 000 hommes de pied français avec 800 hommes de cheval, la plupart volontaires, ont forcé cette grande armée espagnole par une attaque aussi vigoureuse qu’il en fut jamais : car que peut-on imaginer de plus déterminé, que de grimper par une montagne à découvert à la vue de 18 canons & 6 000 mousquets, d’aborder un retranchement flanqué régulièrement, & qui occupait toute la sommité de la montagne ? (…)

Le fort de Serbellon eut été forcé, & le bataillon qui combattait sous ses défenses eût été taillé en pièces si la nuit n’eût ravi par ses ombrages l’éclat de cette victoire à notre armée : car comme le duc d’Halluin avait donné l’ordre à toutes ses troupes d’investir le régiment du Comte-Duc & son réduit, pour lui donner une attaque générale, la lune se coucha, & les ténèbres de la nuit augmentées par la poussière, qu’un vent impétueux élevait, & par la fumée du canon & des mousquets, contraignit les uns & les autres d’interrompre le combat. Aussi l’obscurité était si grande, que nos écharpes blanches ne se reconnaissaient plus, ce qui causait un grand désordre ; car nos cavaliers qui se trouvaient démontés étaient traités comme s’ils eussent été de l’infanterie ennemie, & les autres cavaliers lorsqu’ils venaient de la charge étaient pris pour des espagnols par nos gens de pied qui gardaient les retranchements gagnés. Si bien qu’après six heures de combat employées à forcer les tranchées des ennemis, à prendre leurs forts, & à les combattre dans leur champ de bataille, l’on fut contraint de se rallier dans le champ que l’on avait conquis, avec résolution d’attendre le jour pour achever ce peu qui restait en état de faire résistance.

Notre cavalerie demeura toute la nuit à cheval & l’infanterie sur les armes. mais il faut avouer que l’une & l’autre étaient en petit nombre. Car pour les cavaliers, la plupart avaient été blessés ou démontés, outre que la mort, & les blessures des personnes de condition, avaient extrêmement affaiblis les escadrons qu’ils commandaient. il en était de même de l’infanterie, où les canons & mousquets avaient fait si grand ravage, & ce qui faillit à la dissiper entièrement sur le butin. Car le champ de bataille était couvert de morts, d’armes & de chevaux, les parcs de munitions des Espagnols étaient abandonnés, leurs tentes délaissées, tout leur équipage & attelage en proie, si bien que la commodité du pillage, & la faveur de la nuit, faisaient débander nos soldats, lesquels chargés d’argent, de bagage, & d’armes, se détachaient de l’armée. Dans cette extrémité l’archevêque de Bordeaux rendit un signalé service ; il était au commencement au poste de Saint-Aunès ; mais voyant le mauvais succès de ses troupes, il s’en vint aux autres attaques, y étant appelé par le bruit des canons & des mousquets, qui lui firent entendre que du côté de la montagne les attaques étaient plus vigoureuses qu’au bord de l’étang. Il travailla fort utilement, durant le combat avec un grand zèle & grand courage, se tenant à l’ouverture des retranchements, & courant par le champ de bataille, pour animer ceux qui venaient, & rallier ceux qui se débandaient, & lors qu’après le combat fini il s’aperçut du petit nombre qui restait, il se ressouvint des troupes de Saint-Aunès, qu’il avait laissées oisives au bord de l’étang : il les alla quérir, & parce qu’en les conduisant, il était obligé de passer sous le fort de Serbellon, il criait à nos sentinelles plus avancées vers ce poste qu’il amenait 4 000 hommes de pied & 400 chevaux tous frais, ce qui donna sans doute un grand effroi aux ennemis, lesquels depuis l’arrivée de ce renfort, ne firent plus paraître aucune infanterie ni cavalerie que l’on peut combattre, & se contentèrent d’entretenir le feu dans le fort de Serbellon, où ils tiraient sans cesse, pour empêcher que notre armée ne découvrit le désordre qui était dans la leur.

Ces troupes de l’attaque de Saint-Aunès avaient été commandées pour servir de première diversion. Néanmoins elles furent devancées par le régiment de Languedoc, & les autres, qui se trouvant à portée du canon ennemi, précipitèrent leurs attaques avant que le nôtre commençât à jouer, & de donner le signal de la bataille ; cela fut cause que Saint-Aunès fâché de se voir devancé, & emporté par l’ardeur de son courage, se mit à la tête des enfants perdus de son régiment avec Maureillan son lieutenant colonel, Rossel major, Cauderoque lieutenant de la Mestre de camp, quelques autres officiers & gentilshommes volontaires, & entre autres le chevalier de Vilauric de la maison de Seguier en Languedoc, qui ne faisaient pas en tout cinquante hommes, ils abordèrent le retranchement, donnèrent dans la porte qu’ils trouvèrent  ouverte, & défendue par des hommes armés qui attendaient la pique à la main. Les redoutes qui flanquaient cette porte, le fort qui la dominait, & la courtine firent une salve si furieuse, que ceux qui devaient soutenir les enfants perdus n’allèrent pas avec la même ardeur que leur mestre de camp, lequel combattit longtemps pour forcer la porte, & ceux qui étaient avec lui tâchèrent de monter avec des échelles sur le retranchement mais ce petit nombre diminuant toujours par les coups de mousquets & de canon que les ennemis tiraient, il arriva qu’une vingtaine de cavaliers espagnols descendirent par l’épaule du fort de Serbellon vers le bord de l’étang, & Saint-Aunès, & ceux qui les devaient soutenir. Alors cette petite troupe qui était avec lui se trouva à un extrême péril, ayant en tête l’infanterie qui gardait les retranchements, & des cavaliers derrière contre lesquels il fallut tourner visage & laisser la porte & les échelles. Mais en même temps il sortit encore quelque infanterie espagnole qui donna sur ce peu qui restait des nôtres, au secours desquels s’avancèrent ceux qui devaient soutenir les enfants perdus, & à la faveur de leur charge les nôtres se développèrent des ennemis qui les tenaient environnés, Saint-Aunès que les Espagnols avaient saisis, échappa de leurs mains blessé de huit coups d’épée, ou de pique. Maureillan son lieutenant colonel y fut blessé d’un coup de pistolet, Rossel major de son régiment, & trois de ses capitaines blessés, le reste du régiment effrayé par ce premier succès, & privé de la conduite de son mestre de camp, de son lieutenant colonel, & du major ; la cavalerie à laquelle ils devaient faire ouverture ; & parce que cette avenue était très-difficile, les troupes en furent si fort rebutées, que ne pouvant pas voir ce que faisait le reste de l’armée au-delà du fort de Serbellon, elles crurent que toutes les attaques avaient été aussi malheureuses que la leur, & appréhendant pour le canon qu’elles avaient en garde, elles se mirent en bataille de crainte qu’il ne vint quelque cavalerie du côté de Fitou pour enlever les canons, & donner sur l’armée, tandis qu’elle attaquait le camp des ennemis. On ne peut pas nier que la confusion ne fut très-grande parmi cette infanterie ; parce que les principaux officiers de l’armée étant dans la mêlée sur la montagne, personne ne se souvint durant l’ardeur du combat de ces troupes, qui demeuraient inutiles au bord de l’étang, jusqu’à ce que l’archevêque de Bordeaux leur alla donner la nouvelle du progrès que les autres avaient fait en leurs attaques, & les amena au champ de bataille conquis par les nôtres, où elles se mirent en état de combattre pour réparer l’échec qu’elles avaient reçu en leur poste.

Les assiégés avaient si grand intérêt à la venue & au combat de leurs secours, que l’Histoire ne se peut dispenser de ne parler pas du siège, depuis que notre armée fut en état de le faire lever, croyant qu’il n’y a point de discours qui puisse être plus agréable à des assiégés, que celui qui avance leurs secours, & presse leur délivrance. Aussi est-il véritable que depuis le 22 septembre jusqu’au 26, que le secours parut, il ne se passa devant & dedans la place autre chose de mémorable, si ce n’est que les Espagnols redoublaient toujours les efforts de leur batterie, & creusaient des tranchées dans le rocher pour percer sous la fausse-braye, & les nôtres tiraient incessamment à leur accoutumée. Le plus grand canon qui fût en la place creva au milieu du sieur de Barry, de Lermond, & du père Barry jésuite, sans que personne fût blessé des éclats. Ce père Barry est frère du gouverneur, & semble que pour sa consolation, & pour l’assistance des assiégés, la providence divine l’amena trois jours avant le siège dans le château de Leucate, où il il n’avait été depuis 35 ans, il arriva le jour de Saint-Louis, & entendant les avis fréquents du siège prochain, il y voulut arrêter pour y servir comme il fit très-utilement.

Il est impossible d’exprimer la joie que les assiégés eurent à la vue du secours, & les appréhensions qu’ils ressentirent le 26 septembre, lors qu’après que l’armée eut demeuré quatre heures en bataille devant les retranchements, elle se retira pour camper aux Cabanes de la Palme, craignant les assiégés que les fortifications des ennemis eussent dégoûté l’armée de les attaquer. (…)

Durant six heures que le combat dura, les assiégés flottèrent entre l’espérance & la crainte, mais lorsque l’obscurité de la nuit eut donné la trêve aux deux armées, ils souffrirent une cruelle guerre par la crainte qu’ils avaient été repoussés. (…) Cet embrasement (de l’église) fut le premier signal de la victoire que les assiégés reçurent, car notre armée durant l’obscurité de la nuit, s’était resserrée sur la pointe de la montagne du côté de la Franqui, éloignée d’environ demi-lieue du château de Leucate, & séparée par de rudes montagnes dont le chemin était durant la nuit très-difficile, & désavantageux à la cavalerie, & au lieu que tout le soin des nôtres était de se rallier & de se mettre en état pour continuer la bataille au point du jour, les Espagnols au contraire pour éviter le choc d’un second combat, furent bien aises que l’obscurité de la nuit couvrit la honte de leur fuite (…) ; ils s’enfuirent par le plus rude chemin de la montagne, traversant du bord de l’étang vers la mer, & de là gagnèrent le Grau, laissant tout leur camp en proie aux victorieux, cependant que 200 mousquetaires, logés dans le fort de Serbellon, amusaient notre armée tirant toute la nuit. Sur le point du jour, le général de notre armée trouva bon de ne s’amuser plus à l’attaque de ce fort, où les troupes s’étaient durant la chaleur du combat un peu trop ardemment attachées , & résolut de traverser par le milieu de la montagne, vers le château de Leucate, faisant état qu’ayant rompu le camp ennemi, & secouru la place assiégée, ce fort ne pouvait pas résister. Avec ce dessein, toute l’armée marcha dès le point du jour mais la première clarté de l’aube lui découvrit bientôt la fuite des ennemis que la nuit avait cachée : toute la montagne était couverte d’armes que les fuyards avaient jetées, ou pour s’en aller plus légèrement, ou pour ne pas porter en espagne les reproches honteux de leur lâcheté. les assiégés qui étaient en attente reconnurent bientôt aux casaques écarlates, que les troupes qui venaient vers la place étaient françaises ; ils vinrent ouvrirent les portes aux victorieux, le duc d’Halluin trouva le sieur du Barry sur la fausse porte, qui était derrière l’épaule du bastion Saint-Pierre, lequel voulut lui témoigner l’obligation qu’il avait à sa valeur ; mais le duc d’Halluin l’interrompit, & s’adressant au père Barry jésuite, il lui dit que c’était à Dieu que les grâces de cette victoire étaient dues : & lui demanda de le conduire à la chapelle du château ; mais parce qu’elle avait été ruinée par le canon & les bombes, il fut conduit à un autel qui avait été dressé à une courtine, qui était le plus à l’abri de la batterie. (…)

Il visita la place & trouva qu’au grand honneur du sieur de Barry le château ne manquait de munitions de guerre, ni de bouche, & que l’eau avait été si prudemment ménagée qu’il y en avait encore plus d’un pied dans la citerne. les assiégés n’avaient perdu durant le siège que 20 hommes & quelques femmes, mais les blessures & les maladies les avaient réduits à 50 hommes de combat, nombre fort petit à la vérité pour défendre quatre bastions, si leur courage n’eut couvert ce défaut par la résolution généreuse qu’ils avaient faite de mourir l’épée à la main.

L’on a su par le rapport des prisonniers, que ce petit nombre d’hommes en avaient durant le siège tué 700 des ennemis, & parmi cela 15 hommes de commandement. ils avaient attaqué cette place par cinq batteries, où il y avait 16 canons & 4 mortiers ; les tranchées des approches & des batteries n’étaient pas creusées, pour être faites sur le rocher, elles étaient de fascines fort bien agencées en forme de blindes ; mais ils avaient tiré deux tranchées vers la place, pour faire des attaques, celle qui était la plus avancée était du côté du couchant, attachée à la fausse-braye du bastion Saint-Pierre, par deux lignes à trois toises l’une de l’autre ; & semblait qu’en l’une des lignes ils avaient voulu commencer une mine, parce qu’avec grand travail ils avaient creusé le rocher ; les murailles de la fausse braye étaient rasées en deux endroits, en telle façon que les chevaux y montaient sans peine. le bas de la brèche du bastion Saint-Pierre aboutissait quasi au haut de la ruine que le canon avait faite, à cause qu’il n’y avait point de fossé qui put recueillir le débris, dont les ennemis prétendaient se servir pour l’assaut général, qu’ils avaient résolu de donner le soir même que nos troupes assaillirent leurs retranchements. Néanmoins cette ruine & cette brèche étaient si droites, que pour ébouler le bastion jusqu’au point de le rendre accessible, il eut fallu encore plus de dix jours de batterie. ce petit château de Leucate a souffert 4 500 coups de canon.

Durant le temps que le général visitait la place, & écrivait au Roy le succès de ce glorieux combat, les soldats couraient la montagne, pour jouir du fruit de la victoire. Ils voyaient partout des Espagnols désarmés, qui plus éblouis de l’éclat des armes françaises, que de celui du soleil, ne savaient gagner le chemin de leur retraite, ni sortir de la confusion, où l’horreur de la mort plutôt que celle de la nuit, les avait tenu depuis l’attaque…

(…) Les troupes qui restaient dans le fort de Serbellon (…), voyant venir le jour, s’enfuirent à toute course vers le Grau : ceux qui ne furent passés vites pour gagner ce passage, se jetèrent dans l’étang, & il y en eut qui se précipitèrent dans la mer. (…) Ceux qui s’enfuirent par le Grau furent suivis par quelque compagnie de nôtre cavalerie, qui croyait que les fuyards qui étaient 4 ou 500, dussent faire quelque résistance ; mais ils jetèrent jusqu’à leurs épées pour n’être pas obligé de s’en servir, & dès que les nôtres les abordèrent, ils mirent les genoux à terre pour leur demander la vie. (…)

Jamais vaincus n’ont été plus doucement traités, que furent tous ceux qui en cette rencontre se remirent à la discrétion des Français, car il fut trouvé dans le Grau sur les bords de la mer, ou dans la montagne en divers endroits, bien près de 1 200 personnes, qui reçurent toute la courtoisie qu’elles pouvaient désirer. Celles qui tombèrent au pouvoir des cavaliers & des personnes de condition furent congédiées & renvoyées en Espagne, après avoir reçu toute sorte de bon traitement, & ceux qui furent au partage des soldats, en furent quittes pour l’argent qu’ils portaient, sans que l’on exigeât d’eux aucune rançon, & il n’y en eut que trois ou quatre qui furent obligés d’en payer à leurs preneurs. Le pillage du camp & le butin que firent les soldats, ne se peut estimer non plus que les munitions & les canons que les ennemis abandonnèrent. (…) Plus de 6 000 mousquets restèrent sur la place, dont toute notre frontière se trouve maintenant armée, leur calibre est deux fois plus grand que celui des nôtres, & nonobstant leur pesanteur, l’infanterie espagnole s’en servait avec grande adresse, mettant toute son industrie aux armes à feu pour combattre de loin, & tâcher d’éviter de venir aux mains…

Ils laissèrent dans les tranchées 14 canons de batteries, & 4 mortiers, & dans les retranchements 16 couleuvrines bâtardes, outre 2 grandes couleuvrines parfaites qu’ils avaient tirées de leurs batteries, depuis l’arrivée de notre secours, pour les mettre dans le fort Serbellon, & 4 petits canons, ou bidets qu’il y avait dans le champ de bataille de la cavalerie. Quant au nombre de drapeaux que l’on a gagnés en ce combat, l’on ne peut dire avec certitude, car outre les 10 ou 12 qui ont été envoyés au Roy, il y en a une grande quantité qui furent enlevés & recelés par les particuliers qui voulurent garder dans leurs maisons ces trophées pour marques honorables de l’honneur qu’ils ont eu de se trouver à cette bataille.

Et pour les munitions (…) page 499 (…) L’on trouva dans ces parcs de munitions une si grande quantité de grenades, de cercles à feu, de bombes, de chausse-trappes, de chevalets, mantelets, planches pour faire des galeries, de pontons, de harnais pour attelage de chevaux, de toute sorte d’instruments pour remuer la terre, percer le rocher, couper le bois, que la description en serait ennuyeuse. Seulement dirais-je cette particularité qu’outre les instruments, dont ils avaient pourvu 4 000 pionniers qui travaillaient au retranchement de leur camp, il y avait encore plus de 6 000 instruments propres à cet usage, & il en était de même du reste des munitions, jusqu’aux fers des chevaux, les clous & les chevilles, dont il y avait des monceaux si grands qu’ils faisaient bien connaître que ces préparatifs étaient pour une entreprise de longue haleine. L’on ne vit jamais dans une armée royale tant d’artifices à feu, comme il y en avait dans leurs parcs, ni de plus belle invention, & particulièrement des cercles qui étaient faits de cordes goudronnées, entre-tissées en forme d’une couronne d’épines, où ils avaient entrelacé de grands clous, dont les pointes sortaient demi-pied hors du cercle, & de petits canons de pistolets qui étaient chargés d’une balle, ce qui faisait en même temps trois effets très-périlleux : car la mixtion artificielle, dont les cordes étaient imbues & couvertes, épandait le feu, les canons de pistolet tiraient leur balle, & leur effort enlevait les cercles, qui avec ces pointes de fer faisaient un grand ravage parmi les soldats sur lesquels ils étaient lancés. (…)

Le champs de bataille était couvert de leurs morts, les brèches du retranchement & des forts gagnés en étaient aussi remplies, mais comme la vanité des Espagnols est industrieuse à déguiser leurs pertes, quoique l’on ai trouvé parmi les morts beaucoup de personnes qui portaient l”écharpe rouge avec frange d’or & d’argent, des chaînes d’or, & des cordons de diamant, & soixante bâtons de commandement épars dans le camp : ils cachèrent néanmoins avec un religieux silence la qualité de leurs morts, en telle façon qu’ayant conduit des prisonniers pour leur faire reconnaître si parmi les morts il y avait des capitaines, & des hommes de commandement, les prisonniers, qui conservaient dans le piteux état de leur fortune cette vaine ostentation de gravité, que les Espagnols affectent, ne voulurent indiquer, ni particulariser aucun homme de marque, mais comme ils étaient pressés par les demandes qui leur étaient faites sur ce sujet, ils répondirent, todos, voulant dire que ceux qui en cette occasion avaient mieux aimé perdre la vie, que fuir lâchement, étaient tous hommes de mérite. Il y avait dans les brèches des retranchements en divers endroits une douzaine d’Espagnoles qui avaient été tuées dans le premier assaut, vêtues et armées en soldats : la délicatesse du teint, la blancheur des mains, & la propriété du reste du corps, témoignaient que ces femmes avaient vécu avec plus de soin de leur beauté, que de leur pudeur, & comme la nouveauté de ce spectacle attirait les yeux des plus curieux, quelques-uns demandèrent aux Espagnols prisonniers s’ils connaissaient des femmes, & sous quels capitaines elles portaient les armes, ils dirent que non, mais il y en eut un lequel regardant ses compagnons avec mépris, leur dit d’un ton —stueux, « digan que ne son mujeres, mujeres son los que huyeron », dites que ce ne sont pas des femmes, ce nom doit être donné à ceux qui ont fui. (…)

Il est malaisé de dire avec certitude les noms des chefs que les Espagnols y perdirent, parce qu’ils usent de grand artifice à les cacher, mais il est très-certain que par les revues que Serbellon a fait de son armée après cette déroute, on trouva qu’il avait perdu 4 000 hommes, des blessures, ou qui s’étaient noyés : cela fut ainsi constamment assuré par tous les espions de la frontière, & accordé par les trompettes des ennemis, & par ceux qui vinrent pour retirer les prisonniers, lesquels dirent que Serbellon n’avait perdu dans le combat que deux mestres de camp & 16 capitaines, mais que plusieurs en étaient depuis décédés à Salces & à Perpignan, des blessures qu’ils avaient reçus, entre autres, Terrasse maître de camp de la cavalerie liégeoise, Philippo Marino qui commandait la cavalerie espagnole. l’on publie d’autres noms d’Espagnols, qui furent blessés & tués, mais parce que les rapports en sont différents & incertains, je n’en ai pas voulu charger cette Relation.

Les Français qui ont été tués, ou blessés dans cette occasion, ont finis leurs jours d’une mort si glorieuse, & ont reçu des blessures si honorables, que ce serait faire injure à leur gloire d’en diminuer le nombre, car l’attaque étant périlleuse, & le combat ayant été entretenu six heures avec obstination, ce serait se flatter de trop grand bonheur, que de se persuader que nous n’avons perdu que 200 hommes comme quelques-uns ont écrit. Il y eut 1 200 Français tués, ou blessés, & bien près de 300 cavaliers démontés. Et parce qu’on prit un soin le plus exact qu’il a été possible pour savoir avec assurance le nombre de morts, & des blessés, qui ont été remarqués dans le corps de cavalerie & d’infanterie, on a mis en ce lieu l’état qui en a été donné au général, par les officiers.

La compagnie de Boissac de 52 maîtres qu’il y avait au commencement du combat, fut réduite à 27.

Douze maîtres de la compagnie de gendarmes du duc d’Halluin, & 43 chevaux demeurèrent morts ou blessés.

Dix maîtres de la compagnie de Sainte-Croix.

De celle de Malves sept, de Saussan huit & un grand nombre de seigneurs et gentilshommes qui étaient dans escadrons des volontaires, parmi lesquels les plus remarquables, & dont la mort ou les blessures ont été publiées dans le camp, sont les marquis de Mirepoix, de Perault, le chevalier de Suze, Hannibal, le vicomte de Monsa, le baron de Trebien, la Prune, Travanet, Miraval, Pesens, d’Alzau, Sueilles, Mazieres, d’Autry écuyer de l’évêque d’Albi & Romens qui ont glorieusement perdu la vie en cette occasion. Les blessés étaient en plus grand nombre, le marquis d’Ambres, le comte de Clermont de Lodève, Restinclières, les barons d’Amboise, du Pujol, de Lescure, de Ribes, de Bonrepaux, le marquis de Mures, Clermont Vertillac, de Paulo Granval, Montmaur, Moranges, de Villa, Vaillauques de Murles, Delbose aide de camp, le chevalier de Vilaudric, de Coursoules frères, de Durban, Marsal de Monrabes, de montredon, de Filines, Douppia, Gabriac, Mongaillard, Bram, Montarnaud, Saint-Afrique, Jonquières, Mazeroles, Bertolene, Saint-Maurice, Saint-Julian, & d’Armissat. Il y eut beaucoup d’autres volontaires qui furent blessés ou tués en ce combat, lesquels ayant été emportés en même temps hors du camp, l’on n’a pas eu connaissance certaine de leurs blessures.

Quand à l’infanterie, celle du régiment de Languedoc reçut le plus grand échec. Le chevalier de Suze qui le commandait y mourut, Sueilles qui menait la tête lorsque le parc des chariots fut forcé, y fut brûlé, & depuis décédé de ses brûlures, les barons de Faugieres & de Monfrin, Saussan, Delbosc, Lambertie, capitaines en ce régiment, y furent blessés, d’Aubaïs lieutenant de Champaigneye, Jannet enseigne de Fauguieres y furent tués, 6 autres lieutenants blessés, 9 enseignes morts ou blessés, avec 254 soldats.

Le régiment de Vitry y perdit beaucoup d’officiers, des Auvergnes fils de Vinaza lieutenant colonel, le jeune Dalon, Rousson major, & son aide avec deux lieutenants furent tués, Vinaza lieutenant colonel y fut blessé, & 8 capitaines avec lui.

Du régiment de Saint-Aunès, le mestre de camp blessé de huit coups, Maureillan lieutenant colonel tué, Rosel major & trois autres capitaines blessés, 56 soldats morts ou blessés.

Du régiment de Castelan, Icard lieutenant colonel fort blessé, L’oustalnau major tué, Vacherin & Douviez capitaines tués, du Bourg, Passier, Clayran, Villebresse & Montagut capitaines blessés, avec deux lieutenants & 23 soldats morts.

Du régiment de Saint-André, les mestre de camp blessé, un capitaine tué, quatre blessés, avec six lieutenants & 60 soldats morts ou blessés.

Du régiment de Murviel, Tabarie & Berouve capitaines du régiment de Mongaillard, qui s’étaient joints à celui du baron de Murviel, beau-frère de leur mestre de camp, y furent blessés ; un capitaine de Murviel y fut tué, avec deux lieutenants & quelques soldats.

Du régiment de Jonquières Cauvisson, qui dans trois jours mis sur pied 800 hommes, & servit très bien en cette occasion, il fut tué un capitaine, trois blessés, quatre lieutenants tués, avec autant d’enseignes & 58 soldats.

Pour les milices, les chefs furent soigneux de rendre le dénombrement de leurs morts & de leurs blessés, & les soldats qui n’avaient été levés que pour le secours de Leucate, qui furent tellement dispersés après la bataille, que l’on ne peut rien dire avec certitude du nombre d’hommes qui leur furent tués ou blessés.

 

Extrait des provisions de Maréchal de France :

Louis, par la grâce de Dieu (…) Et considérant que nous ne pouvons en honorer un plus digne sujet que notre très-cher & bien-aimé cousin le duc d’Halluin, Charles de Schomberg, Pair de France, notre lieutenant en nôtre compagnie de 200 chevaux légers de nôtre garde, chevalier de nos ordres, grand maréchal des troupes de pied allemandes, lorraines, liégeoises a wallonnes entretenues pour notre service, gouverneur & lieutenant général en nôtre province de Languedoc (…) Nous avons nôtre-dit cousin le duc d’Halluin, fait, constitué, ordonné & établi, faisons, constituons, ordonnons & établissons par ces présentes signées de notre main, Maréchal de France…

Stéphane Thion