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La bataille d’Avins (20 mai 1635) d’après les relations

La bataille d’Avins (20 mai 1635) d’après les relations

Relation officielle de la bataille d’Avein (Chez Melchior Tavernier, graveur & imprimeur du Roy)

L’Armée du Roy destinée pour la Flandre, ayant commencé de marcher le douzième de ce mois dans le pays de Luxembourg & de Liège, pour s’aller joindre à celle de Messieurs les États, qui devait s’avancer d’un autre côté, après avoir traversé la forêt d’Ardennes, & plusieurs autres pays fort stériles, où la quantité de vivres dont elle fît provision avant que partir des frontières de France lui fut assez nécessaire, rencontra le vingtième de ce mois à sept heures du matin l’armée Espagnols, composée de dix mille hommes de pied, trois mil chevaux, & seize canons ; commandée par le Prince Thomas, campée sur son chemin très- avantageusement. Les escadrons qui se trouvèrent plus avancés, commandés par les sieurs de Moulinet & d’Alexis, ayant donné avis de l’état des ennemis, firent ferme assez longuement contre toute l’armée, soutenus seulement des régiments de Genlis & de Lusignan, & à la faveur de quelques haies, où le sieur de Camailleran les avait logé proche du canon.

Le brigade de Monsieur le Maréchal de Brezé qui faisait la moitié de l’armée, que ledit sieur Maréchal commandait toute ce jour là, se trouvant plus proche, fut mise par lui en bataille en un instant, & s’avança jusqu’au lieu où étaient les escadrons pour les soutenir. Monsieur le Maréchal de Châtillon qui était logé séparément, & avait été averti quelque temps auparavant que les ennemis s’étant avancé avec quelques troupes de sa brigade, dont les corps de Genlis, Luzignan, Alexis & Moulinet faisaient partis, arriva près d’eux par la main gauche presqu’en même temps que ledit sieur Maréchal de Brezé : & aussitôt fit descendre quatre mille hommes de pied, quatre cents chevaux, & quatre pièces de campagne d’un village, où Monsieur de la Meilleraye, en attendant sa venue les avait fait mettre en ordre par le sieur d’Espenan dans la plaine, où tout le reste de l’armée était déjà en bataille, excepté quelques régiments & compagnies de cavalerie de la brigade de Monsieur de Châtillon, qui n’avaient pu assez tôt recevoir les ordres pour s’y rendre, à cause que la longue traite du jour précédent les avait fait loger séparément, & éloignés les uns des autres.

Le Conseil de guerre fut tenu sur le champ de bataille, pour savoir si l’on devait continuer de marcher, faire ferme, où aller droit aux ennemis pour les combattre. Sur quelques diversités d’opinions, il fut trouvé bien de reconnaître encore de plus près la contenance des ennemis, pour faire jugement plus certain de leur dessein, de leur force, & de tout ce que l’on pouvait faire. Pour cet effet les sieurs de la Meilleraye, de Charnacé, & d’Espenan s’étant avancés jusqu’aux vedettes plus éloignées, qui avaient été posées en un lieu éminent, rapportèrent que les ennemis étaient en bataille à deux mille pas de là ; ce qu’ayant aussi été reconnu par lesdits sieurs de Châtillon,& de Brezé, personne ne douta plus qu’il ne fallut combattre. Ledit sieur de Brezé s’étant allé à l’aile droite, pource, comme il a été dit, que c’était son jour de commander l’armée, ledit sieur de Châtillon prit la gauche : & l’armée s’avança contre les ennemis au même ordre qu’elle était venue en leur présence.

Les ennemis voyant venir firent couler une partie de leurs troupes sur leur main gauche, & rangèrent leur infanterie dans un vallon, où elle était à couvert de leur canon,& de leur cavalerie. La bataille commença par l’aile droite, que ledit sieur de Brezé avait disposé de telle sorte, que la cavalerie & l’infanterie se soutenant l’un l’autre, il était impossible, sans un grand malheur, de les rompre & de les forcer. La décharge que les ennemis firent sur les nôtres de leurs carabins, canon & infanterie fut très-grande, quelques escadrons en furent ébranlés d’abord ; & après ce bruit la fumée du canon s’étant mêlée parmi une grande poussière que le vent élevait, mit quelque désordre parmi quelques-unes de nos troupes, qui ne se reconnaissaient presque plus, aucun ayant fait leur décharge contre les nôtres, même à l’endroit où était le Maréchal de Brezé. Nonobstant ce petit désordre, quelques escadrons de cavalerie ne laissèrent pas d’enfoncer les ennemis sur la droite : & Monsieur de Brezé ayant rallié tout ce qui s’était mis en désordre, les ramena au combat avec tant d’ardeur & de regret seulement d’avoir branlé, que les ennemis firent encore emportés en un autre endroit où ils donnèrent. L’aile droite ayant en cette sorte fait plier les ennemis, & déjà gagné leur canon, on s’aperçut que l’aile gauche où Monsieur de Châtillon commandait avait eu un pareil succès, & que la cavalerie des ennemis avait aussi lâché le pied de ce côté-là, si bien qu’il ne restait plus que leur infanterie qui avait fait ferme. Le sieur de la Meilleraye qui en fut averti par le sieur de Charnacé, laissa les escadrons de cavalerie, à la tête desquels il avait combattu jusqu’alors à l’aile droite ; & cependant qu’ils allaient poursuivant la victoire, s’en revint demander audit sieur de Châtillon les régiments de Champagne, de Cy, de Bellebrune, & de Mignieux, pour attaquer ce qui restait d’infanterie aux ennemis. Monsieur de Châtillon l’ayant trouvé bon, Champagne donna le premier courageusement, fut suivi & soutenu par les autres, ce qui acheva le combat ; car le sieur de Brezé avait fait avancer trois bataillons, & six ou sept escadrons pour les secourir, lesquels voyant qu’ils n’en avaient pas besoin avaient passé plus outre, pour empêcher le ralliement des ennemis, & assurer la victoire. Il ne fallut plus après cela que la poursuivre, ce qui fut fait si heureusement, que plus de cinq mil sont demeurés morts sur la place, seize pièces de canon, & le bagage pris, quatre-vingt neuf drapeaux, quinze cornettes, dix-huit cents prisonniers, presque tous leurs principaux officiers, entre lesquels de Comte de Fera (Feria), de la maison de Piemantel Gouverneur d’Anvers, & lieutenant général de l’armée, avec un sien neveu, & un sien cousin, un bâtard de l’Archiduc Leopold, le Comte de Billerval (Villerval) ayant le bras rompu d’une mousquetade, les colonels Ladron & Sfondrato, dont les régiments, l’un de deux mil Espagnols naturels, & l’autre d’autant d’Italiens, composés de quantité d’officiers réformés, & les meilleurs de tout le pays bas, ont été entièrement défaits.

Le Comte de Bucquoy se retira lui quatorzième dans Namur, après avoir eu deux chevaux tués sous-lui ; quelques- uns avaient cru mort le Prince Thomas, mais il se sauva de bonne heure parmi les nôtres ; car il n’y a eu que cinquante morts, & cent cinquante blessés ; mais quantités d’officiers se sont signalés dans le combat, parmi lesquels, outre la valeur & bonne conduite que Mes- sieurs les Maréchaux de Châtillon & de Brezé ont fait paraître en toute l’action, pour faire combattre toutes les troupes, & soutenir les endroits qui étaient ébranlés, où ils ont quelquefois été obligés de se mêler & de combattre de leurs mains ; Messieurs de la Meilleraye & de Charnacé y ont fait des merveilles en valeur & en jugement, se trouvant partout pour agir où il était nécessaire ; comme aussi le Marquis de Tavannes, & le sieur Lambert, le premier a été blessé légèrement au visage d’une mousquetade ; les sieurs d’Espenan& de Monsolens s’y sont autant qu’il est possible signalés ; les sieurs de Moulinet& d’Alexis ne sauraient être assez loués ; comme les sieurs de la Luzerne, Lenoncourt, d’Aumont, la Ferté-Seneterre, des Roches Saint-Quentin, des Roches-Baritaut, Ysault, Beauregard, Champros blessé légèrement de trois coups, & son cheval d’autant, Lansac, Praslin, Francieres, Bouchavanes, la Clavière, Viantais (Viantez) blessé légèrement au visage, & deux chevaux tués sous lui, Broully au Bayes, le Terail, Cambon, Asssera, Vatimont, Tivolieres, dont le cheval fut blessé en trois endroits, Beauregard, Blanchefort, Beauveau, Daint-Florent, Saintou, Vances, capitaine des Gardes de Monsieur le Maréchal de Brezé, dont le cheval a été tué d’une mousquetade, le Comte de Tonnerre, Marquis de Varennes, Calonge, Bellebrune, Genlis, Polignac, Castelnault, La Mothe-Houdencourt, & plusieurs autres Maîtres de camp, les volontaires y ont fait aussi parfaitement bien ; Messieurs de Vendômes, Prince de Marsillac, Marquis de Boissy, entre autres le Marquis de Narmoutié, Cursol, Hautefort, Beaumont, Builly, Guyancourt, Basoches Boisanval ; les autres aussi qui s’y sont portés très vaillamment, Chinoise & du Puits y ont été tués ; les sieurs de Grateloup, Montalet, & Chevaliers de Mousseleins qui menaient les enfants perdus de Piémont méritent aussi d’être particulièrement remarqués, après avoir fait faire leur décharge à bout portant, encore qu’ils vissent quelque petit désordre à leur main droite, ils ne laissèrent pas de s’y mêler à coups d’épée ; le sieur de Chastelier-Barlot ne s’y trouva pas, étant employé à ramasser douze cornettes de cavalerie, & les régiments de Mesdavy, Marquis de Brezé, Monmege & Mesnil, tirant de la brigade de Monsieur le Maréchal de Châtillon ; le sieur de la Ferté Imbaut ne combattit point aussi, ses compagnies étant destinées pour le gros de réserve.

Le lieu d’où parti l’armée du Roy, je jour du combat, se nomme Tinlo, & celui où la bataille fut donnée s’appelle Avein.

 

La bataille d’Avins selon le Mercure Français

On ne parlait que de guerre. Le rendez-vous général des troupes du Roy était à Mézières, sur les frontières de Champagne & du Luxembourg. Les Maréchaux de Châtillon & de Brezé étaient les Généraux de cette nouvelle armée, laquelle se trouva composée de vingt-cinq à trente mille hommes, tant Infanterie que Cavalerie, tous braves hommes & en très bon état, équipée de cinquante pièces de canon de divers calibre, avec leurs équipages & munitions. Lesdits sieurs Généraux s’étant rendus à Mézières, ils divisèrent leur armée
en deux parties, dont la première passa les 7 & 8 de May la rivière de la Meuse par le pont de Mézières, sous la conduite du Maréchal Châtillon, qui devait commander le premier jour, comme le plus ancien, & s’alla loger entre les rivières de la Meuse & de Samoy. L’autre
partie prenant la route & les postes de l’avant-garde passa le Samoy, depuis Bouillon jusques à Orcimont, suivis de l’artillerie & de son attirail ; & toute l’armée entière traversa les Ardennes dans le pays du Luxembourg. (…)

L’armée Française étant partie de Rochefort le 18 de May, leMaréchal de Châtillon conduisant l’avant-garde, prit le même jour Marche- en-Famine à capitulation, par laquelle trois cents soldats sortirent avec leurs armes seulement, & la ville fut mise sous la protection du Roy ; mais pour le peu d’importance de la place il n’y fut laissé aucune garnison. Le lendemain (19 mai 1635), toute l’armée fit une traite extraordinaire, et alla prendre ses quartiers aux environs de Freteur. Ce qui fit que les Français gagnèrent le devant, et empêcha qu’ils ne fussent coupés par l’armée du Prince Thomas, qui était composée de dix mille hommes de pied, et de trois mille chevaux. Le sieur de la Meilleraye voyant l’armée ennemie proche de son quartier, rallia les troupes près de lui si à propose, que les ennemis n’osèrent attaquer, et donna avis aux Maréchaux de Châtillon et de Brezé qu’ils s’approchaient avec de grandes forces. Aussitôt lesdits sieurs Maréchaux, logés à demi-lieue l’un de l’autre, montèrent à cheval chacun de son côté, et se joignirent en une plaine pour aller avec bon ordre vers ladite armée du Prince Thomas ; laquelle avait pris un poste fort avantageux, ayant placé toute leur infanterie dans un
petit vallon couvert de grosses haies, où ils avaient mis toute leur mousqueterie avec 16 pièces de canons, soit bien placées, et avaient avancé 1500 chevaux dans la plaine par où les Français allaient pour les attirer dans le gros de leur infanterie qu’ils tenaient cachée dans ce vallon. Ce qui empêcha d’abord les Français de bien reconnaître leurs forces ; le reste de leur cavalerie était dans une autre campagne par delà le vallon derrière leur infanterie. Les Maréchaux de Châtillon et de Brezé et le sieur de la Meilleraye s’avancèrent pour reconnaître leur contenance, et résolurent, après avoir consulté, d’aller droit à eux. Le Maréchal de Châtillon donna ordre audit sieur de la Meilleraye de faire venir douze pièces de campagne pour mettre à la tête des bataillons Français. Ce qu’il exécuta promptement.

La plaine par laquelle ils marchaient étant assez large pour mettre les deux brigades de front, le Maréchal de Brezé ayant l’aile droite de l’armée avec toutes ses troupes ensemble, et le Maréchal de Châtillon la gauche, avec une partie des siennes seulement, ils avancèrent
en très bon ordre, l’infanterie au milieu, et la cavalerie sur les ailes ; et pressant les ennemis, leur cavalerie qui était avancée se retira vers celle qui était derrière leur infanterie, laissant deux escadrons à côté de l’infanterie de main droite, et leurs carabins à côté desdits escadrons. L’aile droite qui était plus proche des ennemis, alla donner hardiment dans le corps de leur infanterie ; et les escadrons
Français de main droite s’avancèrent aussi contre ceux de l’ennemi, le Maréchal de Brezé à la tête leur montrant le chemin. Quelques
uns de ses escadrons ayant été surpris de la grande décharge des carabins et mousquetaires des ennemis, et leurs chevaux épouvantés du bruit et de la fumée de leurs canons, furent renversés sur des bataillons de l’infanterie qui les mirent en désordre : mais cela n’empêcha pas que le Marquis de Tavannes, à la tête des compagnies des sieurs de Vientes, la Luzerne, Lenoncourt, d’Aumont, la Ferté-Seneterre, Isaut, Beauregard-Champrou, Bouchavanes et la Claviere, avec une partie de leurs escadrons, n’enfonça la cavalerie des ennemis qui était de leur côté. Le sieur de Charnacé se trouva parmi eux, où il se fit signaler par son jugement et courage.
Le Maréchal de Brezé rallia ses bataillons qui avaient été en désordre, et les envoya attaquer l’infanterie des ennemis qui était à gauche de leur canon, laquelle ils emportèrent ; pendant qu’il les soutenait avec le reste de la brigade qui n’avait point passé, qu’il avait remis en ordre et que le sieur de Monsolins mena.

Le Maréchal de Châtillon étant à la tête de l’aile gauche, voyant les bataillons des ennemis qui étaient à main droite de leur canon, en bon ordre et en état de faire résistance, fit commandement au régiment de Champagne de les attaquer, le Marquis de Varennes à la tête, la pique à la main, leur montrant le chemin de bien faire. Ils y allèrent avec tel ordre et courage, qu’ils battirent d’abord un régiment Espagnol, et le régiment du Prince Thomas. Les régiments de Plessis-Praslin, Longueval, Genlis, Lusignan et Cy donnèrent ensuite, et achevèrent de mettre en route l’infanterie des ennemis ; et notre cavalerie de main gauche, le sieur Lambert Maréchal de Camp à leur tête, avec les compagnies des sieurs Moulinet, Brouilly, Cluy, Hocquincourt, Fourille, Comte d’Ayent, Aubais, Saint-Martin, Asserac, Belin, et les compagnies de carabins d’Arnaut, Bideraut, Maubuisson, Villars, couplées en escadron, ne perdirent point le temps d’aller droit à la leur, selon l’ordre qu’en avait donné le Maréchal de Châtillon ; et y allèrent avec telle hardiesse, que 1500 chevaux des ennemis ployèrent devant eux aux premiers coups de pistolet ; et l’escadron de Moulinet trouvant un régiment des ennemis qui commençait à se rallier, le tailla en pièces. Les Ducs de Mercoeur se trouvèrent à cette charge, où ils firent paraître leur courage, s’y étant portés très généreusement.

Il n’y eut plus qu’à poursuivre la victoire et à tuer. La compagnie de gendarmes et celle de chevaux légers de Monsieur demeura pour le gros de réserve, le sieur de la Ferté-Imbaut à leur tête, la contenance ferme de cet escadron donnant de l’effroi aux ennemis, sans toutefois combattre. Le sieur de Chastelier Barlot étant demeuré au quartier du Maréchal de Châtillon par son ordre très exprès, pour assembler le reste des troupes de sa brigade, ne manqua de s’avancer après le plus diligemment qu’il peut ; mais il ne vint qu’après le combat achevé. Il ne laissa pas d’arriver à propos. Car si les ennemis eussent fait plus de résistance ou se fussent ralliés, ce nouveau renfort eût bien aidé. Il est à remarquer en cette occasion que le Grand Maître de l’Artillerie fit aussi généreusement et judicieusement qu’un capitaine saurait faire, s’étant mis à l’aile droite, et partout où il y avait du péril. Les sieurs de Saint-Florent et de Beauregard-Blanchefort y servirent dignement et courageusement, portant avec promptitude et diligence les commandements aux troupes de l’aile gauche ; comme aussi les sieurs d’Espenan, de Monsolins, et de la Fitte de leur côté; Les Marquis de Boisy, de Narmontier, de Hautefort, le Comte de Beaumont, Chenoise qui y fut tué, le fils de Launay, Hercour, neveu du sieur Medan, firent très bien courageusement. Comme aussi le sieur de Charnassé, leMarquis de Tavannes qui fut légèrement blessé d’une mousquetade au visage, les sieurs Lambert, de Moulinet et d’Alexis, de la Luzerne, Lenoncourt, d’Aumont, la Ferté-Seneterre, des Roches, Saint-Quentin, des Roches-Baritaut, d’Isaut, Beauregard, Gadaigne autrefois Champron, celui-ci blessé légèrement de trois coups et son cheval d’autant, Lansac, Praslin, Francieres, Bouchavanes, la Claviere, Viantes blessé légèrement au visage et deux chevaux tués sous lui, Brouilly Aubayes, terrail, Cambon, Assarac, Vatimont, Tivolieres, Beauveau, Saintois, Vances capitaine des Gardes du Ma- réchal de Brezé, le Comte de Tonnerre, Marquis de Varenne, Calonge, Bellebrune, Genlis, Polignac, Castelnau, la Mothe-Odancourt et plusieurs autres, s’y rendirent remarquable par leur courage et jugement. Les volontaires y firent encore parfaitement bien, entre autres les Ducs de Mercoeur et de Beaufort, les Prince de Marsillac, Comte de Cursol, Beaumont, Bully, Guinancourt et Barches, du Puy qui y fut tué. Les sieurs de Grateloup Montalet, et Chevalier de Monsolins qui menaient les Enfants perdus de Piémont, méritent bien d’être particulièrement remarqués ; car après avoir fait faire leur décharge à bout-portant, encore qu’ils vissent quelque désordre à leur main droite, ils ne laissèrent pas de se mêler à coups d’épée.

Il y demeura des ennemis sur le champ et sur le chemin de leur fuite 4 000 morts, toute leur artillerie prise, avec tous leurs drapeaux, et quelques cornettes aussi, et cent cinquante mille patagons. Le Comte de la Faira fils du Comte de Benevent, gouverneur d’Anvers, le Comte Vuillervad Lieutenant de l’artillerie, le colonel Alonse Ladron Espagnol, le colonel Sfondrate italien, le colonel Brons Anglais, Dom Carlos d’Autriche fils bâtard de l’Archiduc Leopold furent pris prisonniers, et quantité d’autres. Le Prince Thomas se sauva de bonne heure. Le Comte Buquoy se retira lui quatorzième dans Namur, après avoir tué deux chevaux sous lui. En tout cet heureux exploit les Français n’y perdirent que 200 hommes de pied et environ 60 maîtres. Il y eut force officiers du régiment de Champagne blessés, deux capitaines, cinq lieutenants, et un enseigne ; du régiment de Piémont un lieutenant mort, et cinq ou six autres officiers blessés ; le sieur de Beauregard-Champrou ci-devant nommé fut blessé en deux ou trois endroits, et entre autres d’un coup de pistolet au bras gauche.

La plaine où la bataille fut donnée s’appelle Avein, à cause du bourg ou village proche ainsi nommé, entre ledit bourg d’Avein et Ochen, derrière la ville de Hoye au pays de Liège. Le combat dura depuis environ midi jusqu’à 5 heures du soir. Les régiments de la Meilleraye, Maréchal de Brezé, Castelnau, Saucourt et Calonge secondèrent de leur côté fort courageusement. Le régiment de Piémont, surtout les officiers s’y portèrent très dignement. Les autres régiments qui les soutenaient firent bien leur devoir en demeurant fermes dans leur place ; mais ils n’eurent pas l’ordre ni le temps d’aller au combat, étant demeurés pour troupes de réserve, en cas qu’il y eut plus de résistance.

La bataille d’Avins (20 mai 1635) d’après les témoins

La bataille d’Avins (20 mai 1635) d’après les témoins

La bataille d’Avins dans les Mémoires de Richelieu

Cependant l’armée du Roi s’était déjà mise en chemin ; car après avoir demeuré quelque temps à attendre, enfin les généraux, considérant qu’il serait plus glorieux au Roi d’aller au-devant de ses alliés qu’eux venir à nous, et que ce délai nous était préjudiciable, non-seulement donnant lieu aux ennemis de se reconnaître et de reprendre courage, mais encore de nous nuire et d’empêcher ou rendre très-difficile la jonction de nos armées, si passant dans le Luxembourg ils se saisissaient des passages, et avec des arbres coupés traversaient nos chemins, se résolurent de ne différer pas de marcher, nonobstant que l’armée des Hollandais ne fût pas si avancée comme elle devait. Ils divisèrent l’armée en deux brigades, l’une pour être commandée par le maréchal de Châtillon, l’autre par le maréchal de Brezé, nommés par le Roi pour commander son armée avec pouvoir égal, et s’étant accordés entre eux que chacun commanderait alternativement toute l’armée, et marcherait à l’avant-garde avec sa brigade. Le maréchal de Châtillon, comme le plus ancien, commanda la première journée et passa la Meuse à Mézières le 7 et 8 mai, et fut suivi de l’autre brigade, du canon et de l’artillerie, et envoyèrent en chemin demander passage sur le pont de Bouillon, qui leur fut accordé par le sieur Fériff, gouverneur de ladite place, pource qu’il savait bien ne leur pouvoir résister ; il les pria néanmoins de ne pas faire passer le canon sur le pont, que jamais les Espagnols n’en avait usé ainsi, et qu’afin que cela ne lui pré- judiciât point à l’avenir, il les suppliait de faire de même, vu principalement qu’il y avait deux ou trois gués à cinq cents pas au-dessous où il n’y avait que deux pieds d’eau ; à quoi les généraux lui répondirent que s’ils avaient à passer sur sondit pont, ils en useraient avec toute la courtoisie qu’il leur serait possible, ce qu’ils firent ; car ils passèrent la rivière de Semoy en trois lieux, l’artillerie au gué de Cugnon, partie de l’infanterie sur le pont de Bouillon, et l’autre avec la cavalerie au gué de la Forêt. Le sieur de La Meilleraie avec deux régiments et deux couleuvrines passa par Orsimont, qu’il prit à composition, et tous les corps de l’armée s’assemblèrent le 13 mai à Palizeuil, où ayant séjourné le lendemain pour refaire leurs chevaux, ils passèrent le 15 la forêt de Tellin par un chemin qu’ils avaient fait reconnaître. Le maréchal de Brezé se logea au-delà sur le bord
du bois, et le maréchal de Châtillon en-deçà, et le 16 arrivèrent à Rochefort, lieu avait été donné pour rendez-vous à notre armée, où ils attendirent un jour pour apprendre des nouvelles de l’armée du prince d’Orange, et, n’en entendant point, résolurent d’aller au-devant de lui jusqu’à Maestricht, bien qu’ils eussent avis assuré que l’armée des Espagnols, qui était assemblée vers la Sambre, en était partie et venait de passer la Meuse à Namur pour venir au-devant de nous. Le 18, les deux brigades se séparèrent ; le maréchal de Châtillon, ayant ce jour-là l’avant-garde, prit la route de Marche-en-Famine, petite ville de Luxembourg où il y avait garnison espagnole, qui d’abord se rendit à composition et reçut ses troupes, qui ce même jour y logèrent, et le maréchal de Brezé avec l’arrière-garde prit la main gauche entre Namur et Marche pour s’opposer au secours, en cas que la place fit résistance, et campa autour du village de Nelten. Le lendemain, la nouvelle continuant du passage des Espagnols et qu’ils venaient à nous, il fut résolu entre les généraux que l’on marcherait en bataille, et que l’on suivrait au premier logement, qui fut ce jour même à Freteur pour la brigade du maréchal Châtillon, et à Tinlo pour la brigade du maréchal de Brezé, distant d’un quart de lieu l’un de l’autre. Mais le maréchal de Châtillon fut contraint, par la nécessité des vivres et la misère du pays, de séparer ses troupes en des logements un peu éloignés les uns des autres, ce qui n’apporta pas peu de difficulté le lendemain, comme nous verrons ; car les ennemis s’avancèrent jusqu’auprès de nous pour nous combattre. Le sieur de La Meilleraie en eut le premier l’avis, et les sachant si proche de son quartier rallia les troupes près de lui si à propos qu’ils n’osèrent l’attaquer, et donna avis aux maréchaux de Châtillon et de Brezé qui s’approchaient avec leurs forces : aussitôt lesdits maréchaux montèrent à cheval chacun de son côté, et se joignirent en une plaine pour aller avec bon ordre vers ladite armée du prince Thomas, laquelle avait prit un poste fort avantageux, ayant placé toute leur infanterie dans un petit vallon couvert de grosses haies où ils avaient mis toute leur mousqueterie avec seize pièces de canon fort bien placées, et avaient avancé quinze cents chevaux dans la plaine pour nous attirer dans le gros de leur infanterie qu’ils tenaient cachée dans ce vallon, ce qui nous empêcha d’abord de bien reconnaître leurs forces ; le reste de leur cavalerie était dans une autre campagne par là le vallon derrière leur infanterie. Les maréchaux de Châtillon et de Brézé et messieurs de La Meilleraye s’avancèrent pour reconnaître leur contenance, et se résolurent, après avoir consulté, d’aller droit à eux.

Le maréchal de Châtillon eut un peu de difficulté à se résoudre à donner bataille (le 20 mai), à cause des ordres précis de leur instruction qui portait que l’armée du Roi joignit celle des États ; mais après avoir considéré qu’ils ne pouvaient, ni demeurer longtemps en ce lieu à cause de la disette des vivres, ni passer outre en présence de l’armée ennemie, sans courir le hasard d’en être combattu à notre désavantage, et le courage de toute notre armée qui demandait la bataille avec une ardeur indicible, et ce premier feu de notre nation, qui pour peu qu’on le veuille retenir s’éteint facilement, il consentit à l’avis des autres, qui dès le commencement avaient été portés à combattre. Lors le maréchal de Châtillon donna ordre au sieur de La Meilleraye de faire avancer douze pièces de campagne pour mettre à la tête de nos bataillons, ce qu’il exécuta promptement ; la plaine par laquelle nous marchions étant assez large pour mettre les deux brigades de front, le maréchal de Brezé ayant l’aile droite de l’armée avec toute ses troupes ensemble, et le maréchal de Châtillon la gauche avec une partie des siennes seulement, bien qu’il crût pouvoir prétendre qu’en un jour de bataille, qui est une occasion signalée qui arrive rarement, il devait conserver son droit d’ancienneté et commander l’armée, nous avançâmes en très- bon ordre, l’infanterie au milieu et la cavalerie sur les ailes et pressant les ennemis ; leur cavalerie qui était avancée se retira vers celle qui était derrière leur infanterie, laissant deux escadrons à côté de l’infanterie demain droite et leurs carabins à côté desdits escadrons ; l’aile droite qui était la plus proche des ennemis alla donner hardiment dans le corps de leur infanterie, et nos escadrons de main droite s’avancèrent aussi contre ceux de l’ennemi, M. le maréchal de Brezé à la tête leur montrant le chemin : quelques-uns de ces escadrons ayant été surpris de la grande décharge des carabins et mousqueterie des ennemis, et leurs chevaux épouvantés du bruit et de la fumée de leurs canons, furent renversés sur des bataillons d’infanterie qu’ils mirent en désordre, entre lesquels était le régiment de Piémont qui fut mis en mauvais état, et après ce bruit la fumée du canon s’étant mêlée parmi une grande poussière que le vent élevait, mit quelque désordre
parmi quelques-unes de nos troupes qui ne se reconnaissaient presque plus, aucunes ayant fait leurs décharges contre les nôtres ;mais cela n’empêcha pas que le marquis de Tavannes, à la tête des compagnies des sieurs de Viantes, La Luzerne, Lenoncourt, d’Aumont, La Ferté-Senneterre, Isaut, Beauregard-Champroud, Bouchavane et La Clavière avec une partie de leurs escadrons n’enfonçât la cavalerie des ennemis qui était de leur côté ; le sieur de Charnacé se trouva parmi eux, où il se fit signaler par son jugement et son courage. Le maréchal de Brezé rallia les bataillons qui avaient été en désordre, et les envoya attaquer l’infanterie des ennemis qui était à gauche de leur canon, laquelle ils emportèrent, et lui les soutenait avec le reste de sa brigade qui n’avait point passé, qu’il avait remise en ordre et que le sieur de Montsolins mena. Le maréchal de Châtillon étant à la tête de l’aile gauche, voyant les bataillons des ennemis qui étaient
à main droite de leur canon en bon ordre et en état de faire résistance, fit commandement au régiment de Champagne de les attaquer ; le marquis de Varenne à la tête, la pique à la main, leur montrant le chemin de bien faire, ils y allèrent avec tel ordre et courage qu’ils
battirent franc d’abord un régiment espagnol et le régiment du prince Thomas ; les régiments du Plessis-Praslin, Longueval, Genlis,
Lusignan y donnèrent ensuite et achevèrent de mettre en route l’infanterie des ennemis ; et notre cavalerie de main gauche, le sieur Lambert, maréchal de camp, à leur tête, avec les compagnies des sieurs Moulinet, Brouilly, Cluy, Hocquincourt, Fourrilles, comte d’Ayen, Aubays, Saint-Martin, Asserac, Belin, et les compagnies de carabins d’Arnaud, Bideran, Montbuisson, Villars, couplées en escadron, ne perdit point de temps d’aller droit à la leur, selon l’ordre qu’en avait donné le maréchal de Châtillon ; il y allèrent avec telle hardiesse que quinze cents chevaux des ennemis ployèrent devant eux aux premiers coups de pistolet, et l’escadron de Moulinet trouvant un régiment des ennemis qui commençait à se rallier le tailla en pièces. Messieurs de Vendôme (les ducs de Mercoeur et de Beaufort, fils du duc de Vendôme) se trouvèrent à cette charge, où ils firent paraître l’ardeur de leur courage, s’étant portés très-généreusement ; alors il n’y eut plus qu’à poursuivre la victoire et à tuer.

La compagnie de gendarmes et celle de chevau-légers de Monsieur demeura pour le gros de réserve, le sieur de La Ferté-Imbaut à leur tête ; la contenance ferme de cet escadron donnant de l’effroi aux ennemis, Châtelier-Barlot étant demeuré au quartier du maréchal Châtillon par son ordre très-exprès pour assembler le reste des troupes de sa brigade, ne manqua de s’avancer après plus diligemment qu’il put, mais il ne vint qu’après le combat achevé; il ne laissa pas d’arriver à propos, car si les ennemis eussent fait plus de résis- tance ou se fussent ralliés, ce nouveau renfort nous eût bien aidés. En toute cette action, le grand maître de l’artillerie fit aussi généreusement et judicieusement que capitaine saurait faire, s’étant mis à l’aile gauche, à l’aile droite, et partout où il y eut péril. Il demeura des ennemis sur le champ, et sur le chemin de leur fuite, quatre mille morts ; toute leur artillerie prise avec tous leurs drapeaux, et quelques cornettes aussi. Leur armée était composée de dix mille hommes de pied, trois mille chevaux et de seize canons, avec un bel attirail, commandée par le prince Thomas comme général, et par le comte de Feria, gouverneur d’Anvers, comme mestre de camp général. Le prince Thomas se sauva de vitesse, et le comte de Feria fut pris prisonnier ; le comte de Villerval, lieutenant de la cavalerie du comte de Buquoy, le lieutenant général de l’artillerie, le colonel Alphonse Ladron, Espagnol, le colonel Bronz, Anglais, don Charles d’Autriche, fils d’une bâtarde de l’Empereur, sont prisonniers, et quantité d’autres. En tout cet heureux exploit nous ne perdîmes que deux cents hommes de pied et environ soixante maîtres ; y eut force officiers du régiment de Champagne blessés, deux capitaines, cinq lieutenants et un enseigne du régiment de Piémont ; un lieutenant mort et cinq ou six autres officiers blessés ; Beauregard-Champroud, ci-devant nommé, fut blessé en deux ou trois endroits, et entre autres d’un coup de pistolet dans le bras gauche, qui l’incommoda un peu. Après cette victoire, la poursuite finie, et les actions de grâces ayant été rendues à Dieu sur le champ de bataille, l’armée reprit le soir les mêmes logements ; la plaine où la bataille fut donnée s’appelait Avein, du lieu d’un village proche de là.
Source : Mémoires de Richelieu

La bataille d’Avins selon Jacques de Chastenet de Puységur (1600-1682), mestre de camp du régiment de Piémont

L’armée avant de passer le pont (de Mézières) fut séparée en deux brigades d’infanterie, de l’une desquelles Champagne était le chef, & Piémont l’était de l’autre. Il y avait dans chaque brigade onze mille hommes de pied, soldats effectifs portant piques & mousquets, sans comprendre les officiers, ni les sergents, ni les valets. La brigade de Champagne était celle que l’on appelait la brigade de Monsieur de Châtillon, & celle de Monsieur le Maréchal de Brézé se nommait la brigade de Piedmont. La cavalerie était composée de six mille chevaux, sans y comprendre aussi les officiers & les valets. Tous cavaliers étaient bien armés de bonnes cuirasses et de bonnes tassettes, chacun un casque en tête. On mit trois mille chevaux à chaque brigade. L’artillerie était composée de vingt-quatre pièces de
canon, douze à chaque brigade, & Monsieur de la Meilleraye y faisait sa charge de Grand Maître. Les chariots de vivres, pains & autres munitions nécessaires, étaient aussi complets, & en aussi bon ordre que l’on le pouvait souhaiter. Nous partîmes de Mézières la brigade de Monsieur de Châtillon ayant l’avant-garde, & allâmes camper à deux lieues de là. Le lendemain il nous fallut passer une rivière, dans laquelle les soldats avaient de l’eau jusqu’au nombril. Nous leurs fîmes ôter leurs souliers, leurs bas, & leurs hauts de chausse, qu’ils mirent sur les épaules avec leurs armes, & sitôt qu’ils furent passés, on fit halte pour leur donner le loisir de se rhabiller. Après nous allâmes camper à deux lieues de là avec la brigade de Monsieur de Brezé. Monsieur de Châtillon avec la sienne alla prendre Marche en Famine, qui ne tint que vingt-quatre heures. Nous étions pendant ce temps là dans un quartier qui couvrait le sien. Comme la place eut capitulé, il manda à Monsieur de Brezé de tirer droit à un village qui était proche d’un passage qui conduisait à Liège ; c’est un lieu d’un très difficile accès, où nous allâmes néanmoins loger, laissant un village nommé Autin, distant d’un quart de lieue du nôtre, pour loger la brigade de Monsieur de Châtillon. Nous ne mîmes de ce côté là qu’une petite garde de cavalerie, dans la pensée que nous avions que
Monsieur de Châtillon prendrait ce quartier là pendant la nuit. Néanmoins il n’y vint pas, & Monsieur le Prince Thomas qui commandait l’Armée de Flandre, se logea dans le village. Les députés de Liège vinrent trouver Monsieur de Brezé, qui leur avait envoyé donner avis du lieu où il était, & comme il fallait qu’on passât par un coin de leur païs pour aller à Mastrich, afin de joindre Monsieur le prince d’Orange ; durant le temps qu’il leur donnait audience, & qu’il les trouvait fort fiers, même en volonté de nous empêcher le passage, j’entrai dans sa chambre, & en présence de ces députés, je lui dis : Monsieur, le quartier qui est ici prêt, que vous aviez laisser pour Monsieur de Châtillon, est présentement occupé par le Prince Thomas & l’armée de Flandres. Comment savez-vous cela ? me dit-il. Je lui répondis : Monsieur, voilà deux soldats que je vous amène, qui ont été pris & dépouillés par les troupes qui y sont logées. Aussitôt il se tourna vers les députés, & leur dit : Je ne m’étonne pas si vous êtes si fiers, & si vous apportez tant de difficulté à nous laisser passer, puisque vos bons amis sont si près de vous : retournez vous-en, & moi je m’en vais me battre, & après cela vôtre fierté sera bien abaissée, & je vous assure que nous passerons malgré vous ; au même moment il les fit sortir hors sa chambre,& ils s’en allèrent. Il me commanda de faire battre le second, parce que le premier avait été battu, croyant marcher pour passer le Pas de Liège, en étant plus proche de la brigade de Monsieur de Châtillon. Je fis battre le second, & le dernier tout aussitôt, & prendre les armes.

L’armée fut presque en un instant rangée en bataille, & j’eus l’honneur de l’y mettre, d’autant que celui qui en était Sergent, était lors avec Monsieur de Châtillon, & moi j’en faisais la charge dans la brigade de Monsieur de Brezé, lorsqu’elle était séparée pour aller en bataille, depuis le quartier où nous étions, jusques à celui des ennemis. La plaine n’était pas trop grande pour la brigade de Monsieur de Brezé ; le la séparai en deux lignes, faisant cinq bataillons à la première, & cinq à la seconde ; & sur chaque aile des deux lignes, sept escadrons de cent chevaux chacun, & marchâmes droit aux ennemis. Monsieur de la Meilleraye arriva, qui venait d’avec monsieur de Châtillon, & comme il me rencontra le premier, parce que le m’étais avancé pour voir si la plaine ne se resserrait, ou ne s’agrandissait point, afin que selon les lieux je fisse le front ou plus grand ou plus petit, s’il en eût été besoin, il me dit : Hé, Puysegur, à quoi songe Monsieur de Brezé, de vouloir faire marcher l’armée, il hasarde de se faire battre ; & s’il attend les troupes de Monsieur de Châtillon, nous sommes assuré de gagner le combat. Je lui dis, il faut, Monsieur, que vous parliez à lui, s’il vous plaît, le voilà à la tête de l’armée, dans le milieu, monté sur un cheval qui est si bien caparaçonné. Il alla donc parler à lui, mais il lui répondit qu’il ne voulait rien attendre, qu’il allait droit aux ennemis, & qu’il les battrait.

Dans ce même temps là l’armée de Monsieur de Châtillon parut, qui venait en toute diligence du côté de notre main gauche, qui était celle qu’elle devait tenir en combattant, à cause que Monsieur de Brezé étant en jour de commandement, devait avoir la droite. Comme il approchait de nous, sa cavalerie arrivant la première, je fis de faire à droite aux sept escadrons qui couvraient notre aile gauche, & proche de nôtre infanterie ; & en même temps que celle de Monsieur de Châtillon arrivait, ils prenaient leurs postes. Nous marchâmes droit à Avein. Les ennemis n’étaient point rangés en bataille vis à vis de nous, mais ils étaient retranchés dans de grands chemins, &
dans des champs fort élevés, comme sont tous les villages du pays de Liège. Notre cavalerie s’avançant sur nôtre aile droite, les ennemis
firent une décharge dessus. Il y eut la moitié des escadrons qui prit la fuite, & en fuyant rompit la moitié de l’aile droite de nos mousquets. Nôtre infanterie avançait toujours, & était fort proche de leurs retranchements. Ils tirèrent deux coups de canon chargés à cartouche, dont ils tuèrent dans le bataillon trente ou quarante hommes ; & en blessèrent autant. Nous les enfonçâmes avec l’infanterie, & nous gagnâmes tout le bourg & toutes les avenues. Quand nous fûmes rendus maîtres du bourg, & que nous eûmes passé, leur cavalerie voulut venir à nous ; mais la nôtre chargea si bien à point qu’elle la défit. Dans le temps que le combat se donnait, Monsieur le Prince d’Orange avait envoyé un cornette de la compagnie de Monsieur de Bouillon, avec vingt maîtres, pour savoir où était l’armée de France ; & comme il arriva pendant le combat, lui & ses vingt maîtres furent pris & dépouillés, comme s’ils eussent été ennemis.

Le Prince Thomas perdit la plus grande partie de sa cavalerie & toute l’infanterie qu’il avait menée, avec quantité d’Officiers, Colonels, & Capitaines pris, du nombre desquels était Dom Esteve de Gamara. La bataille ainsi finie & gagnée, nous coupâmes en un lieu où Messieurs de Liège vinrent offrir passage, & les vivres tels qu’on les voudrait prendre dans leur ville. Nous passâmes près de Liège, & allâmes joindre Monsieur le Prince d’Orange à Mastrich. Il vint au camp voir l’armée, qu’il trouva fort leste & fort belle.

 

La bataille d’Avins selon Louis de Pontis (qui fut capitaine du compagnie des Gardes Françaises)

Je suppliai Sa Majesté de me donner quelque emploi, & de me permettre d’aller avec monsieur le maréchal de Brezay en Hollande. (…)
Monsieur le maréchal de Brezay (…) me chargea de lever son régiment, dont il me fit premier capitaine & major, & de plus comme son aide de camp. L’armée de Picardie qu’il commandait alternativement avec monsieur le maréchal de Châtillon, n’était pas moins de 20.000 hommes de pied, & de 6 à 7.000 chevaux. Le dessein des généraux était d’aller assiéger la ville de Namur située sur la Meuse. C’est pourquoi lorsque l’armée en approcha de quatre ou cinq lieues, monsieur le maréchal de Brezay nous envoya à monsieur de Vientais, monsieur de Lansac & moi, pour reconnaître auparavant les ennemis & le dehors de la ville, & nous donna une escorte de 300 chevaux. Nous prîmes au village d’Avein quelques prisonniers, de qui nous sûmes que les ennemis s’avançaient avec toute leur armée sous la conduite du prince Thomas qui en était général, du comte Feria fils du comte de Benevent gouverneur d’Anvers son lieutenant général,& du comte de Buquoy qui commandait la cavalerie. Nous marchâmes toute la nuit, & nous étant avancés jusqu’assez près de Namur, nous laissâmes dans un bois notre escorte, afin de pouvoir nous approcher davantage de la ville, & mieux reconnaître toutes choses. (…)

Nous commençâmes aussitôt à voit l’armée qui passait sur le pont de la Meuse, & nous comptâmes jusqu’à 40 compagnies de cavalerie.
En ayant trop vu & entendu pour n’être pas assurés que ce ne fût l’Armée ennemie, nous retournâmes promptement joindre notre escorte, & regagner le village d’Avain au grand trot ; car il ne faisait pas trop sûr de s’arrêter en chemin, les ennemis ayant commencé bientôt après à détacher quelques pelotons de cavalerie pour battre la campagne,& venir reconnaître notre Armée. Si j’eusse voulu croire Messieurs de Vientais & de Lansac, nous nous fussions arrêtés à Avain pour nous reposer à cause que nous étions extrêmement fatigués ; mais je leur présentai si fortement le péril où ils s’exposaient d’être égorgés par les coureurs, ce qui ne leur eût pas été honorable, que nous continuâmes notre marche jusqu’à l’Armée. Nous fîmes notre rapport à Monsieur le Maréchal de Brezay, qui eut d’abord quelque peine à croire que les ennemis fussent si proches :mais ne pouvant néanmoins démentir nos yeux & nos oreilles, il donna à l’heure même tous les ordres pour que nous ne fussions pas surpris par les ennemis.

Monsieur le maréchal de Châtillon avec toute l’arrière-garde était encore assez éloigné ; & quoique le maréchal de Brezay ne fût pas fâché de commencer la bataille sans lui, il l’envoya néanmoins avertir de s’avancer en diligence. Le maréchal de Châtillon arriva peu
de temps après ; & considérant avec sa froideur accoutumée la posture des ennemis, il dit fièrement aux officiers qui étaient présents ; je me réjouis de les voir si près de nous ; je les aime mieux là qu’à Bruxelles. Les ennemis s’étant emparés du village d’Avein, on fut obligé de disposer notre armée en bataille dans un vallon fort étroit, où nos généraux n’eurent pas peu de peine à corriger par leur habileté le désavantage du lieu. Le maréchal de Brezay prit l’aile gauche, & le maréchal de Châtillon l’aile droite (ndlr : c’est une erreur, Châtillon prit la gauche). Monsieur de Brezay qui me faisait l’honneur, comme j’ai dit, de me témoigner beaucoup de bonté, & qui croyait que j’avais quelque expérience dans la guerre, voulut ce jour-là que je fisse la charge de sergent de bataille ; ce qui m’obligeait à me trouver en divers lieux pour y faire exécuter les ordres des généraux.

Au commencement du combat, les enfants perdus des ennemis repoussèrent les nôtres, qui tombèrent avec assez de désordre sur ceux qui les soutenaient. Leur artillerie qui était postée très-avantageusement pour eux fit en même temps un si grand feu & un tel fracas qu’une grande partie des troupes de l’aile gauche en fut ébranlée. Ce fut alors qu’un officier considérable qui était à cheval proche de moi, & à qui je venais de parler prit tout d’un coup l’épouvante & s’enfuit à toute bride. Ceux qui le virent commencèrent à crier untel s’enfuit. Quoique je le connusse point particulièrement, je fus touché néanmoins de voir que cette seule action était capable de le perdre pour jamais. Et dans l’instant je dis à haute voix à ceux qui l’avaient remarqué ; Non, il ne s’enfuit pas, & il va où je lui ai commandé. En même-temps je lui envoyai un gentilhomme qui était auprès de moi, & à qui je me fiais, pour l’avertir de ce que j’avais témoigné en sa faveur, & l’obliger de revenir sur le champ reprendre son poste & me dire devant tout le monde qu’il avait exécuté l’ordre que je lui avais donné. En effet il revint à l’heure même ; il me parla comme me rendant compte de ce qu’il avait fait, & il eut toute sa vie une parfaite reconnaissance de ce bon office que je lui rendis alors. Nos troupes s’étant rassurées de nouveau après cette première épouvante, & faisant réflexion sur ce qu’on pourrait leur reprocher de s’être étonnés du bruit du canon, & d’avoir plié d’abord, rentrèrent au combat & marchèrent contre les ennemis avec tant de furie, qu’après une résistance opiniâtre qui dura longtemps de part & d’autre, ils furent enfin obligés de lâcher le pied & de nous abandonner le champ de bataille. Je remarquai alors le prince Thomas, qui après avoir combattu avec beaucoup de valeur se retira des derniers. Étant extraordinairement pressé, il fut obligé de sauter par dessus une petite muraille pour se sauver, & en sautant il laissa tomber son chapeau & sa canne, au bout de laquelle ses armes étaient gravées sur une poignée d’or. Comme je le suivais de fort près je ramassai cette canne, & la donnai ensuite au maréchal de Brezay qui en fit quelque temps après présent au Roi. De plus nous poussâmes si vivement le comte Feria son lieutenant général, qu’il fut obligé de me demander quartier en criant, sauve la vie ; rançon de 10.000 écus. Ainsi je le fis mon prisonnier.

Mais quelque grande & signalée qu’ait été cette victoire, elle fut sanglante pour la France, qui perdit un très-grand nombre de braves
gens qui y furent sacrifiés pour le bien général de l’État. On y prit une infinité de drapeaux & de cornettes, & on y fit beaucoup de prisonniers. Le principal était le comte de Feria dont j’ai parlé. Dom Charles, bâtard de l’archiduc Leopold, le colonel Sfondate Italien, le colonel Brons Anglais y furent aussi pris. Pour le prince Thomas & le comte Buquoy, ils trouvèrent leur sûreté dans leur fuite. j’eus un assez grand différent après le combat, avec celui qui commandait les enfants perdus, lequel soutenait que le comte de Feria avait demandé quartier, & que c’était à moi qu’il s’était rendu, & qu’au reste je m’en rapportais au jugement du prisonnier même.

La bataille d’Avins (20 mai 1635)

La bataille d’Avins (20 mai 1635)

Au début de l’année 1633, Richelieu poussait Louis XIII à financer la guerre en Allemagne et en Hollande, craignant que si la paix se faisait en Allemagne et la trêve en Hollande, ou l’une des deux seulement, la France aurait à supporter seule une guerre défensive, qu’on lui apporterait jusque dans ses entrailles, sans qu’elle la pu éviter. La défaite des armées suédoises à Nördlingen, le 6 septembre 1634, allait précipiter les choses : Louis XIII s’engageait alors dans la guerre aux côtés des Protestants et contre l’empire Habsbourg. Le 8 février 1635, la France et la Hollande signent un Traité d’alliance. En mars 1635, le Cardinal Infant attaque la ville de Trèves dont l’Électeur s’était mis sous la protection de la France. Il prend la ville et fait prisonnier l’Électeur et la garnison française. Louis XIII et Richelieu prennent alors ce prétexte pour déclarer la guerre à l’Espagne.

L’armée de Picardie a pour ordre de traverser la Meuse et de faire la jonction avec celle du prince d’Orange à Rochefort, en Wallonie. Les corps des maréchaux Châtillon et Brézé se réunirent le 7 mai à Mézières.

Début 1635, le cardinal de Richelieu, demeurant sur la défensive du côté de l’Espagne, met sur pied cinq armées : la première en Picardie et destinée aux Pays-Bas, sous les maréchaux Brézé et Châtillon (12 500 à 16 000 hommes de pied et 3 500 chevaux selon Richelieu) ; la seconde en Lorraine, chargée de surveiller Brisach, sous le maréchal de La Force (12 à 15 000 hommes de pied, 1 000 dragons et 4 000 chevaux) ; la troisième sur la Sarre, pour s’opposer aux Impériaux de Galas, sous le cardinal de La Valette (11 à 16000 hommes de pied, 1 700 dragons et 3 500 chevaux) qui peut aussi compter avecl’aide des Weimariens de Bernard de Saxe-Weimar (12 000 hommes de pied et 6 000 chevaux) ; la quatrième en Valteline sous le duc de Rohan (12 000 hommes de pied et 500 chevaux) ; enfin, en Italie, l’armée franco-savoyarde du duc de Savoie et du maréchal de Créqui (14 000 hommes de pied et 1 500 chevaux). Une seconde armée était en cours de constitution, en Picardie, pour attaquer la Flandre (7 000 hommes de pied, 500 dragons et 1 480 chevaux), et le Roi gardait auprès de lui une armée de 15 à 25 000 hommes de pied, 1 000 dragons et 2 000 cavaliers. À toutes ces armées, s’ajoutaient l’ensemble des garnisons faisant 30 000 hommes.

Le 20 mai, le prince Thomas poste avantageusement son armée près du village d’Avins. Les espagnols sont en effet bien retranchés devant le village. La brigade Brézé, qui occupe le flanc gauche de l’armée française, se met alors en bataille. Peu de temps après, la brigade de Châtillon arrive et se déploie à gauche de la brigade Brézé.

L’armée française des maréchaux Châtillon et Brézé compte plus de 20 000 fantassins et 6 à 7 000 chevaux selon Pontis, 22 000 fantassins & 6 000 chevaux hors officiers et valets, en deux brigades de 11 000 fantassins et 3 000 cavaliers, et 24 canons selon Puysegur. Chaque brigade compte 11 000 fantassins et 3000 chevaux selon Puysegur (mais lorsqu’il déploie son armée, il ne compte plus que 14 escadrons de 100 chevaux). La carte de Melchior Tavernier recense, pour l’infanterie, 22 régiments faisant chacun un bataillon, et 30 escadrons de cavalerie composés chacun – le plus souvent – de deux compagnies de cavalerie.

Le corps du prince Thomas de Savoie qui affronte l’armée française ne compte qu’une partie de ces forces : 10 000 fantassins en 120 enseignes, 3 000 chevaux en 45 cornettes et 16 canons selon Richelieu, 8 000 fantassins et 2 000 chevaux selon Gualdo Priorato, 7000 fantassins et 2 500 chevaux selon une source espagnole. Le comte de Feira en était maître de camp général, le comte de Buquoy y commandait la cavalerie et le comte d’Hoochstrate, l’infanterie. La relation du Mercure Français cite le tercio espagnol d’Alfonso de Ladron de Guevara, le tercio italien de Sfondrato, le régiment anglais de Brons, le régiment allemand d’Hoochstrate et le régiment du prince Thomas.

La bataille commence par un combat entre enfants perdus qui tourne à l’avantage des espagnols. Puis la cavalerie espagnole de l’aile gauche se retire derrière son infanterie. La cavalerie de l’aile droite française s’avance alors sur la gauche espagnole mais essuie un fort feu de mousqueterie et d’artillerie qui met la moitié des escadrons français en fuite. Les bataillons d’infanterie de Brézé sont en aussi mis en désordre. Une fois ses bataillons ralliés, Brézé lance sa brigade sur l’aile droite espagnole et l’enfonce. La cavalerie de Tavannes en soutien de la brigade enfonce de son côté les escadrons espagnols.

L’aile gauche française s’ébranla peu après le succès de l’aile droite. Champagne, soutenu par le reste de la brigade, enfonce le reste de l’armée espagnole. La réserve n’aura pas à donner, la victoire est consommée. Plus de 4 000 morts seraient restés sur le terrain du côté espagnol pour moins de 500 côté français. Feira est fait prisonnier mais le prince de Savoie et Bucquoy parviennent à s’échapper.

 

L’armée française (Brézé et Châtillon) : 20 000 fantassins en 22 bataillons, 6 000 chevaux en 29 escadrons et 24 canons.

Ligne d’artillerie : 24 pièces alignées sur le front de l’armée, à priori principalement sur le front de la brigade Brézé. Sur les différents plans de la bataille, il semble que seulement 7 pièces d’artillerie aient été déployées sur le front de la brigade Brézé.

Aile gauche (Châtillon) :

Première ligne de cavalerie (de gauche à droite) : 5 escadrons des compagnies de carabins d’Arnaud (2 escadrons), Moulinet et Hocquincourt (1 escadron), Brouilly (1 escadron) et Aubaye (1 escadron).

Seconde ligne de cavalerie : 5 escadrons des compagniesCleay (1 escadron), Creuzy et Tavannes (1 escadron), Ouzonville et Bourry (1 escadron), Fourille et Agin (1 escadron) et Belin (1 escadron).

Première ligne d’infanterie : 5 bataillons d’infanterie des régiments (de gauche à droite) Champagne, Plessis-Praslin, Longueval, Senlis, et Lusignan
Seconde ligne d’infanterie : 4 bataillons d’infanterie des régiments Sy, Chuin, Coursan, et Calonge.

Aile droite (Brézé) :

Première ligne d’infanterie : 5 bataillons d’infanterie des régiments (de gauche à droite) : Maréchal Brézé, La Mothe-Houdencourt, Saucourt et Piémont.

Seconde ligne d’infanterie : 1 escadron de gendarmes et chevaux légers de Monsieur (entre les deux brigades)  puis 4 bataillons d’infanterie des régiments Bellebrune, Castelnau, Polignac et Migneux.

Première ligne de cavalerie (de gauche à droite) : 6 escadrons de cavalerie formés des compagnies Roche-Baritanet et Lansac (1 escadron), Lenoncourt et Aumont (1 escadron), La Ferte-Seneterre (1 escadron), Roche-Saint-Quentin et Beaupré (1 escadron), Beauregard et Tivolières (1 escadron), Viantez et Terail (1 escadron).

Seconde ligne de cavalerie : 5 escadrons formés des compagnies La Colonelle et Clavière (1 escadron), Praslin et Francierre (1 escadron), La Courbe et Requin (1 escadron), La Valette et Isaut (1 escadron), Luzerne et de la Tour (1 escadron).

Réserve (Chastelier-Barlot) :

Troisième ligne, de gauche à droite :

2 escadrons de cavalerie (compagnies Batterie et Saint-Martin), 1 bataillon d’infanterie du régiment de Grancey, 1 escadron de cavalerie (La Chapelle-Balou), 1 bataillon d’infanterie du régiment Mesnilserran, 2 escadrons de cavalerie (formé avec les compagnies Esche et Saint-Simon pour le premier, Mestre-de-camp et Baritaut pour le second), 1 bataillon d’infanterie du régiment Monmege, 1 escadron de cavalerie (compagnie Pont de Gourlay), 1 bataillon d’infanterie du régiment marquis de Brézé, 2 escadrons de cavalerie (compagnies Guiche et La Trousse).

Les bataillons d’infanterie sont à 900 hommes et les escadrons de cavalerie à 200 chevaux.

Pour LM Tercios, les 22 bataillons d’infanterie sont reformed battalion. Deux de ces bataillons sont reformed battalion veteran (Champagne et Piémont). Les 29 escadrons de cavalerie sont cuirassiers modern cavalry. L’artillerie est représentée par 1 canon moyen et 1 canon léger.

Quelques drapeaux de régiments français présents à Avins :

Piémont

Champagne

Grancey

Plessis-Praslin

Castelnau

La Mothe-Houdencourt

 

L’armée espagnole du prince Thomas de Savoie : 10 000 fantassins en 7 bataillons, 3 000 chevaux en 17 escadrons, 16 canons

Le corps du prince Thomas de Savoie qui affronte l’armée française ne compte que 10 000 fantassins en 120 enseignes, 3 000 chevaux en 45 cornettes et 16 canons selon Richelieu, 7 000 fantassins et 2 500 chevaux selon une source espagnole. Le comte de Feira en était maître de camp général, le comte de Buquoy y commandait la cavalerie et le comte d’Hoochstrate, l’infanterie. Régiments d’infanterie présents : tercio espagnol d’Alfonso de Ladron de Guevara, tercio italien de Sfondrato (tercio viejo), tercio wallon de Frezin, le régiment anglais de Brons, le régiment allemand d’Hoochstrate et le régiment du prince Thomas.

Front de l’armée : artillerie (16 pièces)

Première ligne :

Aile gauche (comte de Vilerval ?) : 3 escadrons de cavalerie disposés en échiquier (2 en première ligne, 1 en derrière)

Centre (Bucquoy) : 4 escadrons de cavalerie en ligne et 4 escadrons probablement du régiment de Bucquoy, disposés en échiquier (2 devant et 2 derrière). Cette ligne de cavalerie va dès le début de la bataille retraiter derrière l’infanterie.

Aile droite : 3 escadrons de cavalerie disposés en échiquier (2 en première ligne, 1 en derrière)

Seconde ligne :

Centre (Hoochstrate) : 7 bataillons d’infanterie disposés en échiquier. En première ligne : 4 bataillons/escadrons des tercios de Sfondatro (à droite, puisque le plus ancien des tercios présents), Ladron de Guevara et Frezin (si réellement présent) en première ligne, 3 bataillons des régiments de Brons, d’Hoochstrate et  prince Thomas probablement en seconde ligne.

Aile droite : 3 escadrons de cavalerie disposés en échiquier (2 en première ligne, 1 en derrière)

Selon ces effectifs donnés par Richelieu (probablement surestimés), les bataillons/escadrons d’infanterie sont à 1430 hommes et les escadrons de cavalerie probablement à 177 chevaux.

Pour LM Tercios : les tercios espagnols et wallons sont tercios modernised  (les 4 bataillons de première ligne) dont 2 (Sfondatro) sont tercios viejos modernised. Les 3 bataillons de seconde ligne sont classic squadron modernised, large squadron. Les 17 escadrons de cavalerie sont cuirassiers. L’artillerie est représentée par 2 canons moyens. Toute l’infanterie est protected et l’artillerie espagnole est fortified. N’hésitez pas à donner de meilleurs généraux aux espagnols pour équilibrer la partie (le prince Thomas de Savoie est effectivement un bon général).

Pour les éléments du champ de bataille, voir les plans ci-dessous.

 

Stéphane Thion

L’armée espagnole à la bataille d’Avins (1635)

L’armée espagnole à la bataille d’Avins (1635)

Selon le Mercure Français, l’armée espagnole de Flandre comptait, à la mi-1634, 23 000 hommes de pied et 7 000 chevaux. L’infanterie était composée de quatre régiments d’Espagnols des Maîtres de camp Alonso Ladron, Marquis de Celade, Dom Francisco Capate, et dix compagnies d’Espagnols nouvellement venus d’Espagne, comptés pour un quatrième régiment ; trois régiments d’Italiens des Maîtres de camp duc Doria, marquis Sfondrato, dom Andrea Cantelmo ; sept régiments de Wallons des Maîtres de camp les comtes de Fresin et de Fontaine, le sieur de Ribaucourt, le baron de Wesemal, les sieurs de Triest, de Custrines & de Crequy ; quatre régiments de hauts Allemands des comtes d’Isembourg, de Hoochstrate, du colonel Rouvrois (ou Rouvroy) & du prince de Barbançon ; deux régiments de bas Allemands du marquis de Lede et du colonel Brion ; un régiment d’Anglais du Maître de camp Tresan ; et deux régiments d’Irlandais du comte de Tirconel et de dom Eugenio Onel, qui faisaient en tout vingt- trois régiments. La cavalerie qui était sous la charge du comte de Nassau, était composée de soixante huit compagnies, & des cinq régiments des comtes Buquoy, d’Isembourg, de Salms, du marquis de Celade et du prince Barbançon. En juillet 1634, le marquis d’Aytonne demande au prince Thomas de lever de l’infanterie et de la cavalerie.

Le corps du prince Thomas de Savoie qui va affronter l’armée française ne comptait qu’une partie de ces forces : 10 000 fantassins en 120 enseignes, 3 000 chevaux en 45 cornettes et 16 canons selon Richelieu, 8 000 fantassins et 2 000 chevaux selon Gualdo Priorato. Le comte de Feira en était maître de camp général, le comte de Buquoy y commandait la cavalerie et le comte d’Hoochstrate, l’infanterie. Si on en croit le Mercure Français, les meilleurs régiments ne faisaient pas partie de ce corps puisque, après la bataille, le Cardinal Infant s’était retranché le long du Demer vers Tillemont, avec une armée composée des restes de celle du Prince Thomas, et de ses autres forces où étaient les meilleurs et plus vieux régiments.

La relation du Mercure Français évoque le tercio espagnol d’Alfonso de Ladron de Guevara, le tercio italien de Sfondrato, le régiment anglais de Brons, le régiment allemand d’Hoochstrate et le régiment du prince Thomas. Ce dernier régiment est probablement celui levé fin 1634 et était probablement Lorrain, le Prince ayant été colonel d’un régiment de cette origine lorsqu’il était en Savoie. J.L Sanchez, cité par Pierre Picouet, évoque aussi le régiment wallon de Frezin. Le tercio espagnol d’Alfonso de Ladron de Guevara est un vieux corps puisqu’il s’agit du tercio viejo de los Estados de Brabante.

En 1635, un tercio espagnol compte en pratique rarement plus de 1 500 hommes, même si l’effectif théorique est de 3 000 hommes. Ainsi, la montre de mai 1636 donne 166 officiers et 946 soldats pour le tercio de Ladron de Guevara. La carte de Melchior Tavernier montre 7 escadrons espagnols ce qui donnerait bien 7 à 10 000 hommes pour l’infanterie. Le tercio de Ladron de Guevara et celui de Sfondrato ont peut-être formé 3 ou 4 escadrons à eux deux.

La cavalerie comptait 45 cornettes selon Richelieu, jusqu’à 40 compagnies selon Pontis. En ne comptant ces compagnies qu’à 50 chevaux, cela nous donne un minimum de 2 000 chevaux. Tavernier a représenté 17 gros escadrons sur sa carte, ces escadrons faisant au moins le double de la taille des escadrons français. L’estimation de Richelieu, soit 3 000 chevaux, parait donc tout aussi plausible. Une bonne partie de cette cavalerie était formée par le régiment de Bucquoy. Il s’agissait probablement d’un régiment de cuirassiers à dix compagnies, faisant de 700 à 1 000 chevaux.

L’infanterie espagnole en 1635

L’Espagne dispose, à l’aube de la guerre de Trente ans, d’une infanterie qui inspire le plus grand respect. Bien commandée, solide et disciplinée, cela fait un siècle et demi qu’elle s’impose sur les champs de bataille d’Europe. Sa force principale repose sur les terribles tercios viejos.

Le tercio compte, depuis 1632, 12 compagnies de 250 hommes, ou 15 compagnies de 200 hommes pour un tercio levé en dehors de la péninsule ibérique, soit un effectif théorique de 3 000 hommes par tercio. L’ordonnance de 1632, légèrement modifiée en 1633, ne souhaite pas, sans l’interdire, que les tercios soient à 20 compagnies. En pratique certains auront jusqu’à 26 compagnies. Une compagnie au complet doit compter, selon cette ordonnance, 11 officiers (un capitaine et son page, un alférez, un enseigne ou abanderado, un sergent, deux tambours, un fifre, un fourrier, un barbier et un chapelain) et 239 soldats dont 90 coseletes (piquiers en cuirasse), 89 arquebusiers et 60 mousquetaires. Parmi les soldats, on compte 10 cabos de escuadra, c’est à dire chefs d’escadre ou caporaux. La compagnie de 200 hommes doit compter, pour sa part, 70 coseletes, 90 arquebusiers et 40 mousquetaires. Cette ordonnance prévoit aussi, pour l’état-major des compagnies, un alferez et deux sargentos (sergents) réformés, c’est à dire de remplacement. L’état-major permanent du tercio comprend 8 officiers supplémentaires : le mestre de camp, le sergent major, le capitaine de campagne, le tambour major, l’auditeur militaire, le fourrier principal, le chapelain principal et le chirurgien principal. L’ordonnance de 1632 tente par ailleurs d’endiguer la mauvaise habitude prise par les coseletes de se débarrasser de leurs cuirasses et de raccourcir leurs piques. Elle prévoit cependant que les piquiers moins biens armés ne soient pas placés aux deux premiers rangs. Cette tendance à allègement se retrouve bien sûr chez toutes les nations d’Europe.

Certains tercios sont permanents, ou fixes, comme les régiment entretenus français. Et parmi eux, les plus redoutés sont les tercios viejos. Les principaux tercios fixes de l’armée de terre sont (avec le nom de leur mestre de camp en 1635), les tercio viejo de los Estados de Flandes (Villalobos), ter-cio viejo de los estados de Brabante ( Ladron de Guevara), tercio viejo de los Estados de Holanda (marquis de Celada), tercio fijo de Napoles (Ascoli), tercio fijo de Lombardia (Aragon y Tafalla), tercio fijo de Sicilia (Toledo), tercio de Saboya (Coronado y Mendoza), et la Coronelia de la Guardia del Rey. À ces unités s’ajoutent les tercios de la Marine répartis en Espagne, à Naples et en Sicile.

Les tercios espagnols sont par ailleurs épaulés par l’infanterie des nations, provenant des territoires appartenant à la couronne d’Espagne : Flandre, Bourgogne (qui se limite, à cette époque, à la Franche-Comté), Sicile, Naples et Lombardie (limitée au Milanais). Si l’infanterie italienne et bourguignonne est organisée sur le même pied que l’infanterie espagnole, en tercios de 12 compagnies totalisant 3 000 hommes, les tercios wallons sont organisés comme les tercios espagnols des Flandres, en 15 compagnies de 200 hommes, totalisant aussi 3000 hommes. Mais chaque compagnie compte, sur le papier, 12 officiers, 46 piquiers et 142 mousquetaires. Les régiments allemands ou lorrains au service de l’Espagne comptent pour leur part 10 compagnies de 250 ou 300 hommes.

Bien sûr, il s’agit d’effectifs théoriques, correspondant à un régiment nouvellement levé ou ayant fait recrue. En pratique, les effectifs fondaient rapidement. Ainsi, pour la bataille de Nördlingen, en 1634, le tercio d’Idiaquez compte 1 800 hommes en 26 compagnies et le tercio de Fuenclara, 1 450 hommes en 17 compagnies. Le tercio napolitain de San Sivero compte 1 900 hommes en 24 compagnies, celui de Toralto, 750 hommes en 10 compagnies et celui de Cardenas, 950 hommes en 13 compagnies. Enfin le tercio lombard du prince Doria compte 1 000 hommes en 12 compagnies alors que celui de Lunato en compte 1 300 en 15 compagnies.

 (Aquarelles de K.A. Wilke)

Face à l’ennemi, les tercios se forment en escadrons (escuadrones), équivalent des bataillons français. L’escadron, qui se forme maintenant couramment à partir d’un seul tercio, se déploie dans les années 1630 sur un maximum de 12 rangs, probablement 8 ou 10 comme les bataillons français. Les piquiers forment le bloc du centre alors que les arquebusiers forment les garnisons sur les deux flancs de ce bloc. Des manches (mangas) de mousquetaires viennent alors se déployer sur les ailes de l’escadron, mais peuvent aussi opérer indépendamment. Contrairement à une idée reçue, à partir de 1635, un escadron comptera rarement plus de 1 000 hommes. Sur le terrain, rien ne le distingue donc de son homologue français, hollandais ou allemand.

La cavalerie espagnole en 1635

Si l’infanterie espagnole bénéficie d’une forte réputation, il n’en est pas de même pour la cavalerie. Et de fait, le roi d’Espagne recrutera une grande partie de sa cavalerie en Lombardie, à Naples, en Wallonie, en Franche-Comté, en Lorraine, ou encore en Allemagne. Ainsi, l’armée du Cardinal-Infante qui se dirige vers Nördlingen, en 1634, compte 700 cavaliers napolitains, 590 cavaliers bourguignons et 500 cavaliers lombards pour seulement 230 gardes à cheval espagnols, en deux compagnies.

Il existe alors trois grands types de cavaliers au service du royaume d’Espagne : le lancier (caballo-lanza), le cuirassé (caballo coraza qui a remplacé le reître ou herreruelo) et l’arquebusier à cheval (arcabucero a caballo).

La cavalerie l’espagnole est la dernière à utiliser des lanciers, en Europe, mais ceux-ci ne sont plus qu’en faible nombre, formant principalement des compagnies de Gardes. Ludovic Melzo, dont les Règles militaires pour le gouvernement et le service de la cavalerie furent publiées en 1619, affirmait que la principale utilisation de ces lances consiste à suivre les arquebusiers, lesquels, après avoir délivrer leur charge sur les troupes ennemies de face et par les côtés, les ayant décomposées et mises en confusion, seront suivies par la charge des lances par le côté ou de face en fonction de l’occasion ou de l’opportunité qui se présente. Mais il soulignait déjà qu’il fallait quatre conditions pour bien utiliser des lanciers : un terrain favorable, un cheval de qualité, un cavalier bien entraîné et une formation de combat adaptée, c’est à dire de petites troupes d’une trentaine de lances. Enfin, l’auteur espagnol liste l’équipement théorique du lancier : la cuirasse (plastron et dossière) à l’épreuve des balles, les cuissards (quixotes), les garde-reins, les brassards, la salade (celada, un casque à visière) et un gantelet à l’allemande à la main gauche. La lance du capitaine devra porter sa banderole de manière bien voyante. Les soldats peuvent remplacer les cuissards par des tassettes, plus pratiques pour le travail de la lance. Ils devront porter un pistolet d’un côté de l’arçon et la salade ou bourguignotte de l’autre.

(Aquarelles de K.A. Wilke)

Les caballos corazas sont, en cette première moitié du XVIIe siècle, similaires aux chevaux légers français. Ils forment à cet égard la plus grande part de la cavalerie espagnole. Melzo décrit ainsi leur équipement : les soldats des cuirasses doivent être armés d’un plastron et d’une dossière à l’épreuve du pistolet, et des autres armes que portent les soldats des lances, et de plus ils doivent porter des cuissards (quixotes). Ils doivent porter des pistolets d’arçon, et derrière, à droite, ils attachent d’ordinaire la salade (celada). Comme pour la cavalerie française, sous l’influence des Suédois et des Hongrois, cet équipement va progressivement s’alléger, à partir des années 1634-36, pour ne garder que la demi-armure et un casque de type bourguignotte ou capeline.

L’arquebusier à cheval est l’équivalent du carabin français. Melzo affirme que les arquebusiers à cheval furent inventés par les français, lors des dernières guerres du Piémont qui les appelèrent dragons, nom qu’ils gardent encore. Ayant appris l’avantage et l’utilité de cette nouvelle sorte de soldatesque, les Espagnols commencèrent aussi à les utiliser au sein de leur armée. Et lorsque le duc d’Albe passa dans les Flandres, il amena avec lui quelques une de ces compagnies. Elles servirent d’abord à pied, puis elles servirent à cheval, avez des arquebuses à rouet, et elles continuèrent à servir ainsi. Quand à son équipement, il écrit qu’il serait convenable d’armer les arquebusiers à cheval d’un plastron et d’une dossière (cuirasse), mais cela reste à prouver ; parce que embarrassés de ces armes, ils ne peuvent servir en les oc- casions où il est nécessaire de mettre pied à terre. (…) En aucun cas ils ne doivent mettre des cuissards, ni des garde-reins, parce qu’ils sont excessivement embarrassants lorsqu’il faut mettre pied à terre. Ils doivent porter une arquebuse légère… Les soldats devront porter un mousquet à rouet, de onze livres et demi de balle, le canon long de quatre palmes, qu’ils devront porter du côté droit avec la bandoulière ; et y ajouter un morion de même qualité et forme que celui du capitaine.

Dragons espagnols (Aquarelle de Wilke)

Enfin, les généraux possèdent fréquemment deux compagnies de gardes, une de lanciers et une autre d’arquebusiers à cheval. Les deux compagnies de gardes du Cardinal-Infante seront ainsi présentes à la bataille de Nördlingen. Melzo les évoquait déjà dans son traité, vers 1615.

La cavalerie espagnole est organisée en compagnies de théoriquement 100 chevaux. Chaque compagnie, commandée par un capitaine, doit aussi comprendre deux trompettes, un maréchal des logis, un fourrier, un chapelain, un armurier et un barbier. Melzo précise que les cuirassiers devront toujours se déplacer au trot, pour ne pas se désunir, et qu’ils devront être ordonnés en gros escadrons de 200 à 400 chevaux. Plus l’escadron sera renforcé, mieux ce sera, et la rencontre plus galante, et on pourra en attendre le meilleur effet, ajoute t-il.

L’Artillerie

Depuis 1609, selon Diego Ufano Velasco, l’artillerie espagnole n’utilise plus, théoriquement, que quatre calibres : le canon tirant 40 livres de balles, le demi-canon tirant 24 livres de balles, le quart de canon tirant 10 livres de balles et le quint de canon – ou octave et auquel on peut substituer la quart de couleuvrine – tirant 5 livres de bal- les. Seuls les deux derniers sont utilisés en campagne, les deux premiers étant réservés aux sièges.

Le déploiement de l’armée

Selon Brancaccio, une armée espagnole des années 1620 dispose sa cavalerie de chaque côté de l’infanterie, les troupes d’arquebusiers à l’extérieur, et les troupes de cuirassiers entre l’infanterie et les arquebusiers à cheval. Une troupe de près de 200 cuirassiers sera placée en avant, suivie de deux troupes de 300 cuirassiers de chaque côté et à 60 pas derrière, suivies de trois autres troupes à 60 pas derrière, dans les intervalles, puis enfin, un dernier échelon de deux troupes à 60 pas derrière, dans les intervalles. Au centre, l’infanterie est aussi disposée en échiquier, chaque escadron à 200 pas l’un de l’autre, pour laisser au second échelon la place de passer dans les intervalles. Le second échelon se positionne 20 pas derrière leur premier et les manches de mousquetaires et arquebusiers se dispo- sent entre les troupes de cavalerie et entre les escadrons d’infanterie.

Une relation du voyage du Cardinal- Infante en 1633-34, nous précise le déploiement réel d’une l’armée espagnole : début septembre 1634, peu avant la bataille de Nördlingen, toute l’infanterie se mit en escadrons, chaque tercio à côté l’un de l’autre, ainsi bien fixés, occupant un front de plus d’un quart de grande lieue (soit 1,5 kilomètre), ils étaient neuf tercios en tout, deux d’Espagnols, quatre de Napolitains, trois de Lombards et deux régiments d’Allemands. Chaque tercio constituait alors un escadron occupant un front de près de 170 mètres.

À Avins, le prince Thomas déploiera son infanterie sur deux lignes, les sept escadrons d’infanterie disposés en échiquiers. La cavalerie, dans un premier temps placée en un rideau pour masquer les lignes espagnoles, sera ensuite déployée sur les ailes et en seconde ligne.

Drapeaux espagnols (Aquarelle de K.A. Wilke)

Stéphane Thion

 

L’armée française à la bataille d’Avins (mai 1635)

L’armée française à la bataille d’Avins (mai 1635)

Infanterie française (Aquarelle de K.A. Wilke)

L’infanterie française en 1635

L’infanterie française était composée de régiments dit entretenus et de régiments temporaires, plus nombreux et levés pour
le temps d’une campagne. Les régiments d’infanterie permanents sont à 20 compagnies de 100 à 120 hommes alors que les régiments temporaires sont à 10 ou 12 compagnies de 100 à 120 hommes. Certains régiments étrangers sont plutôt à 10-12 enseignes de 200 hommes. Richelieu écrit ainsi à Servien, le 21 avril 1635 que le régiment liégeois de La Bloquerie, qui devait avoir 2 400 hommes, n’en ayant que 700, il ne faut plus faire état, à mon avis, de compter les compagnies qu’à 100 hommes chacune, tant parce que nous ne le donnons que pour cela, que par ce aussi je ne crois pas qu’il en puisse avoir davantage.

Au sein des régiments entretenus, les six vieux corps étaient les plus prestigieux : Gardes-Françaises, Picardie, Champagne, Navarre, Normandie puis, à partir de 1636, La Marine. Ces régiments furent créés, en dehors du dernier, durant les Guerres de Religion de la seconde moitié du XVIe siècle. Ils bénéficiaient du meilleur encadrement possible et chaque maréchal essayait d’en obtenir au moins un pour son armée. Certains vieux corps sont à 30 compagnies de, théoriquement, 100 hommes et même 200 hommes pour les Gardes-Françaises.

L’effectif théorique d’un régiment pouvait être atteint lors de sa levée, avant de fondre rapidement une fois la campagne commencée. Le 30 juin 1635, Richelieu écrit à Bouthillier que les six régiments que Bellefonds amenés à Mr de La Force, qui faisaient plus de 6 000 hommes avant de partir, maintenant n’en font que 3 000. Il plaira au Roy écrire une lettre qui porte : Mon cousin, voyant que les troupes diminuent, et que les régiments qui partent du rendez-vous avec 1 000 hommes n’en ont plus 6 ou 700 huit jours après, ce qui est arrivé à ceux de Bellefonds, je vous fais ce mot pour vous dire qu’il faut faire des levées pour nous rafraîchir à la fin d’août. Régulièrement, Louis XIII témoigne de sa mauvaise satisfaction sur ce sujet : il en avait déjà fait part au maréchal de Châtillon le 9 avril
1635. Celui-ci lui annonçait qu’il croyait pouvoir faire état qu’il se trouvera dans les treize régiments que j’ai ici 10 000 hommes
de pied effectifs, sans comprendre les officiers. Servien estimait donc, le 20 avril, qu’il fallait pour l’infanterie, que les 13 régiments qui ont été jusqu’ici près de vous, fassent pour le moins 12 000 hommes effectifs.

La compagnie de 100 hommes comprend théoriquement 60% de mousquetaires et 40% de piquiers. Ainsi le régiment écossais d’Hebron, levé en mars 1633, en 12 compagnies de 100 hommes, doit compter 40 piques et 60 mousquets par compagnie. Le régiment allemand de Batilly, levé par capitulation, est formé de 10 compagnies de 100 hommes dont 89 soldats, dont il y aura 3 caporaux, 3 anspessades, 36 piquiers armés de corselets, et 43 mousquetaires. Souvigny nous dit aussi, dans ses Mémoires, que les compagnies du régiment d’Estissac sont, en 1622, à 100 hommes dont 36 piquiers. L’encadrement d’une compagnie comprend un capitaine, un lieutenant, un enseigne, deux sergents, trois caporaux et cinq anspessades.

Le bataillon d’infanterie se range, au début des années 1630, sur 10 rangs (selon Rohan et Gamaliel de la Tour), piques au centre et mousquets sur les ailes. Belhomme, dans son Histoire de l’infanterie en France, affirme que c’est en 1633 que le bataillon se range définitivement sur 8 rangs. Ce n’est que vers 1638 que l’infanterie française passera de 8 à 6 rangs de hauteur, comme le prouve le règlement du Roi pour son régiment des Gardes, d’avril 1638 : en rase campagne, on formera un bataillon sur 6 ou 8 de hauteur, car s’ils sont davantage, il y a la moitié des hommes inutiles, et le roi affectionne le plus la hauteur de 6.

Au début des années 1630, l’infanterie était équipée, selon le duc Henri de Rohan, de la façon suivante : Les armes plus ordinaires de l’Infanterie du temps présent, sont pour la défensive le pot, la cuirasse et les tassettes ; et pour l’offensive l’épée, la pique et le mousquet. (…) Si bien que le corps de bataille consiste aux piques, qui est une arme très propre pour résister à la cavalerie, pour ce que plusieurs jointes ensemble font un corps fort solide et très difficile à rompre par la tête à cause de leur longueur, desquelles il s’en trouve cinq ou six rangs, dont les fers outrepassent le front des soldats, et tiennent toujours les escadrons de cavalerie éloignés d’eux, de douze ou quinze pieds (Le parfait capitaine, Henri de Rohan, vers 1636). Gamaliel de la Tour, qui écrit à la même époque, fait une description analogue de
l’infanterie : Communément les soldats des compagnies de pied sont armés à présent les uns de mousquets, et les autres de corselets,
spécialement aux Pays-Bas, avec les rondachers en front. Et ainsi aux pays qui les imitent. Ou bien, en plusieurs autres pays, ils arment les piquiers de corselets, et en partie de piques sèches, et le reste d’hallebardes (Abrégé de la discipline militaire, Gamaliel de la Tour. Genève, 1634). Les rondachers avaient disparus des armées françaises bien avant 1630.

Les piques provenaient de Biscaye, et les mousquets d’Abbeville ou de Sedan. Mais pour équiper son infanterie, la France se fournissait aussi en Hollande, dont le travail des ouvriers était tout particulièrement apprécié : à moins que de connaître les marques des villes, on croirait que les armes seraient toutes faites par un même ouvrier, nous dit Puysegur ; la poudre avec laquelle j’avais fait l’épreuve, était toute la meilleure, les bandoulières bien larges, avec douze charges, et le poulverin, les bourses où l’on met les balles, fort bonnes. Puysegur ira ainsi acheter en Hollande, au mois de juin 1632, six mille paires d’armes pour le régiment des Gardes Françaises.

 

La cavalerie française en 1635

Gamaliel de la Tour, dans son Abrégé de la discipline militaire, paru en 1634, nous décrit la cavalerie française telle qu’elle se
présentait à la fin des années 1620s : Des cavaliers, les uns sont de chevaux légers, les autres carabins, arquebusiers, dragons soit mousquetaires à cheval, autres sont gendarmes, soit cuirassiers ou lanciers. (…) Pour les gendarmes, ils sont à présent pour l’ordinaire bien armés, avec leur harnois et cuirasses à l’épreuve du pistolet, et même de la carabine, aucuns aussi résistent au mousquet, ayant les tassettes, genouillères, hausse-col, brassals et gantelets, avec la salade, dont la visière se lève en haut, et fait belle montre. Outre cela, ils ont chacun leur paire de pistolets bien assurez à bon ressort, et encore qu’ils sont courts, ayant un bon calibre, ils en vaudront mieux. (…) Les carabins auront la cuirasse à l’épreuve et un pot en tête, ou salade, sans autres armes défensives, et pour armes offensives, une bonne carabine (soit arquebuse à rouet, ou à fusil, de trois pieds ou peu plus) ayant gros calibre. Puis aussi une bonne épée ou coutelas au côté, et un bon pistolet court et bien assuré. Or l’invention de faire porter la courte carabine fort loin (comme se peut faire aux courts pistolets et courts mousquets) leur sera bien convenable et nécessaire, ayant sa culasse vidée en coquillon, où c’est que la poudre se ramasse et renforce. Ils peuvent porter des casaques, et des ganaches au lieu de bottes, pour mettre pied à terre, et combattre aussi à pied au besoin. Car étant ainsi montés, ils peuvent combattre à pied ou à cheval, et se mêler avec la cavalerie comme a été dit.

Ci-dessus : chevaux-légers français (Aquarelle de Wilke)

Mais Gamaliel de la Tour néglige de nous décrire le principal type de cavalerie, par son nombre : le chevau-léger. Et cette
cavalerie, encore fortement cuirassée dans les années 1620, va s’alléger, suivant l’exemple de la cavalerie étrangère. En 1634, alors que Louis XIII et le cardinal-duc de Richelieu préparent leur entrée en guerre, celui-ci ne cache pas son admiration pour la cavalerie étrangère : J’ai pensé cette nuit qu’il valait mieux lever de la cavalerie étrangère que française, parce que, bien que la dernière soit plus excellente pour les combats, elle est moins bonne pour les fatigues, qui est ce dont on a à faire (Mémoire de Richelieu au Roy, du 12 septembre 1634).
Cette cavalerie étrangère, notamment allemande, est équipée plus légèrement que nos chevau-légers. La réponse du Roi au mémoire de Richelieu ci-dessus est à ce titre édifiante : Il est très à propos, et crois qu’il faut qu’ils soient tous carabins, comme ceux de Miche ; tant parce que la cavalerie étrangère n’est pas meilleure que la nôtre, dès qu’elle a fait un voyage elle jette toutes les hautes et basses armes et ne lui reste plus que la cuirasse, qui est l’arme du carabin ; et pour Mr de Bulion, elle ne coûte pas tant, et me semble qu’il faut lever en Allemagne et Liège, parce qu’on tirera le tout de l’armée d’Espagne, qui, par conséquent, s’affaiblira. Richelieu fait lever dans la foulée cinq
compagnies de carabins, mais veille à ce que la distinction entre ceux-ci et les chevau-légers demeure : on a différé jusqu’ici à donner les deux compagnies de carabins que le Roy a permises à Coucy, parce qu’on craignait qu’il prétendit les tenir toujours joints à ses chevaux légers, et ainsi y fourrer tous les valets de ses dits chevaux légers ; mais ne trouvant personne qui puisse faire des levées, et le dit Coucy consentant que lesdites compagnies soient séparées comme on voudrait, je crois qu’il sera bon de les lui donner. Et Louis XIII répond alors à son ministre : je le trouve bon, pourvu qu’il ne soient logés avec sa compagnie. Jusqu’en 1636, les carabins seront la véritable cavalerie légère de Louis XIII, équipée uniquement d’une cuirasse et d’une bourguignotte, comme le répond le Roi au sieur de Ferron qui en veut lever un régiment de 500 chevaux : il faut des carabins bien montés avec cuirasses.

Ci-dessus : Gendarmes et chevau-léger (Aquarelle de K.A. Wilke)

Il faudra attendre la fin de l’été 1635 pour que l’on voit la cavalerie française, c’est à dire les chevau-légers qui forment le corps de cette cavalerie, réellement alléger son équipement, comme nous le montre cette lettre du 11 août 1635, écrite par le cardinal de Richelieu et destinée au cardinal de la Valette : nous levons 20 régiments & 4 000 chevaux, comme je vous ai mandé, & outre cela nous allons maintenant faire 2 000 chevaux de la nouvelle cavalerie, dont vous m’avez écrit, qui n’aura que la cuirasse, une bourguignotte qui couvre les joues, & une barre sur le nez, une carabine & un pistolet. Je crois qu’on appellera cette cavalerie, cavalerie hongroise ; si ce n’est que Monsieur Hebron nous voulut mander un nom qui fût plus idoine, pour parler selon son langage ordinaire. Cette dénomination de cavalerie hongroise, qui ne désigne pas l’origine des cavaliers, sera régulièrement utilisée. Ainsi cette demande de Richelieu à Servien, datant de septembre 1635, d’envoyer diligemment les 8 commissions de cavalerie hongroise pour Mr de la Moussaye, chez Mr du Chastelet, qui les enverra aussitôt en Bretagne. Vous donnerez aussi une commission de compagnie hongroise au sieur de la Baume. Si les chevau-légers, ne sont pas encore équipés à la hongroise, en ce mois de mai 1635, à quoi ressemblent t-ils ? Heureusement, dans ses Mémoires, Puysegur nous décrit ces cavaliers tels qu’ils se présentaient alors : Nous avions 6 000 chevaux, sans y comprendre aussi les officiers & les valets, tous gens bien armés de bonnes cuirasses, de bonnes tassettes, & le casque en tête. En plus des compagnies de carabins, il existe alors quelques compagnies de mousquetaires à cheval, bien distinctes. La première – la plus célèbre – est apparue en 1622, après la prise de Montpellier : le roi marcha droit à Avignon et pendant sa marche il ôta les carabines à la compagnie de carabins, et leur fit bailler des mousquets, et donna la compagnie vacante par la mort du capitaine au Sieur deMontalet, la Lieutenance au Sieur de la Vergne et la Cornette au Sieur de Montalet, qui portait le même nom. (…) Sa majesté demanda à M. d’Espernon six de ses Gardes, pour mettre dans ladite compagnie ; elle voulut et je puis même dire qu’elle me força de prendre une casaque de mousquetaire. Mais en mars 1635, dans un de ses mémoires au Roi, Richelieu se rallie à l’opinion de ses conseillers, contre la levée de nouvelles compagnies de mousquetaires à cheval : beaucoup estiment qu’il vaut mieux ne faire point du tout présentement de compagnies de mousquetaires à cheval que d’en faire, vu qu’on se mettrait au hasard de bien préjudicier à l’infanterie, dont on a besoin. J’avoue que je suis de cet avis en l’occasion présente. Et Louis XIII abonde en son sens. Il n’y aura donc aucune compagnie de mousquetaires à cheval à la bataille d’Avins. En pratique, rien ne distingue le mousquetaire à cheval du dragon et le cardinal Richelieu changera d’avis lorsque le Roi lui donnera, en mai 1635, commission de lever son propre régiment de mousquetaires à cheval, dits dragons. Six régiments de dragons seront ensuite levés à partir de compagnies de carabins que le Cardinal fait dissoudre : Cardinal-duc, Alègre, Bruslon, Bernieult, Mahé et Saint-Rémy, régiments
qui seront prêts le 30 juillet.

Ci-dessus : Mousquetaires à cheval et Mousquetaires du Roi (Aquarelle de K.A. Wilke)

Enfin, il y aura une compagnie de gendarmes dans l’armée de Châtillon et Brézé : la compagnie de gendarmes de Monsieur qui sera placée au centre de la seconde ligne, formant un escadron avec ses chevaux légers. Cette compagnie, dont le capitaine est Puylaurent, a été créée le 1er octobre 1634. Le 25 février 1635, Louis XIII accepte que son effectif passe de 100 à 200 maîtres.

Gendarmes français (Aquarelle de K.A. Wilke)

La cavalerie française ne sera formée en esquadres, à la demande de Richelieu, que le mois suivant : jusqu’au mois de juin 1635, elle n’est organisée qu’en compagnies franches. On compte ainsi 64 compagnies de chevau-légers et 7 compagnies de carabins en octobre 1634 puis 84 compagnies en mai 1635. Les compagnies de carabins sont théoriquement de 80 maîtres, celles de chevaux légers de 90, celles de gendarmes de 100 maîtres et 200 pour les compagnies du Roi et des princes.

 

L’armée des maréchaux Châtillon et Brézé à la bataille d’Avins

L’armée française des maréchaux Châtillon et Brézé compte plus de 20 000 fantassins et 6 à 7 000 chevaux selon Pontis, 22 000 fantassins & 6 000 chevaux hors officiers et valets, en deux brigades de 11 000 fantassins et 3 000 cavaliers, et 24 canons selon Puysegur. Le sieur de Brasset, dans une lettre datant du 26 avril 1635, estime qu’il y a, à l’armée, 20 000 hommes de pied & 5 000 chevaux. Le 20 avril, Servien écrit à Châtillon que Sa Majesté ne désire pas que vous conduisiez avec vous plus de 23 000 hommes de pied effectifs, & 5 000 chevaux, en les comptant en la forme que vous dira ledit sieur d’Espenan. Enfin, une lettre de Châtillon au Roy, datant du 1er juin indique que par une monstre ordinaire qui a été faite, il se trouve plus de 22 000 hommes de pied & 4 500 chevaux. Dans une lettre du 21 avril à Servien, Richelieu compte 13 régiments d’infanterie pour Châtillon (il évalue leur effectif entre 12 500 et 16 000 hommes de pied), auquel il envoie 10 régiments en renfort, une compagnie de gendarmes, 51 compagnies de chevaux-légers et carabins et 400 chevaux liégeois de Miche. Il présuppose cette cavalerie à 5 130 chevaux, en les comptant pour leur nombre effectif. Richelieu compte donc ici les compagnies à 100 chevaux, alors que Servien conviendra, le 20 avril, qu’il faut compter les compagnies sur le pied de guerre de 90 maîtres. Mais Puysegur affirme que les escadrons comptaient 100 chevaux, ce qui sous-entend que la majorité des com- pagnie ne comptaient que 50 maîtres. Dans ce même courrier, Richelieu évoque six compagnies de cavalerie en réserve dont trois seront envoyées en garnison dans des places de la région.

Chaque brigade compte 11 000 fantassins et 3000 chevaux selon Puysegur (mais lorsqu’il déploie son armée, il ne compte
plus que 14 escadrons de 100 chevaux). La carte de Melchior Tavernier recense, pour l’infanterie, 22 régiments faisant chacun un bataillon, et 30 escadrons de cavalerie composés chacun – le plus souvent – de deux compagnies de cavalerie, ce qui confirme l’évaluation de Puységur. Cette carte représente l’infanterie et la cavalerie française sur trois lignes, la troisième ligne constituée par la réserve de Chastelier-Barlot. L’infanterie, au centre, est composée en première ligne des bataillons de Champagne, Plessis-Praslin, Longueval, Genlis, Lusignan, Maréchal Brézé, La Mothe-Houdencourt, La Meilleraye, Saucourt et Piémont, et en seconde ligne des bataillons de Sy, Chuin, Coursan, Calonge, Bellebrune, Castelnau, Polignac et Migneux. La réserve d’infanterie, en troisième ligne, comprend les bataillons de Grancey, de Menilserran, de Monmège (ouMontmège) et du marquis de Brézé, soit de l’ordre de 4 000 hommes.

L’aile gauche de cavalerie est composée de deux lignes de cinq escadrons chacune, alors que l’aile droite compte 11 escadrons. Un escadron de cavalerie, composé des gendarmes et chevaux-légers de Monsieur est au centre de la seconde ligne, alors que la réserve comporte 8 escadrons supplémentaires faisant 800 à 1 000 chevaux. Enfin, seulement 7 pièces d’artillerie sont représentées sur le plan de Tavernier, placées devant la brigade Brézé, alors que le Mercure Français en annonce 12.

Il est difficile de retrouver la composition exacte de chacune des deux brigades. L’armée de Châtillon comprenait à l’origine, avant de devenir la brigade de Champagne, les régiments maréchal de Brézé, Plessis-Praslin, Longueval, Genlis, Lusignan, Cy (ou Sy), Bellebrune, Polignac, Monmege, Calonge, Saucourt, Medavy (Grancey) et Hauregard (liégeois). Ces deux derniers régiments n’apparaissent pas sur la représentation de Tavernier. Le 5 avril, Châtillon écrit à Servien que des treize régiments, il n’y en a que deux qui soient faibles, la plus grande partie des autres sont complets. Le régiment de monsieur le maréchal de Brézé est parfaitement beau : je l’ai vu & considéré à loisir. Celui du marquis son fils est aussi en très-bon état, il y a 200 super-numéraires. Celui de Genlis, de Bellebrune, de Polignac & de Mommeige, que j’ai vus, sont fort bons aussi. Medavy, Calonges & Lusignan sont entièrement complets, & remplis de fort bons hommes. Le régiment de Longueval est bon, à ce que l’on m’a dit, mais je ne l’ai pas vu. Plessis-Praslin, Socourt & le régiment Liegeois sont les plus
faibles, particulièrement le dernier est en assez mauvais état. Les restes de ce régiment liégeois ont probablement été absorbé dans un autre bataillon ou laissés en garnison.

La composition du corps de Brézé, ou brigade de Piémont, nous est partiellement donnée par Servien, dans une lettre du 21
avril 1635 : Je présuppose comme chose infaillible que les treize régiments qui sont avec M. le maréchal de Châtillon, les quatre vieux qui viennent d’Allemagne, Vardembourg, Orelio, Migneux, Mesnilmeran, Baradat et Castelnau, composeront l’armée de Flandres. Les quatre vieux régiments évoqués par Châtillon, le 9 avril, lorsqu’il se réjouit de ce que Monsieur le Maréchal de Brézé se trouvera à même rendez-vous que moi, vers Mézières, avec une partie des vieux régiments, sont Piémont, Champagne (qui sera transféré à la brigade de Châtillon), La Meilleraye, et marquis de Brézé. On retrouve deux de ces quatre régiments sur l’ordre de bataille de Tavernier, ainsi que les régiments de Migneux, de Castelnau et de Mesnil-Serran. Les régiments de Vardembourg, Orelio et Baradat (ces deux régiments envoyés depuis en Lorraine) n’apparaissent pas alors que sont listés ceux de Chuin, et de Coursen. Coursen est celui de Coursan évoqué dans une lettre de Châtillon. En fin de compte, si l’on en croit le plan de Tavernier, la brigade Piémont serait constituée des régiments Piémont, Saucourt, La Meilleraye, La Mothe-Houdencourt, maréchal Brézé, Migneux, Polignac, Castelnau, Bellebrune, et probablement Calonge. Puysegur évo-
que bien 10 bataillons, en deux lignes de 5, lors de la bataille d’Avins. La brigade Champagne serait composée des régiments Champagne, Plessis-Praslin, Longueval, Genlis, Lusignan, Sy, Chuin, Coursen (ou Coursan), Grancey, Mesnilserran, Monmège et marquis de Brézé, soit 12 régiments ou bataillons. Les quatre derniers faisant partie du corps de Chastellier-Barlot.

Un régiment d’infanterie, qui n’est pas un vieux corps compte théoriquement 1 200 hommes. Mais d’après Châtillon, ses régiments comptent en moyenne 7 à 800 hommes : selon que je peux juger à peu près (avant la monstre générale), je crois qu’on peut faire état qu’il se trouvera dans les treize régiments que j’ai ici 10 000 hommes de pied effectifs, sans comprendre les officiers, écrit-il le 1er avril. Et Servien lui répond, le 20 avril, qu’il faut que les 13 régiments qui ont été jusqu’ici près de vous, fassent pour le moins 12 000 hommes effectifs. Aussi est-ce le nombre pour lequel on désire que vous le receviez dans le Corps d’armée, que vous de- vez mettre en campagne. Et vous ne sauriez, ce me semble, Monsieur, vous en plaindre, d’autant que si nous voulions le faire passer pour complets, ils devraient faire près de 15 000 hommes.

La cavalerie est formée de 52 compagnies formant 30 escadrons, dont une compagnie de gendarmes, les gendarmes de Monsieur, et 4 compagnies de carabins (Arnaud, Bideran, Montbuisson et Villars). Dans sa lettre du 5 avril, Châtillon écrit que pour ce qui est de la cavalerie, ce sont les meilleurs hommes que je vis jamais, & les mieux montés, & toutes les compagnies complètes, & des officiers très-bien choisis & soigneux de leur devoir. Servien écrit le 20 avril à Châtillon que, pour la cavalerie, ledit sieur d’Espernon vous fera voir, que comptant les compagnies sur le pied de guerre 90 maîtres, comme elles doivent être & comme il faut obliger les capitaines de les y mettre, le nombre que nous vous fournissons, doit faire plus de 5 000 chevaux.

La réserve de Chastelier-Barlot (4 000 fantassins en 4 bataillons et 1 000 cavaliers en 8 escadrons), faisant partie de la brigade Châtillon, n’ayant eu le temps d’arriver sur le champs de bataille, ce sont donc moins de 18 000 fantassins et 4 000 cavaliers qui combattront réellement.

Enfin, dans sa lettre datée du 9 avril, Châtillon demandait à Servien une compagnie de cent bons Pionniers, commandés par un homme laborieux & diligent. Car de se fier qu’on a des pelles & des pics pour faire prendre aux soldats quand on veut, ou qu’on se peut servir des paysans, cela est bon pour un lieu arrêté, quand on entreprend un siège ; mais lorsque l’armée marche, la compagnie de Pionniers est du tout nécessaire, tant pour faire le chemin du canon, que pour couper les haies, & remplir proprement les fossés, quand il se rencontre occasion de mettre l’armée en bataille ; ce qui arrive assez souvent, lorsque l’on est en pays de l’ennemi. On a aussi besoin d’un bon Capitaine des Guides, à qui l’on donne bon appointement. Servien lui répond le 20 avril que l’on fait lever des Pionniers, que vous avez marqué très à propos nécessaires pour une dans une armée, lorsqu’elle marche.

 

Stéphane Thion (extrait de La bataille d’Avins, 1635)