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L’armée française à la bataille d’Avins (mai 1635)

L’armée française à la bataille d’Avins (mai 1635)

Infanterie française (Aquarelle de K.A. Wilke)

L’infanterie française en 1635

L’infanterie française était composée de régiments dit entretenus et de régiments temporaires, plus nombreux et levés pour
le temps d’une campagne. Les régiments d’infanterie permanents sont à 20 compagnies de 100 à 120 hommes alors que les régiments temporaires sont à 10 ou 12 compagnies de 100 à 120 hommes. Certains régiments étrangers sont plutôt à 10-12 enseignes de 200 hommes. Richelieu écrit ainsi à Servien, le 21 avril 1635 que le régiment liégeois de La Bloquerie, qui devait avoir 2 400 hommes, n’en ayant que 700, il ne faut plus faire état, à mon avis, de compter les compagnies qu’à 100 hommes chacune, tant parce que nous ne le donnons que pour cela, que par ce aussi je ne crois pas qu’il en puisse avoir davantage.

Au sein des régiments entretenus, les six vieux corps étaient les plus prestigieux : Gardes-Françaises, Picardie, Champagne, Navarre, Normandie puis, à partir de 1636, La Marine. Ces régiments furent créés, en dehors du dernier, durant les Guerres de Religion de la seconde moitié du XVIe siècle. Ils bénéficiaient du meilleur encadrement possible et chaque maréchal essayait d’en obtenir au moins un pour son armée. Certains vieux corps sont à 30 compagnies de, théoriquement, 100 hommes et même 200 hommes pour les Gardes-Françaises.

L’effectif théorique d’un régiment pouvait être atteint lors de sa levée, avant de fondre rapidement une fois la campagne commencée. Le 30 juin 1635, Richelieu écrit à Bouthillier que les six régiments que Bellefonds amenés à Mr de La Force, qui faisaient plus de 6 000 hommes avant de partir, maintenant n’en font que 3 000. Il plaira au Roy écrire une lettre qui porte : Mon cousin, voyant que les troupes diminuent, et que les régiments qui partent du rendez-vous avec 1 000 hommes n’en ont plus 6 ou 700 huit jours après, ce qui est arrivé à ceux de Bellefonds, je vous fais ce mot pour vous dire qu’il faut faire des levées pour nous rafraîchir à la fin d’août. Régulièrement, Louis XIII témoigne de sa mauvaise satisfaction sur ce sujet : il en avait déjà fait part au maréchal de Châtillon le 9 avril
1635. Celui-ci lui annonçait qu’il croyait pouvoir faire état qu’il se trouvera dans les treize régiments que j’ai ici 10 000 hommes
de pied effectifs, sans comprendre les officiers. Servien estimait donc, le 20 avril, qu’il fallait pour l’infanterie, que les 13 régiments qui ont été jusqu’ici près de vous, fassent pour le moins 12 000 hommes effectifs.

La compagnie de 100 hommes comprend théoriquement 60% de mousquetaires et 40% de piquiers. Ainsi le régiment écossais d’Hebron, levé en mars 1633, en 12 compagnies de 100 hommes, doit compter 40 piques et 60 mousquets par compagnie. Le régiment allemand de Batilly, levé par capitulation, est formé de 10 compagnies de 100 hommes dont 89 soldats, dont il y aura 3 caporaux, 3 anspessades, 36 piquiers armés de corselets, et 43 mousquetaires. Souvigny nous dit aussi, dans ses Mémoires, que les compagnies du régiment d’Estissac sont, en 1622, à 100 hommes dont 36 piquiers. L’encadrement d’une compagnie comprend un capitaine, un lieutenant, un enseigne, deux sergents, trois caporaux et cinq anspessades.

Le bataillon d’infanterie se range, au début des années 1630, sur 10 rangs (selon Rohan et Gamaliel de la Tour), piques au centre et mousquets sur les ailes. Belhomme, dans son Histoire de l’infanterie en France, affirme que c’est en 1633 que le bataillon se range définitivement sur 8 rangs. Ce n’est que vers 1638 que l’infanterie française passera de 8 à 6 rangs de hauteur, comme le prouve le règlement du Roi pour son régiment des Gardes, d’avril 1638 : en rase campagne, on formera un bataillon sur 6 ou 8 de hauteur, car s’ils sont davantage, il y a la moitié des hommes inutiles, et le roi affectionne le plus la hauteur de 6.

Au début des années 1630, l’infanterie était équipée, selon le duc Henri de Rohan, de la façon suivante : Les armes plus ordinaires de l’Infanterie du temps présent, sont pour la défensive le pot, la cuirasse et les tassettes ; et pour l’offensive l’épée, la pique et le mousquet. (…) Si bien que le corps de bataille consiste aux piques, qui est une arme très propre pour résister à la cavalerie, pour ce que plusieurs jointes ensemble font un corps fort solide et très difficile à rompre par la tête à cause de leur longueur, desquelles il s’en trouve cinq ou six rangs, dont les fers outrepassent le front des soldats, et tiennent toujours les escadrons de cavalerie éloignés d’eux, de douze ou quinze pieds (Le parfait capitaine, Henri de Rohan, vers 1636). Gamaliel de la Tour, qui écrit à la même époque, fait une description analogue de
l’infanterie : Communément les soldats des compagnies de pied sont armés à présent les uns de mousquets, et les autres de corselets,
spécialement aux Pays-Bas, avec les rondachers en front. Et ainsi aux pays qui les imitent. Ou bien, en plusieurs autres pays, ils arment les piquiers de corselets, et en partie de piques sèches, et le reste d’hallebardes (Abrégé de la discipline militaire, Gamaliel de la Tour. Genève, 1634). Les rondachers avaient disparus des armées françaises bien avant 1630.

Les piques provenaient de Biscaye, et les mousquets d’Abbeville ou de Sedan. Mais pour équiper son infanterie, la France se fournissait aussi en Hollande, dont le travail des ouvriers était tout particulièrement apprécié : à moins que de connaître les marques des villes, on croirait que les armes seraient toutes faites par un même ouvrier, nous dit Puysegur ; la poudre avec laquelle j’avais fait l’épreuve, était toute la meilleure, les bandoulières bien larges, avec douze charges, et le poulverin, les bourses où l’on met les balles, fort bonnes. Puysegur ira ainsi acheter en Hollande, au mois de juin 1632, six mille paires d’armes pour le régiment des Gardes Françaises.

 

La cavalerie française en 1635

Gamaliel de la Tour, dans son Abrégé de la discipline militaire, paru en 1634, nous décrit la cavalerie française telle qu’elle se
présentait à la fin des années 1620s : Des cavaliers, les uns sont de chevaux légers, les autres carabins, arquebusiers, dragons soit mousquetaires à cheval, autres sont gendarmes, soit cuirassiers ou lanciers. (…) Pour les gendarmes, ils sont à présent pour l’ordinaire bien armés, avec leur harnois et cuirasses à l’épreuve du pistolet, et même de la carabine, aucuns aussi résistent au mousquet, ayant les tassettes, genouillères, hausse-col, brassals et gantelets, avec la salade, dont la visière se lève en haut, et fait belle montre. Outre cela, ils ont chacun leur paire de pistolets bien assurez à bon ressort, et encore qu’ils sont courts, ayant un bon calibre, ils en vaudront mieux. (…) Les carabins auront la cuirasse à l’épreuve et un pot en tête, ou salade, sans autres armes défensives, et pour armes offensives, une bonne carabine (soit arquebuse à rouet, ou à fusil, de trois pieds ou peu plus) ayant gros calibre. Puis aussi une bonne épée ou coutelas au côté, et un bon pistolet court et bien assuré. Or l’invention de faire porter la courte carabine fort loin (comme se peut faire aux courts pistolets et courts mousquets) leur sera bien convenable et nécessaire, ayant sa culasse vidée en coquillon, où c’est que la poudre se ramasse et renforce. Ils peuvent porter des casaques, et des ganaches au lieu de bottes, pour mettre pied à terre, et combattre aussi à pied au besoin. Car étant ainsi montés, ils peuvent combattre à pied ou à cheval, et se mêler avec la cavalerie comme a été dit.

Ci-dessus : chevaux-légers français (Aquarelle de Wilke)

Mais Gamaliel de la Tour néglige de nous décrire le principal type de cavalerie, par son nombre : le chevau-léger. Et cette
cavalerie, encore fortement cuirassée dans les années 1620, va s’alléger, suivant l’exemple de la cavalerie étrangère. En 1634, alors que Louis XIII et le cardinal-duc de Richelieu préparent leur entrée en guerre, celui-ci ne cache pas son admiration pour la cavalerie étrangère : J’ai pensé cette nuit qu’il valait mieux lever de la cavalerie étrangère que française, parce que, bien que la dernière soit plus excellente pour les combats, elle est moins bonne pour les fatigues, qui est ce dont on a à faire (Mémoire de Richelieu au Roy, du 12 septembre 1634).
Cette cavalerie étrangère, notamment allemande, est équipée plus légèrement que nos chevau-légers. La réponse du Roi au mémoire de Richelieu ci-dessus est à ce titre édifiante : Il est très à propos, et crois qu’il faut qu’ils soient tous carabins, comme ceux de Miche ; tant parce que la cavalerie étrangère n’est pas meilleure que la nôtre, dès qu’elle a fait un voyage elle jette toutes les hautes et basses armes et ne lui reste plus que la cuirasse, qui est l’arme du carabin ; et pour Mr de Bulion, elle ne coûte pas tant, et me semble qu’il faut lever en Allemagne et Liège, parce qu’on tirera le tout de l’armée d’Espagne, qui, par conséquent, s’affaiblira. Richelieu fait lever dans la foulée cinq
compagnies de carabins, mais veille à ce que la distinction entre ceux-ci et les chevau-légers demeure : on a différé jusqu’ici à donner les deux compagnies de carabins que le Roy a permises à Coucy, parce qu’on craignait qu’il prétendit les tenir toujours joints à ses chevaux légers, et ainsi y fourrer tous les valets de ses dits chevaux légers ; mais ne trouvant personne qui puisse faire des levées, et le dit Coucy consentant que lesdites compagnies soient séparées comme on voudrait, je crois qu’il sera bon de les lui donner. Et Louis XIII répond alors à son ministre : je le trouve bon, pourvu qu’il ne soient logés avec sa compagnie. Jusqu’en 1636, les carabins seront la véritable cavalerie légère de Louis XIII, équipée uniquement d’une cuirasse et d’une bourguignotte, comme le répond le Roi au sieur de Ferron qui en veut lever un régiment de 500 chevaux : il faut des carabins bien montés avec cuirasses.

Ci-dessus : Gendarmes et chevau-léger (Aquarelle de K.A. Wilke)

Il faudra attendre la fin de l’été 1635 pour que l’on voit la cavalerie française, c’est à dire les chevau-légers qui forment le corps de cette cavalerie, réellement alléger son équipement, comme nous le montre cette lettre du 11 août 1635, écrite par le cardinal de Richelieu et destinée au cardinal de la Valette : nous levons 20 régiments & 4 000 chevaux, comme je vous ai mandé, & outre cela nous allons maintenant faire 2 000 chevaux de la nouvelle cavalerie, dont vous m’avez écrit, qui n’aura que la cuirasse, une bourguignotte qui couvre les joues, & une barre sur le nez, une carabine & un pistolet. Je crois qu’on appellera cette cavalerie, cavalerie hongroise ; si ce n’est que Monsieur Hebron nous voulut mander un nom qui fût plus idoine, pour parler selon son langage ordinaire. Cette dénomination de cavalerie hongroise, qui ne désigne pas l’origine des cavaliers, sera régulièrement utilisée. Ainsi cette demande de Richelieu à Servien, datant de septembre 1635, d’envoyer diligemment les 8 commissions de cavalerie hongroise pour Mr de la Moussaye, chez Mr du Chastelet, qui les enverra aussitôt en Bretagne. Vous donnerez aussi une commission de compagnie hongroise au sieur de la Baume. Si les chevau-légers, ne sont pas encore équipés à la hongroise, en ce mois de mai 1635, à quoi ressemblent t-ils ? Heureusement, dans ses Mémoires, Puysegur nous décrit ces cavaliers tels qu’ils se présentaient alors : Nous avions 6 000 chevaux, sans y comprendre aussi les officiers & les valets, tous gens bien armés de bonnes cuirasses, de bonnes tassettes, & le casque en tête. En plus des compagnies de carabins, il existe alors quelques compagnies de mousquetaires à cheval, bien distinctes. La première – la plus célèbre – est apparue en 1622, après la prise de Montpellier : le roi marcha droit à Avignon et pendant sa marche il ôta les carabines à la compagnie de carabins, et leur fit bailler des mousquets, et donna la compagnie vacante par la mort du capitaine au Sieur deMontalet, la Lieutenance au Sieur de la Vergne et la Cornette au Sieur de Montalet, qui portait le même nom. (…) Sa majesté demanda à M. d’Espernon six de ses Gardes, pour mettre dans ladite compagnie ; elle voulut et je puis même dire qu’elle me força de prendre une casaque de mousquetaire. Mais en mars 1635, dans un de ses mémoires au Roi, Richelieu se rallie à l’opinion de ses conseillers, contre la levée de nouvelles compagnies de mousquetaires à cheval : beaucoup estiment qu’il vaut mieux ne faire point du tout présentement de compagnies de mousquetaires à cheval que d’en faire, vu qu’on se mettrait au hasard de bien préjudicier à l’infanterie, dont on a besoin. J’avoue que je suis de cet avis en l’occasion présente. Et Louis XIII abonde en son sens. Il n’y aura donc aucune compagnie de mousquetaires à cheval à la bataille d’Avins. En pratique, rien ne distingue le mousquetaire à cheval du dragon et le cardinal Richelieu changera d’avis lorsque le Roi lui donnera, en mai 1635, commission de lever son propre régiment de mousquetaires à cheval, dits dragons. Six régiments de dragons seront ensuite levés à partir de compagnies de carabins que le Cardinal fait dissoudre : Cardinal-duc, Alègre, Bruslon, Bernieult, Mahé et Saint-Rémy, régiments
qui seront prêts le 30 juillet.

Ci-dessus : Mousquetaires à cheval et Mousquetaires du Roi (Aquarelle de K.A. Wilke)

Enfin, il y aura une compagnie de gendarmes dans l’armée de Châtillon et Brézé : la compagnie de gendarmes de Monsieur qui sera placée au centre de la seconde ligne, formant un escadron avec ses chevaux légers. Cette compagnie, dont le capitaine est Puylaurent, a été créée le 1er octobre 1634. Le 25 février 1635, Louis XIII accepte que son effectif passe de 100 à 200 maîtres.

Gendarmes français (Aquarelle de K.A. Wilke)

La cavalerie française ne sera formée en esquadres, à la demande de Richelieu, que le mois suivant : jusqu’au mois de juin 1635, elle n’est organisée qu’en compagnies franches. On compte ainsi 64 compagnies de chevau-légers et 7 compagnies de carabins en octobre 1634 puis 84 compagnies en mai 1635. Les compagnies de carabins sont théoriquement de 80 maîtres, celles de chevaux légers de 90, celles de gendarmes de 100 maîtres et 200 pour les compagnies du Roi et des princes.

 

L’armée des maréchaux Châtillon et Brézé à la bataille d’Avins

L’armée française des maréchaux Châtillon et Brézé compte plus de 20 000 fantassins et 6 à 7 000 chevaux selon Pontis, 22 000 fantassins & 6 000 chevaux hors officiers et valets, en deux brigades de 11 000 fantassins et 3 000 cavaliers, et 24 canons selon Puysegur. Le sieur de Brasset, dans une lettre datant du 26 avril 1635, estime qu’il y a, à l’armée, 20 000 hommes de pied & 5 000 chevaux. Le 20 avril, Servien écrit à Châtillon que Sa Majesté ne désire pas que vous conduisiez avec vous plus de 23 000 hommes de pied effectifs, & 5 000 chevaux, en les comptant en la forme que vous dira ledit sieur d’Espenan. Enfin, une lettre de Châtillon au Roy, datant du 1er juin indique que par une monstre ordinaire qui a été faite, il se trouve plus de 22 000 hommes de pied & 4 500 chevaux. Dans une lettre du 21 avril à Servien, Richelieu compte 13 régiments d’infanterie pour Châtillon (il évalue leur effectif entre 12 500 et 16 000 hommes de pied), auquel il envoie 10 régiments en renfort, une compagnie de gendarmes, 51 compagnies de chevaux-légers et carabins et 400 chevaux liégeois de Miche. Il présuppose cette cavalerie à 5 130 chevaux, en les comptant pour leur nombre effectif. Richelieu compte donc ici les compagnies à 100 chevaux, alors que Servien conviendra, le 20 avril, qu’il faut compter les compagnies sur le pied de guerre de 90 maîtres. Mais Puysegur affirme que les escadrons comptaient 100 chevaux, ce qui sous-entend que la majorité des com- pagnie ne comptaient que 50 maîtres. Dans ce même courrier, Richelieu évoque six compagnies de cavalerie en réserve dont trois seront envoyées en garnison dans des places de la région.

Chaque brigade compte 11 000 fantassins et 3000 chevaux selon Puysegur (mais lorsqu’il déploie son armée, il ne compte
plus que 14 escadrons de 100 chevaux). La carte de Melchior Tavernier recense, pour l’infanterie, 22 régiments faisant chacun un bataillon, et 30 escadrons de cavalerie composés chacun – le plus souvent – de deux compagnies de cavalerie, ce qui confirme l’évaluation de Puységur. Cette carte représente l’infanterie et la cavalerie française sur trois lignes, la troisième ligne constituée par la réserve de Chastelier-Barlot. L’infanterie, au centre, est composée en première ligne des bataillons de Champagne, Plessis-Praslin, Longueval, Genlis, Lusignan, Maréchal Brézé, La Mothe-Houdencourt, La Meilleraye, Saucourt et Piémont, et en seconde ligne des bataillons de Sy, Chuin, Coursan, Calonge, Bellebrune, Castelnau, Polignac et Migneux. La réserve d’infanterie, en troisième ligne, comprend les bataillons de Grancey, de Menilserran, de Monmège (ouMontmège) et du marquis de Brézé, soit de l’ordre de 4 000 hommes.

L’aile gauche de cavalerie est composée de deux lignes de cinq escadrons chacune, alors que l’aile droite compte 11 escadrons. Un escadron de cavalerie, composé des gendarmes et chevaux-légers de Monsieur est au centre de la seconde ligne, alors que la réserve comporte 8 escadrons supplémentaires faisant 800 à 1 000 chevaux. Enfin, seulement 7 pièces d’artillerie sont représentées sur le plan de Tavernier, placées devant la brigade Brézé, alors que le Mercure Français en annonce 12.

Il est difficile de retrouver la composition exacte de chacune des deux brigades. L’armée de Châtillon comprenait à l’origine, avant de devenir la brigade de Champagne, les régiments maréchal de Brézé, Plessis-Praslin, Longueval, Genlis, Lusignan, Cy (ou Sy), Bellebrune, Polignac, Monmege, Calonge, Saucourt, Medavy (Grancey) et Hauregard (liégeois). Ces deux derniers régiments n’apparaissent pas sur la représentation de Tavernier. Le 5 avril, Châtillon écrit à Servien que des treize régiments, il n’y en a que deux qui soient faibles, la plus grande partie des autres sont complets. Le régiment de monsieur le maréchal de Brézé est parfaitement beau : je l’ai vu & considéré à loisir. Celui du marquis son fils est aussi en très-bon état, il y a 200 super-numéraires. Celui de Genlis, de Bellebrune, de Polignac & de Mommeige, que j’ai vus, sont fort bons aussi. Medavy, Calonges & Lusignan sont entièrement complets, & remplis de fort bons hommes. Le régiment de Longueval est bon, à ce que l’on m’a dit, mais je ne l’ai pas vu. Plessis-Praslin, Socourt & le régiment Liegeois sont les plus
faibles, particulièrement le dernier est en assez mauvais état. Les restes de ce régiment liégeois ont probablement été absorbé dans un autre bataillon ou laissés en garnison.

La composition du corps de Brézé, ou brigade de Piémont, nous est partiellement donnée par Servien, dans une lettre du 21
avril 1635 : Je présuppose comme chose infaillible que les treize régiments qui sont avec M. le maréchal de Châtillon, les quatre vieux qui viennent d’Allemagne, Vardembourg, Orelio, Migneux, Mesnilmeran, Baradat et Castelnau, composeront l’armée de Flandres. Les quatre vieux régiments évoqués par Châtillon, le 9 avril, lorsqu’il se réjouit de ce que Monsieur le Maréchal de Brézé se trouvera à même rendez-vous que moi, vers Mézières, avec une partie des vieux régiments, sont Piémont, Champagne (qui sera transféré à la brigade de Châtillon), La Meilleraye, et marquis de Brézé. On retrouve deux de ces quatre régiments sur l’ordre de bataille de Tavernier, ainsi que les régiments de Migneux, de Castelnau et de Mesnil-Serran. Les régiments de Vardembourg, Orelio et Baradat (ces deux régiments envoyés depuis en Lorraine) n’apparaissent pas alors que sont listés ceux de Chuin, et de Coursen. Coursen est celui de Coursan évoqué dans une lettre de Châtillon. En fin de compte, si l’on en croit le plan de Tavernier, la brigade Piémont serait constituée des régiments Piémont, Saucourt, La Meilleraye, La Mothe-Houdencourt, maréchal Brézé, Migneux, Polignac, Castelnau, Bellebrune, et probablement Calonge. Puysegur évo-
que bien 10 bataillons, en deux lignes de 5, lors de la bataille d’Avins. La brigade Champagne serait composée des régiments Champagne, Plessis-Praslin, Longueval, Genlis, Lusignan, Sy, Chuin, Coursen (ou Coursan), Grancey, Mesnilserran, Monmège et marquis de Brézé, soit 12 régiments ou bataillons. Les quatre derniers faisant partie du corps de Chastellier-Barlot.

Un régiment d’infanterie, qui n’est pas un vieux corps compte théoriquement 1 200 hommes. Mais d’après Châtillon, ses régiments comptent en moyenne 7 à 800 hommes : selon que je peux juger à peu près (avant la monstre générale), je crois qu’on peut faire état qu’il se trouvera dans les treize régiments que j’ai ici 10 000 hommes de pied effectifs, sans comprendre les officiers, écrit-il le 1er avril. Et Servien lui répond, le 20 avril, qu’il faut que les 13 régiments qui ont été jusqu’ici près de vous, fassent pour le moins 12 000 hommes effectifs. Aussi est-ce le nombre pour lequel on désire que vous le receviez dans le Corps d’armée, que vous de- vez mettre en campagne. Et vous ne sauriez, ce me semble, Monsieur, vous en plaindre, d’autant que si nous voulions le faire passer pour complets, ils devraient faire près de 15 000 hommes.

La cavalerie est formée de 52 compagnies formant 30 escadrons, dont une compagnie de gendarmes, les gendarmes de Monsieur, et 4 compagnies de carabins (Arnaud, Bideran, Montbuisson et Villars). Dans sa lettre du 5 avril, Châtillon écrit que pour ce qui est de la cavalerie, ce sont les meilleurs hommes que je vis jamais, & les mieux montés, & toutes les compagnies complètes, & des officiers très-bien choisis & soigneux de leur devoir. Servien écrit le 20 avril à Châtillon que, pour la cavalerie, ledit sieur d’Espernon vous fera voir, que comptant les compagnies sur le pied de guerre 90 maîtres, comme elles doivent être & comme il faut obliger les capitaines de les y mettre, le nombre que nous vous fournissons, doit faire plus de 5 000 chevaux.

La réserve de Chastelier-Barlot (4 000 fantassins en 4 bataillons et 1 000 cavaliers en 8 escadrons), faisant partie de la brigade Châtillon, n’ayant eu le temps d’arriver sur le champs de bataille, ce sont donc moins de 18 000 fantassins et 4 000 cavaliers qui combattront réellement.

Enfin, dans sa lettre datée du 9 avril, Châtillon demandait à Servien une compagnie de cent bons Pionniers, commandés par un homme laborieux & diligent. Car de se fier qu’on a des pelles & des pics pour faire prendre aux soldats quand on veut, ou qu’on se peut servir des paysans, cela est bon pour un lieu arrêté, quand on entreprend un siège ; mais lorsque l’armée marche, la compagnie de Pionniers est du tout nécessaire, tant pour faire le chemin du canon, que pour couper les haies, & remplir proprement les fossés, quand il se rencontre occasion de mettre l’armée en bataille ; ce qui arrive assez souvent, lorsque l’on est en pays de l’ennemi. On a aussi besoin d’un bon Capitaine des Guides, à qui l’on donne bon appointement. Servien lui répond le 20 avril que l’on fait lever des Pionniers, que vous avez marqué très à propos nécessaires pour une dans une armée, lorsqu’elle marche.

 

Stéphane Thion (extrait de La bataille d’Avins, 1635)

 

 

L’armée bavaroise à Fribourg (août 1644)

L’armée bavaroise à Fribourg (août 1644)

 

Depuis le début de la guerre de Trente Ans, les Bavarois ont formé le coeur des armées de la Ligue Catholique[1]. À la mort de Tilly, au printemps 1632, les unités bavaroises seront absorbées par l’armée impériale de Wallenstein et de ses successeurs. Après la bataille de Nördlingen, en 1634,  une armée à forte dominante bavaroise réapparait peu à peu, comme le corps de Götz qui combattra en 1638 à Rheinfelden. Cette année-là, Mercy prendra le commandement d’une armée exclusivement bavaroise.

L’organisation de l’armée bavaroise est comparable à celle de l’armée impériale. L’infanterie est composée de régiments comptant de 8 à 13 compagnies de théoriquement 200 à 300 hommes alors que la cavalerie est formée en régiments comptant 5 à 10 compagnies de 100 chevaux. Un régiment d’infanterie peut donc réunir, sur le papier, de 1500 à 4000 hommes alors qu’un régiment de cavalerie peut compter de 500 à 1000 hommes. En pratique, ce n’était bien sûr jamais le cas. Les compagnies d’infanterie du feldmarschall Götz comptent ainsi, en 1638, entre 45 à 150 hommes, soit une centaine d’hommes en moyenne. De même, en 1642, les compagnies d’infanterie de l’armée de Mercy comptent 70 à 120 hommes. Pour la cavalerie, l’effectif réel des compagnies est plus proche de son niveau théorique. Il est ainsi de 90 hommes en 1640 et 93 ou 100 hommes à différentes dates de l’année 1642.

L’encadrement d’une compagnie d’infanterie est particulièrement fourni, les hommes du rang comptant pour moins des deux tiers de l’effectif. Ainsi, une compagnie du régiment Wahl en garnison à Ingolstadt compte, le 3 juin 1644 : un hauptmann (capitaine), un lieutenant, un fähnrich (enseigne), un feldwaibel (sergent), un feldwaibel réformé, un lehrer (précepteur), un furier (fourrier), un musterchreiber (secrétaire), un feldscherer (barbier), 6 corporäle (caporaux), 3 trommelschläger (tambours), 5 leib und fourierschützen (fourriers), 13 gefreite (soldats de première classe) et 64 soldats faisant en tout 100 hommes.

La répartition entre piquiers et mousquetaire est comparable à ce qui se pratique dans les armées impériales, soit un tier de piques pour deux tiers de mousquets. Raimondo Montecuccoli , le futur grand adversaire de Turenne, affirme d’ailleurs que « les régiments d’infanterie (impériaux) sont composés, les deux tiers de mousquetaires et un tiers de piquiers ». Il ajoute que l’on « ne se sert plus d’arquebuses dans les troupes allemandes, parce que le mousquet porte plus loin, et que l’homme qui porterait une arquebuse peut porter un mousquet ». La pique, longue de quinze à dix-sept pieds (de 4,5 à 5 mètres), est considérée comme l’arme reine de l’infanterie.

Infanterie bavaroise, années 1630 (Aquarelle de K.A. Wilke)

Contrairement à son homologue française, la cavalerie bavaroise a gardé la distinction entre cuirassiers et arquebusiers à cheval. À ces deux armes s’ajoutent les dragons, plus polyvalents. Quatre régiments de cuirassiers, trois d’arquebusiers à cheval et deux de dragons seront ainsi alignés à Fribourg.

Montecuccoli décrit les cuirassiers comme « armés aujourd’hui de demi-cuirasses, qui ont le devant et le derrière, de bourguignottes composées de plusieurs lames de fer attachées ensemble par derrière et aux côtés pour couvrir le col et les oreilles, et de gantelets, qui couvrent la main jusqu’au coude. Les devants de cuirasse doivent être à l’épreuve du mousquet, et les autres pièces à l’épreuve du pistolet et du sabre. Leurs armes offensives sont le pistolet et une longue épée qui frappe d’estoc et de taille ». Les arquebusiers à cheval sont théoriquement moins bien protégés mais ajoutent l’arquebuse à leur armement : « Les arquebusiers ou carabiniers ne peuvent faire un corps solide, ni attendre de pied ferme le choc de l’ennemi, parce qu’ils n’ont point d’armes défensives : c’est pourquoi il ne serait pas à propos d’en avoir un grand nombre dans une bataille, parce qu’on ne saurait les placer qu’ils ne causent de la confusion en tournant le dos. Comme leur emploi est de tourner en caracolant, et de faire leur décharge, puis de se retirer si l’ennemi les presse par derrière et qu’ils se retirent si vite que cela ait l’air de fuite, ils ôtent le courage aux autres, ou bien ils les heurtent, et se renversent sur eux. C’est ce qui détermina Wallenstein général, des troupes de l’Empereur, de les proscrire de l’armée après la funeste expérience qu’il en fit à la bataille de Lutzen l’an 1632 ». Enfin, les dragons « ne sont autre chose que de l’infanterie à cheval armée de mousquets légers, un peu plus courts que les autres, de demi-piques et d’épées, pour se saisir d’un poste en diligence, et pour prévenir l’ennemi dans un passage. On leur donne pour cela des hoyaux et des pelles. On les met à cheval au milieu et dans les vides des bataillons pour tirer de là par dessus les autres ; d’ailleurs ils combattent d’ordinaire à pied ».

Ci-dessus : cuirassiers et étendards de cavalerie bavaroise (aquarelle de K.A. Wilke)

En juillet 1644, l’armée du feldmarschall[2] von Mercy compte près de 16 000 hommes dont 8 500 à 9 000 fantassins sous Ruischenberg, 7 à 8 000 cavaliers sous Jean de Werth et 28 canons. Son infanterie compte onze régiments totalisant 94 compagnies : Wahl, Mercy,  Ruischenberg[3], Hasslang, Gold, Holz, Winterscheid, Miehr, Rouyer, Fugger et Entschering.

Sa cavalerie compte, le 18 juillet 1644, quatre régiments de cuirassiers (Mercy, Gayling, Kolb, et Lapierre), trois régiments d’arquebusiers à cheval (de Werth, Sporck et Cosalky), et deux régiments de dragons (Wolf et Kurnreuter).

 

L’armée bavaroise de Mercy à la bataille de Fribourg

Infanterie :                                                                         Effectif le 18 juillet 1644

Régiment de Wahl                        6 compagnies         705 hommes

Régiment de Mercy                    10 compagnies       1031 hommes

Régiment de Ruischenberg       11 compagnies       917 hommes

Régiment d’Hasslang                   8 compagnies         741 hommes

Régiment de Gold                         8 compagnies         1064 hommes

Régiment d’Holz                           8 compagnies         977 hommes

Régiment de Winterscheid         8 compagnies         951 hommes

Régiment de Miehr                      9 compagnies         850 hommes

Régiment de Rouyer                    8 compagnies         862 hommes

Régiment de Fugger                     8 compagnies         900 hommes

Régiment d’Entschering             10 compagnies       929 hommes

Total au 18 juillet                                                      9 927 hommes

Effectif estimé à Fribourg                                          8 500 à 9 000 hommes

 

Cavalerie :                                                                         Effectif estimé

Régiment de cuirassiers de Mercy          8 compagnies         800

Régiment de cuirassiers de Gayling        9 compagnies         900

Régiment de cuirassiers de Kolb             8 compagnies         800

Régiment de cuirassiers de Lapierre      9 compagnies         900

Régiment d’arquebusiers de Werth        8 compagnies         800

Régiment d’arquebusiers de Sporck      10 compagnies       1000

Régiment d’arquebusiers de Cosalky      8 compagnies         800

Régiment de dragons de Wolf                   6 compagnies         600

Régiment de dragons de Kurnreuter          ?                            600

Total estimé                                                             7 200 hommes

Total déclaré                                                            9 713 hommes

 

Artillerie : 4 demi-canons de 24 livres, 5 demi-couleuvrines de 12 livres, 8 faucons de 5 livres, 3 fauconneaux de 3 livres et 3 mortiers.

[1] La Ligue catholique ou Sainte Ligue catholique est une alliance militaire des États allemands catholiques. Elle fut fondée en 1609 par le duc Maximilien de Bavière.

[2] Grade équivalent au Maréchal français.

[3] Ou Reischenberg.

 

Stéphane Thion

 

Planches Drapeaux 1600/1702

Planches Drapeaux 1600/1702

Le fichier joint à cet article contient une série de planches à mettre en couleur et issues des recherches de Pierre Fouré, parues dans les années 70 dans notre cercle de joueurs à la Sabretache à Paris.
Il concerne différents régiments levés de 1600 à 1702 dont certains sont mal connus car disparus très tôt.
La qualité du tirage est liée à l’époque et vous voudrez bien l’excuser. C’est un document assez rare.
Bonne lecture !

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L’armée française à Fribourg (août 1644)

L’armée française à Fribourg (août 1644)

 

L’armée française en 1644

Au commencement de la campagne de 1644, l’infanterie royale se compose de 166 régiments, dont 31 sont étrangers. Les régiments français comptent alors généralement 20 compagnies de 70 hommes (à l’exception des gardes françaises dont les 30 compagnies sont à 200 hommes). Quinze régiments comptent 30 compagnies alors que 43 régiments comptent entre 4 et 15 compagnies. L’effectif théorique de 1400 hommes pour 20 compagnies ne sera pratiquement jamais atteint. Il est en effet rare de voir des bataillons compter plus de 800 hommes une fois la campagne commencée.

L’ordonnance du 18 octobre 1643 sur les quartiers d’hiver prescrit donc que les régiments ayant moins de 20 hommes par compagnie devront, à la fin de la campagne, être licenciés. C’est ainsi que les régiments de Nangis, de Souvigny, du Ferron, de Roqueservière, de Clermont-Vertillac, de Sivron, de l’Église, de la Mezangère, de Grammont, de Croissy et de Thorigny disparaissent. Les vieux corps[1] pourront conserver toutes leurs compagnies mais, pour les autres, on ne devra maintenir sur pied que les compagnies suffisamment fortes. Les officiers concernés par ces suppressions se verront notifier leur congés alors que sergents et soldats seront incorporés dans les anciens régiments ou dans les compagnies maintenues. Enfin, durant l’hiver, les capitaines devront rétablir l’effectif de leur compagnie à 70 hommes, qu’elles soient d’infanterie ou de cavalerie. Ainsi, l’ordonnance du 20 décembre 1643 prescrit que les Maîtres de camp, Capitaines et Officiers s’obligeront de « rendre leurs compagnies complètes de soixante dix hommes chacune, armés pour l’infanterie les deux tiers de mousquetaires, et le tiers de piques ; et pour la cavalerie chaque cavalier du pot[2], de cuirasse devant et derrière, et de deux pistolets ». Tous les officiers devront être présent avant la campagne de 1644, c’est à dire au 15 février.

Le 19 juillet 1644, Le Tellier écrira à Turenne que son infanterie « se trouve faible par la mauvaise foi du colonel et l’avarice des officiers français ». Il ajoute : « Il faut que je vous avoue ingénument qu’il est tout à fait difficile de vous fortifier de nouveaux corps, puisque la dépense que nous avons faite pendant l’hiver pour y parvenir, se trouve si mal employée ; si vous ne vous résolvez, monsieur, à faire quelque démonstration de sévérité contre les officiers, commençant par ceux de vos régiments, et celui de monsieur votre neveu, comme ayant été les mieux traités, ce sera encore pis à l’avenir ».

L’encadrement d’une compagnie d’infanterie comprend un capitaine, un lieutenant, un enseigne ou sous-lieutenant, deux sergents armés de hallebardes, trois caporaux, trois anspessade[3] et un tambour. Les caporaux et les anspessades ont l’armement des soldats qu’ils commandent.

La cavalerie se forme théoriquement, depuis janvier 1638, en régiments de 8 compagnies de chevau-légers et une compagnie de mousquetaires. En réalité, les régiments sont plus souvent à de 5 à 6 compagnies de 70 hommes, rarement 8. La réalité et la théorie font rarement bon ménage. Ainsi, en 1639, le régiment d’Alais compte 11 compagnies dont une de mousquetaires, les régiments de la Ferté-Imbaut et de Gesvres, 8 compagnies dont deux de mousquetaires, les régiments de Guiche et de Brouilly, 9 compagnies dont deux de mousquetaires, le régiment de Cursol, seulement 6 compagnies.

Les compagnies de Gendarmes, sont dites « franches », c’est à dire qu’elles ne sont pas enrégimentées.

Les compagnies, à l’exception des gendarmes, sont de 70 maîtres, qui doivent être équipés, début 1644, « chaque cavalier du pot, de cuirasse devant et derrière, et de deux pistolets ». Il s’agit là bien sûr d’un vœu pieu, régulièrement invoqué par les ordonnances royales. L’ordonnance du 14 juillet 1636 insistait déjà pour que « les gens de cheval aient la cuirasse pour le moins ». Cette mauvaise habitude d’alléger l’équipement va se poursuivre puisque l’ordonnance d’octobre 1642 rappelle une fois de plus que « les capitaines de cavalerie seront obligés d’avoir leurs soldats armés chacun d’une cuirasse, d’un pot, et deux pistolets, le tout en bon état ». À cette époque, c’est l’état qui fournit cet équipement, comme le souligne Sirot en 1642 : « Les recrues se firent en moins d’un mois, et les cavaliers se trouvant du nombre qu’on le désirait, le maréchal de Guiche me fit délivrer les armes pour les armer, que je distribuai à tous les régiments ; mais il ne s’y trouva que pour armer 2 000 chevaux, et il en restait encore 1 000 qui étaient sans armes ». L’écart entre la théorie et la pratique n’est pas anecdotique. Ainsi, fin 1639, sur les onze compagnies de chevau-légers du régiment Colonel, quatre sont armées[4], une en partie armée et six non armées. Sur les six compagnies de chevau-légers du régiment de Gesvres, deux sont non armées. Le régiment de la Ferté-Imbaut, plus épargné, n’a qu’une compagnie de chevau-légers non armée sur les six. La situation est encore plus « critique» pour les régiments étrangers : Les régiments de L’Eschelle et de Fittingost ont tous les deux six compagnies, toutes non armées.

Depuis Sully, l’artillerie comprend six modèles : le canon avec boulet de 33 livres, qui peut tirer jusqu’à 1500 pas[5], la grande couleuvrine avec boulet de 16 livres, la bâtarde avec boulet de 7 livres et demi, la moyenne avec boulet de 2 livres et demi, le faucon avec boulet d’1 livre et demi et le fauconneau avec son boulet de trois-quarts de livre. Dès 1635, l’artillerie française va bénéficier des enseignements de ses alliés suédois. L’infanterie utilisera les canons légers de type fauconneaux en plus grand nombre. À Fribourg, l’armée de Champagne compte ainsi deux demi-canons et quinze fauconneaux alors que l’armée d’Allemagne compte six demi-canons et quatorze fauconneaux. Les fauconneaux, pièces maniables, ont l’avantage de pouvoir progresser au même rythme que l’infanterie, la précédant d’un feu destructeur. Cette arme, bien que fragile, a l’intérêt d’être manœuvrable par un seul cheval tout en ayant une portée de 1000 pas. Depuis 1634, le maréchal de La Meilleraye est grand maître de l’artillerie. Le marquis de Chouppes sera son lieutenant-général à l’armée de Champagne.

Le 8 novembre 1643, les commissaires et contrôleurs des guerres reçurent l’ordre de faire prêter serment de « bien et fidèlement servir Sa Majesté et la Reine Régente sa mère, sous la charge et autorité de Monseigneur le duc d’Orléans, lieutenant-général représentant la personne de Sa Majesté et en son absence de ceux qui commanderont lesdits gens de guerre. »

Les troupes du duc d’Enghien forment le cœur de l’armée de Champagne. Elles comprennent à l’origine le régiment d’Enghien, 20 compagnies levées en 1635, puis le régiment de Conti et le régiment de Persan. S’y ajoutent les régiments de cavalerie : le régiment d’Enghien, quatre compagnies de gendarmes et une compagnie de chevau-légers levées entre 1634 et 1636. D’autres unités seront ajoutées en 1643 et 1644 à l’armée de Champagne : les régiments d’infanterie Mazarin-français[6], Bussy, Le Havre, Fabert, Guiche et Desmarets (ces derniers étant liégeois) ; les régiments de cavalerie Mazarin, Guiche, Beauveau et L’Eschelle, les deux derniers étant liégeois.

Le cœur de l’armée d’Allemagne de Turenne est composée de troupes weimariennes de feu Bernard de Saxe-Weimar, passées au service de la France en 1635. Elles sont formées de trois régiments d’infanterie (Hattstein, Bernhold et Schmidtberg), sans compter les unités en garnison, et onze régiments de cavalerie (Baden, Berg, Erlach, Fleckenstein, Kanoffsky, Alt-Rosen, Neu-Rosen, Russwurm, Sharfenstein, Taupadel et Wittgenstein). À ces troupes allemandes vont s’ajouter sept régiments d’infanterie française (Aubeterre, Du Tot, La Couronne, Mazarin-italien, Melun et Montausier) et trois régiments de cavalerie (Guebriant, Tracy et Turenne).

L’armée française à Fribourg

L’armée française qui va affronter son adversaire bavarois à Fribourg n’a rien de prestigieuse : aucun vieux corps parmi les régiments d’infanterie, ni gardes françaises ni gardes suisses. Mais elle est constituée d’unités de vétérans. La plupart des régiments  sont cependant des régiments permanents, ayant plusieurs campagnes à leur actif. Il en est de même des régiments de cavalerie. Et surtout, l’armée de Turenne est constituée de ce qui se fait de mieux en Allemagne : les régiments weimariens de feu Bernard de Saxe-Weimar.

En 1644, alors qu’il prend en charge le commandement de l’armée d’Allemagne, le vicomte de Turenne fait « remonter à ses dépends 5 000 cavaliers et habiller 4 000 fantassins ». Il lui faut en effet remettre sur pied cette armée qui avait beaucoup souffert l’année précédente. Il la réorganise à sa main, comme il l’écrit à Mazarin le 29 février : « Je ne veux pas de tous ces maréchaux de camp servant par jour, l’un défaisant ce que l’autre a fait, mais quatre généraux majors, deux attachés à la cavalerie, deux à l’infanterie ». Il prend comme lieutenant-général, « pour commander sous le maréchal de Turenne en la manière que M. de Guébriant commandait sous le duc Bernard », d’Aumont, au détriment de Taupadel.

Pour la campagne qui s’annonce, son armée s’établira en réalité à 10 000 hommes dont 5 000 gens de pied, 5 000 chevaux et une vingtaine de pièces d’artillerie. L’armée du duc d’Enghien présente un effectif comparable : 10 000 hommes dont 6 000 gens de pied, 4 000 chevaux, et 17 canons.

L’infanterie du duc d’Enghien compte neuf régiments – Persan, Enghien, Conti, Mazarin-français, Le Havre, Bussy, Fabert, Guiche, Desmarets, ces deux derniers liégeois – alors que l’infanterie de Turenne compte six régiments français – Montauzier, Melun, la Couronne, Mazarin-italien, Aubeterre, du Tot – et trois régiments weimariens – Hattstein, Bernhold et Schmidtberg.

La cavalerie du duc d’Enghien comprend ses gardes, les compagnies de gendarmerie Enghien, Condé, Conti et Guiche, les régiments de cavalerie Enghien, Guiche, Cardinal Mazarin, Mazarin français, L’Eschelle, Beauveau (tous deux liégeois) et des compagnies de chevau-légers franches. La cavalerie de Turenne comprend les régiments français de Turenne, de Guébriant, et de Tracy ainsi que onze régiments weimariens – Rosen (Alt-Rosen et Neu-Rosen c’est à dire l’ancien et le nouveau régiment de Rosen), Fleckenstein, Berg, Baden, Wittgenstein, Russwurm, Scharfenstein, Erlach, Taupadel et Kanoffsky.

Le marquis de Chouppes commande l’artillerie du duc d’Enghien en tant que lieutenant général. Ayant pris ses fonctions, il commence par ordonner une revue des officiers et chariots de l’artillerie. Il obtient à la mi-juillet, grâce au soutien de Mazarin contre le duc d’Enghien, la préséance des commandants de l’artillerie sur les sergents de bataille. L’artillerie des armées réunies comporte alors près de 40 pièces d’artillerie bien fournies en munitions diverses.

Au sein de l’armée de Champagne, d’Espenan, le comte de Tournon et Palluau sont maréchaux de camp[7]. Le maréchal de Castelnau-Mauvissière et Mauvilliers (ou Mauvilly), lieutenant des chevau-légers d’Enghien, sont maréchaux de bataille[8].

[1] Les vieux corps désignaient les six plus anciens régiments français, formés dans la seconde moitié du XVIe siècle : Picardie, Piémont, Champagne, Gardes françaises, Navarre, Normandie, ce dernier formé en 1616.

[2] C’est à dire d’un casque de cavalerie appelé aussi capeline.

[3] Anspessade ou lancepessade : terme provenant de l’italien lancia spezzata, signifiant « lance brisée ». En France, ce grade fut créé en janvier 1508 : Louis XII institua ainsi douze places de lancepessades dans les bandes du Piémont. Ces places étaient réservées à la noblesse dans le but de l’attirer dans les rangs de l’infanterie. C’est ainsi que des cadets de Gascogne ou des gens d’armes ruinés acceptèrent de servir à pied.

[4] C’est à dire que les cavaliers sont équipés du pot et de la cuirasse.

[5] Le pas est une unité de longueur datant des Romains. Un pas mesurait alors 2,5 pieds soit environ 75 centimètres.

[6] En plus de son régiment de cavalerie, le cardinal Mazarin leva plusieurs régiments d’infanterie, dont deux, Mazarin-français et Mazarin-italien étaient présents à Fribourg.

[7] Les maréchaux de camp organisaient le campement et le logement de l’armée, en concertation avec le général de l’armée. Pendant la bataille, les maréchaux de camp commandaient un des corps de l’armée ‘une des ailes ou la réserve).

[8] Le maréchal de bataille est une fonction créée à la fin du règne de Louis XIII (vers 1643). Sa principale fonction est de mettre l’armée en bataille en fonction du plan décidé. En pratique, il était secondé par des sergents de bataille.

 

L’apparition d’une nouvelle formation : la brigade

La première moitié du XVIIe siècle est emblématique de l’évolution de l’organisation tactique de l’infanterie. C’est effectivement au début du siècle qu’apparaît la brigade en tant que formation tactique.

Durant le XVIe siècle, l’infanterie se groupe en gros bataillons de 3 à 6 000 hommes qui prennent la forme de carrés : carrés d’hommes, c’est à dire présentant autant d’hommes de front que de côté (50 files sur 50 rangs pour un bataillon de 2500 hommes) ou carrés de terrain, c’est à dire que les hommes occuperont une surface au sol carrée, (150 par 150 pieds par exemple). Le commandement reste relativement centralisé et, malgré l’apparition dans les armées françaises de lanspessades en 1508, puis de caps d’escadres – ancêtres des caporaux – sous François Ier, les chefs d’armée ne prennent pas le risque de diviser ces formations en unités autonomes plus manœuvrables. Il faut attendre Condé et Coligny pour voir apparaître, comme à la bataille de Saint-Denis en 1567, des petites formations indépendantes de 500 hommes. Henri IV reprendra cette vision tactique et la poussera encore plus loin. En 1590, pour la bataille d’Ivry, il aligne son infanterie par petites unités de 500 hommes, mais chaque bataillon de 500 piquiers suisses ou lansquenets est encadré par deux bataillons de 500 arquebusiers français. Et la tactique inter-arme est poussée encore plus loin : entre chacune de ces formations de trois bataillons est intercalée un escadron de cavalerie. Ni Jacques-Auguste de Thou[1], dans son Histoire Universelle, ni les autres historiens ne donnent de nom particulier à ces formations d’infanterie. « Chaque escadron avait sur ses flancs un corps d’infanterie pour le couvrir, et était précédé par quelques aventuriers », écrit simplement de Thou. Davila[2], dans son Histoire des guerres civiles en France, est encore plus laconique sur le sujet : « A chaque escadron il joignit un bataillon, qui par une grêle d’arquebusades, devait soutenir la cavalerie, éclaircir les rangs ennemis ».

À l’initiative de Maurice Nassau, les guerres de Hollande voient l’utilisation de petits bataillons de 400 à 600 hommes résolument inter-armes. À la différence de ceux d’Henri IV, les bataillons de Maurice de Nassau mêlent piquiers et mousquetaires. Le terme de brigade n’est pas encore utilisé mais on observe que les bataillons sont regroupés principalement par paires. Le déploiement de l’armée du prince d’Orange, à Juliers[3] en 1610, montre bien que les bataillons sont groupés par deux. Les Danois imiteront quinze ans plus tard ces dispositions en déployant leur armée, en 1625, sur le même modèle : les bataillons sont groupés deux par deux et placés en losange.

Avec le retour de la paix, les vingt premières années du XVIIe siècle voient la publication de traités militaires s’appuyant sur les expériences des guerres de religion française et hollandaise : « L’art militaire pour l’infanterie » de Jean-Jacques Walhausen[4], publié en 1615 ; « Les principes de l’art militaire » de Jérémie de Billon[5], écrit en 1608, et les « Discours militaires » du sieur du Praissac publié en 1614 en sont quelques exemples. Ces trois auteurs prônent l’utilisation de petits bataillons de moins de 1000 hommes alignés sur un maximum de 10 rangs. Pour Billon, ces bataillons seront groupés par trois : « L’on fera trois bataillons, dont il y en aura deux en face qui sembleront n’être qu’un corps, et un autre derrière ces deux là. (…) Ou bien on mettra un bataillon seul en front et deux autres derrière ». Walhausen et Du Praissac présentent comment un régiment, qui reste une unité administrative, peut être décomposé en plusieurs bataillons. Mais aucun de ces auteurs n’emploient encore le terme de brigade. Cette nécessité ne s’impose pas encore puisque en pratique, il s’agira de scinder un régiment en deux ou trois bataillons.

Cette désignation va apparaître une dizaine d’années plus tard chez les Suédois et les Français. Les premiers vont tout d’abord, entre 1617 à 1621, organiser leurs régiments en escadrons, terme équivalent au bataillon français. Puis, en 1627, Gustave Adolphe va regrouper ces escadrons en brigades, une brigade pouvant rassembler des escadrons provenant de plusieurs régiments. Ces brigades réuniront trois escadrons entre 1627 et 1628, puis quatre escadrons, avant de revenir à trois entre 1631 et 1634. La taille de ses brigades va rapidement se réduire puisqu’en 1642 une brigade ne compte plus qu’un régiment, soit 8 à 16 compagnies d’infanterie.

Sous l’impulsion de Wallenstein, les Impériaux vont suivre l’exemple puisqu’ils formeront, en 1633, six brigaden réunissant chacune trois ou quatre régiments, soit 23 à 37 compagnies par brigade. En ce sens, les pratiques impériales diffèrent de celles des Suédois car, comme l’écrira plus tard Montecuccoli[6], « de plusieurs escadrons et bataillons, se forment les corps ou les grands membres de l’armée qu’on appelle Brigades. Des brigades ont fait, l’avant-garde, le corps de bataille, l’arrière-garde qui marchent devant, au milieu, derrière ». Pourtant, à l’image des pratiques suédoises, ou par nécessité, la taille des brigades impériales va se réduire avec le temps. À la seconde bataille de Breitenfeld, en 1642, les brigades d’infanterie impériales ne compteront plus que 10 à 12 compagnies d’infanterie soit l’équivalent d’un régiment.

L’armée française adoptera la brigade probablement un peu avant 1628. Jacques Callot[7] nous a laissé une représentation de l’armée royale devant La Rochelle, cette année là : l’infanterie est formée en losanges dont chaque sommet est formé de groupes de deux bataillons. Il s’agit là de la formation utilisée par les Hollandais en 1610 et par les Danois en 1625. En France, le terme de brigade, pour désigner ces groupes de bataillons, apparaît au plus tard en 1629. Ainsi, cette année là, au siège de Privas, Champagne et Piémont forment brigade. Une brigade ne sera pas formée systématiquement de deux bataillons puisqu’à la bataille de Thionville, en 1639, une brigade est constituée de trois bataillons, deux provenant du régiment de Navarre et le troisième du régiment de Beauce. Cette notion de brigade n’est pourtant pas encore claire pour tout le monde. Ainsi le terme brigade a été utilisé, notamment par Louis XIII, pour désigner les deux divisions formées en 1635 par les maréchaux Châtillon et Brézé au sein de l’armée de Picardie. Il s’agira là d’un excès de langage pour désigner ce partage, non souhaité par le Roi, de l’armée en deux parties. Chacune de ces deux brigades est alors composée d’un nombre important de régiments et de compagnies de cavalerie : 10 à 12 régiments d’infanterie faisant chacun un bataillon et 26 compagnies de cavalerie formant 15 escadrons. Chacune des deux brigades est désignée soit par le nom du maréchal qui la commande, soit par le nom du vieux corps autour duquel elle a été formée. Au sein de cette armée, et avant l’année 1641, apparaît alors le grade de sergent-major de brigade d’infanterie.

L’année 1644 se distingue par l’utilisation systématique de la brigade d’infanterie au sein de l’armée française. Cette année là, les sources écrites nous listent les brigades de deux ou trois bataillons formées pour la bataille de Fribourg : la brigade d’Espenan composée des régiments Enghien et Persan ; la brigade Tournon composée des régiments Conti et Mazarin-français ; la brigade Marsin composée des régiments Le Havre et Bussy ; une quatrième brigade composée des régiments Guiche, Desmarets et Fabert ; la première brigade française de Turenne composée des régiments de Tot et d’Aubeterre ; la seconde brigade de Turenne composée des régiments La Couronne et Montausier ; la troisième brigade de Turenne composée des régiments Mazarin-italien et Melun ; enfin, les régiments weimariens d’Hattstein, de Bernhold et de Schmidtberg (ou Schönbeck) forment, si l’on en croit une lettre de Turenne à d’Erlach (datée du 30 juillet), deux brigades. Ils n’en formeront plus qu’une par la suite. La cavalerie, pour sa part, n’utilise pas encore la formation en brigades.

La brigade ne deviendra une formation permanente, et non plus un groupement temporaire, qu’en 1668. Par l’ordonnance du 27 mars de cette année seront créés les brigadiers d’infanterie dont le rôle est de commander les brigades.

[1] Jacques-Auguste de Thou (1553-1617), historien, écrivain et homme politique, auteur d’une Histoire universelle depuis 1543 jusqu’en 1607.

[2] Enrico Caterino Davila (1576-1631) était un italien au service d’Henri IV. Il est l’auteur d’une Histoire des guerres civiles de France depuis la mort de Henri II jusqu’à la paix de Ferrois (1598).

[3] Juliers, ou Jülich en Allemand, est une ville située en Rhénanie-du-Nord (Allemagne). La mort de Jean-Guillaume, duc de Juliers, Clèves et Berg, en 1609, donna lieu à un conflit armé. La Guerre de Succession de Juliers pris fin en 1614 par la signature du traité de Xanten.

[4] Johann Jacob von Walhausen (c. 1580-1627) était un écrivain militaire allemand. Il avait prévu de publier un recueil sur l’art militaire en six parties, traitant de l’infanterie, la cavalerie, l’artillerie, les tactiques, les fortifications et les guerres navales. Il mourra avant d’achever son oeuvre.

[5] J. de Billon, seigneur de Prugne. Il entre à l’armée en 1594. Trois ans plus tard, Henri IV le nomme lieutenant du régiment de Chappes, régiment qui prendra le nom de Nerestang à partir de 1631. Ses Principes de l’Art Militaire étaient destinés à tous les jeunes écoliers d’armes du royaume.

[6] Raimondo, comte de Montecuccoli (1609-1680), né à Modène, fut un des grands capitaines du XVIIe siècle. Il sera général des troupes impériales, et adversaire de Turenne entre 1673 et 1675. Il est l’auteur des Memorie della guerra.

[7] Jacques Callot (1592-1635) était un dessinateur et graveur lorrain. On lui doit notamment les Grandes Misères de la guerre, tableaux saisissant de la guerre de Trente Ans.

 

L’armée de Champagne et l’armée d’Allemagne

Armée de Champagne (Enghien et de Guiche) :

Régiments d’infanterie :                                                               Effectif estimé

Enghien                       30 compagnies de 70 hommes             800 hommes

Persan                          30 compagnies de 70 hommes             800 hommes

Conti                             30 compagnies de 70 hommes             800 hommes

Mazarin                        30 compagnies de 70 hommes             800 hommes

Le Havre                       20 compagnies de 70 hommes             800 hommes

Bussy -Lameth             20 compagnies de 70 hommes             800 hommes

Guiche (liégeois*)       20 compagnies de 70 hommes             400 hommes

Desmarets (liégeois*) 10 compagnies de 100 hommes           400 hommes

Fabert                             20 compagnies de 70 hommes             400 hommes

Total estimé                                                                                  6000 hommes

 

Régiments de Cavalerie :

Gardes d’Enghien                                                                       200 chevaux

Gendarmes d’Enghien                          4 compagnies            600 chevaux

Chevau-légers d’Enghien                      1 compagnie              150 chevaux

Gendarmes de la Reine**                     1 compagnie               150 chevaux

Régiment de cavalerie Enghien             6 compagnies (?)    400 chevaux

Régiment de cavalerie Mazarin             6 compagnies (?)    600 chevaux

Régiment de Guiche                             10 compagnies          600 chevaux

Régiment liégeois de L’Eschelle*                                           600 chevaux

Régiment liégeois de Beauveau*                                            600 chevaux

Compagnies franches de chevau-légers                                     ?

Total estimé :                                                                              4000 chevaux

 

* Les fantassins et cavaliers de Marsin n’apparaissent pas distinctement à Fribourg. Il semble que ces hommes, 1200 cavaliers et 800 fantassins, aient formés les régiments de cavalerie L’Eschelle, et Beauveau, et d’infanterie Guiche et Demarets. Mais rien n’est plus sûr, la Gazette de France listant le régiment d’infanterie de Guiche et les régiments de cavalerie de L’Eschelle et de Beauveau parmi ceux envoyés à la rencontre de Marsin, en pays liégeois.

** Lettre de Mazarin au duc d’Enghien, du 11 juin 1644

Artillerie : 2 demi-canons et 15 fauconneaux

Armée d’Allemagne (Turenne et Rosen)

Infanterie :                                                                                   Effectif estimé

Aubeterre                  20 compagnies de 70 hommes             500 hommes

La Couronne             20 compagnies de 70 hommes             500 hommes

Mazarin-italien        12 compagnies de 100 hommes            500 hommes

Montausier               20 compagnies de 70 hommes             500 hommes

Melun                        20 compagnies de 70 hommes             500 hommes

Du Tot                       20 compagnies de 70 hommes             500 hommes

Schmidtberg           5 ou 6 compagnies de 100 hommes      500 hommes (weimariens)

Hattstein                5 ou 6 compagnies de 100 hommes      500 hommes (weimariens)

Bernhold                5 ou 6 compagnies de 100 hommes      500 hommes (weimariens)

Total estimé                                                                           5 000 hommes

 

Le reste de l’infanterie weimarienne est à Brisach, avec d’Erlach

Une source (une version de l’Histoire du vicomte de Turenne de Ramsay), cite le régiment de Mézières, en brigade avec le régiment de Montausier. Ce régiment n’apparait dans aucune source et n’a en réalité jamais existé. Par contre, lors de sa jonction avec Marsin, en pays liégeois, Enghien avait emmené avec lui « 400 hommes commandés des garnisons de Sedan, Mézières et Charleville », d’où la confusion possible. La brigade Montausier était donc uniquement composée des régiments Montausier et La Couronne.

 

Cavalerie :                                                                                       Effectif estimé

Régiment de Turenne                                                               400 chevaux

Régiment de Guébriant                                                            250 chevaux

Régiment de Tracy                                                                    300 chevaux

Régiment Alt-Rosen (weimarien)                                          400 chevaux

Régiment Neu-Rosen (weimarien)                                        350 chevaux

Régiment de Baden (weimarien)                                           400 chevaux

Régiment de Berg (weimarien)                                              350 chevaux

Régiment d’Erlach (weimarien)                                             400 chevaux

Régiment de Fleckenstein (weimarien)                                350 chevaux

Régiment de Kanoffsky (weimarien)                                     350 chevaux

Régiment de Russwurm (weimarien)                                    350 chevaux

Régiment de Scharfenstein (weimarien)                              350 chevaux

Régiment de Taupadel (weimarien)                                      400 chevaux

Régiment de Witgenstein (weimarien)                                 350 chevaux

Total estimé                                                                            5 000 chevaux

Artillerie : 6 demi-canons et 14 fauconneaux

 

Ci-dessus : Cavalerie (et infanterie) weimarienne (Aquarelle de K.A. Wilke)

 

 

 

Stéphane Thion

 

Tercios, ou Calif Benogoud s’en va-t-en guerre, par Xaverus

Tercios, ou Calif Benogoud s’en va-t-en guerre, par Xaverus

Un article publié initialement sur le blog Un Marius sinon rien

Tercios, c’est la règle que nous avons le plus joué en 2016 au club F&S.

Parfaitement adaptée aux partie de club du vendredi soir pour du 1vs1 ou du 2vs2, Tercios permet de jouer des Nations et des troupes variées avec une prise en main rapide et agréable.

Vous allez pouvoir suivre les velléités de grandeur du pas-encore-Calif-Benogoud face à un détachement de troupes françaises.
Et si ce n’est pas la plus passionnante partie que nous avons joué à Tercios, elle est néanmoins intéressante par son effet de surprise. En effet, c’était la première fois que le Marquis d’Appenzell, à la tête d’un détachement de troupes françaises, allait affronter les mythiques cavaliers et janissaires Ottomans.

Affronter des troupes dont on ne connait pas les véritables forces et faiblesses ni même les uniformes vous plonge dans les affres du commandement tout comme pouvait le vivre un jeune noble pistonné se retrouvant sur le front en présence de troupes asymétriques !

La rencontre, quelque part au nord des Balkans sur une route oubliée des cartes le détachement français doit faire acte d’arrière garde face à l’avancée inexorable des nombreuses troupes Ottomanes.
Par chance la vallée encaissée permet au français de couvrir une grande partie de la ligne de front. Le déploiement est complété par une seconde ligne très en retrait composée d’arquebusiers à cheval et de cavalerie de choc afin de bloquer tout débordement fatal à l’infanterie au centre.
Benogoud vient motiver ses bachibouzouks !
L’aile gauche ottomane composée de troupes variées et rapides
Le centre avec ses janissaires précédés des bachibouzouks !
La première ligne de cavalerie de l’aile droite Ottomane
Les manœuvres de débordement des ottomans à gauche et le contre français à droite !
A droite le choc est inéluctable, il faut tenir, alors chargeons !
les archers Ottomans s’expriment…
et la cavalerie de choc français doit charger pour se dégager

A droite, bloqués par le bois les ottomans n’ont pas pu exploiter leur nombre
A gauche, les Gardes du Corps français tiennent le front le temps qu’arrivent les arquebusiers
Au centre, le feu français soutenu par l’artillerie décime les bachibouzouks
Le centre décimé, les ailes ottomanes commencent à refluer le Marquis peut enfin faire avancer son centre pour se rabattre sur les ailes !
l’avance du centre français pour prendre en tenaille les ailes ottomanes
Dernières charges, et c’est la rupture des troupes de Benogoud !

Au final les troupes ottomanes ont totalement implosées au contact des rugueux français. Le terrain en profondeur n’aidant pas, les troupes plus mobiles n’ont pu exploiter leur vitesse et leur nombre pour finalement butter sur les contres-charges françaises ou le tir ravageur au centre, fortement aidé par la batterie d’artillerie judicieusement placée et les feux de brigade.

Ne pas connaitre le type de troupes, surtout face à une armée nombreuse, est vraiment un challenge passionnant.
La prochaine rencontre sur un champ de bataille ouvert (terrain en largeur et nom en profondeur) permettra sûrement à Benogoud d’exploiter pleinement la vitesse et le nombre des Ottomans qui ne renoncent jamais. Et la ce sera une autre histoire !

Et le plus important, après de nombreuses batailles, c’est le plaisir de jouer à Tercios qui est toujours là. Les scénarii et la variété des armées y sont aussi pour beaucoup.

Memento Tercios (Liber + Kingdoms)

Memento Tercios (Liber + Kingdoms)

Ce document est à placer en recto verso sous plastique et peut accompagner chaque joueur. Il contient :

  • La référence aux pions ordres parus par ailleurs pour s’affranchir des cartes
  • La référence aux différents types de terrain associés à leur nature
  • Les règles spécifiques des armes au Tir et en Mêlée, de Liber Militum mais aussi de Kingdoms
  • Les règles spéciales applicables en tant que modificateurs de tirs ou de combats (armes, nature des troupes etc…)

Bonne lecture !!

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La cavalerie à l’aube du XVIIe siècle

La cavalerie à l’aube du XVIIe siècle

Lance contre pistolet

Depuis le début des guerres de religion, les folles charges de cavalerie ont marqué les esprits. Dreux, Saint-Denis, Moncontour, La Roche l’Abeille, Coutras… autant de champs de bataille dont la terre raisonne encore du galop des chevaux. Mais en cette fin de siècle, la question de l’armement du cavalier lourd est sujet à débat.

A l’aube du XVIIe siècle, pour la majorité des théoriciens militaires (Basta, Walhausen, Melzo) il n’existe plus que trois catégories de cavaliers : les lanciers, les cuirassiers (qui englobe les reîtres allemands, les herreruelos espagnols et les chevaux légers huguenots) et les arquebusiers à cheval ou carabins. Walhausen y ajoute les dragons. Alors que l’arquebusier à cheval et le carabin sont des cavaliers qui démontent, le dragon apparaît tout d’abord comme une infanterie montée. Mendoza, qui écrit quelques années auparavant, puis Montgommery et Billon utilisent pour leur part une autre classification : plutôt que de distinguer les cavaliers par leur armement, ils le font par leur façon de combattre : gendarmes (hombres de armas), chevaux légers (cavalleria ligera) et arquebusiers à cheval ou carabins (arcabuzeros a cavallo), Mendoza évoquant encore les reîtres (herreruelos). La raison en est simple : avec l’avènement d’Henri IV, la lance a été abandonnée par la noblesse française. Gendarmes et chevaux-légers utilisent maintenant le même armement, les seconds plus légèrement armés et protégés, alors que les arquebusiers à cheval et carabins sont pour leur part armés d’une arquebuse. Mais en Espagne, le débat sur l’intérêt de la lance fait rage.

Bernardin de Mendoza, dans sa Théorie pratique de la guerre, écrite en 1596, affirme que les lances sont plus efficaces que les reîtres ou herreruelos. Les escadrons de lances n’ont pas besoin d’être plus nombreux que 100 ou 120 au plus, alors qu’il faut 400 ou 500 herreruelos dans un escadron. Les succès des chevaux légers huguenots des guerres de religion, armés de pistolets, et des cuirassiers de Nassau ne feront pas changer d’avis les principaux théoriciens militaires du début du XVIIe. Comme le dit George Basta, comte du Saint-Empire Romain germanique et gouverneur Général de Hongrie et Transylvanie sous Rodolphe II, l’introduction des cuirasses en la France, avec un total bannissement des lances a donné l’occasion de discourir quelle armure serait la  meilleure. Lui aussi était convaincu du pouvoir de la lance : la lance inventée pour percer & diviser un escadron, demande vélocité & force pour le choc. Mais il ajoute que, pour obtenir l’impact escompté, l’utilisation de la lance nécessite quatre conditions : un bon cheval, un terrain plat, un cavalier parfaitement entraîné à son maniement et enfin, qu’elle soit répartie en petits, & non pas en gros escadrons, qu’il nomme escadronceaux, les établissant à vingt & cinq ou trente chevaux. La même année, Jean-Jacques Walhausen consacre le premier chapitre de son ouvrage « De l’instruction et gouvernement de la cavalerie» au lancier. Son opinion rejoint celle de Basta, et il propose que les lanciers soient réunis en petites compagnies de 40 à 60 chevaux, et celle de l’Espagnol Ludovic Melzo, qui écrit en 1619 un ouvrage sur le service de la cavalerie. Enfin, tous ces auteurs se rejoignent lorsqu’ils affirment que le cuirassé est plus facile à recruter et à former que le lancier.

L’historien Davila illustre bien ces débats lorsqu’il relate les combats de cavalerie prenant place devant Amiens en 1597 : durant les différentes escarmouches qu’on livra continuellement dans la plaine, plusieurs remarquèrent que quand le combat se passait entre cuirassiers ou carabins de part et d’autre, l’avantage demeurait pour l’ordinaire aux Français, mais que lorsque les gendarmes flamands ou franc-comtois entraient en lice, la cavalerie française ne pouvait soutenir le choc de leurs lances. Pour obvier à cet inconvénient qui causait beaucoup de perte et de chagrin à la noblesse, le Roi s’avança à la tête de ses escadrons, ordonnant de ne point se serrer en escarmouchant, mais de laisser beaucoup de vide entre eux. On en fit l’essai plusieurs fois, et l’on vit que le choc des lances ne rencontrant rien de solide, demeurait presqu’entièrement inutile. Cette manœuvre produisit un grand avantage, tant parce qu’on escarmouchait par pelotons dans une vaste plaine, où il était aisé de s’étendre, que parce que les lances des Espagnols étaient en très-petit nombre, en comparaison de la cavalerie française.

La cavalerie hollandaise va suivre l’exemple français en abandonnant la lance au cours des années quatre-vingt-dix. En 1591, à Knodsenbourg, le prince Maurice de Nassau dispose de quatre cornettes de lanciers et deux cornettes de carabins alors qu’en 1597, la cavalerie hollandaise n’est plus composée que de cuirassiers : à la bataille de Tielsche-Heyd, près de Turnhout, en 1597, la cavalerie portant des grandes pistoles avait l’avant-garde, et était divisée en six troupes (Les lauriers de Nassau, par Jean Orlers et Henry de Haestens, 1612). À Nieuport, en 1600, la cavalerie est uniquement formée de cornettes de cuirassiers, accompagnées de quelques-unes de carabins alors que les Espagnols possèdent plusieurs cornettes de lanciers. L’armée du Cardinal Albert qui se porte au secours de la ville d’Amiens, en 1597, compte ainsi 1 500 lanciers, soit la moitié de la cavalerie espagnole. Les Espagnols seront les derniers à aligner des escadrons de lances, ne les abandonnant que vers 1633.

 

Officier et lancier espagnols vers 1620-1630 (Aquarelle de K.A. Wilke)

Gendarmes, chevaux légers et carabins

Il existe encore, en France, comme en Espagne ou en Savoie, des compagnies de gendarmes. Mais il ne s’agit plus des anciennes compagnies d’ordonnance, qui disparaissent dans les années 1590. Au début du XVIIe siècle, selon Du Praissac, les compagnies de gendarmes ou d’hommes d’armes, sont divisées en compagnies de cent hommes d’armes, au moins celles du Roy, des Princes, du Connétable & des Maréchaux de France, les autres ne sont pas si fortes. Louis de Montgommery nous décrit des compagnies de gendarmerie plus fortes sous Henri IV (vers 1603) : nous laisserons les compagnies de gendarmes complètes de 200 maîtres pour les princes, officiers de la couronne et gouverneurs de provinces ; et les autres de 100 pour les seigneurs, et ceux auxquels il plaira au roi d’entretenir, effectif confirmé par l’ordonnance du 29 avril 1611. Et il décrit en détail leur équipement : leurs armes seront complètes, et useront de grèves et genouillères, dedans ou dessus la botte ; la cuirasse à l’épreuve de l’arquebuse devant et derrière ; ils porteront au lieu de la lance une escopette de celles que l’on fait maintenant, lesquelles tirent à 500 pas, car elles ne sont guère plus longues ni plus empêchantes que les pistolets de l’autre côté de l’arçon, ils y mettront un pistolet chargé d’un carreau d’acier, d’une flèche acérée.  (…) Pour l’ordre de combattre, chaque brigade (une compagnie se décompose en quatre brigades) se mettra cinq à cinq, qui fera pour la compagnie de 200 hommes d’armes 20 de front et 10 rangs, au troisième rang le guidon, et l’enseigne au cinquième. (…) Pour entrer au combat, ils doivent allé au pas, jusqu’à 100 pas de l’ennemi, puis au trot jusqu’à 25 ou 30, cela se juge à l’oeil, gardant toujours soigneusement leurs rangs, l’escopette sur la cuisse et le pistolet avec le chien couché dans le fourreau : lors les trompettes sonneront la charge, et les enfants perdus feront leur salut (feront feu), et eux tenant à demi bride, tireront leurs escopettes, les appuieras sur le poing de la bride au moins des premiers rangs, et lors chargeront à toute bride le pistolet à la main lequel ils ne tireront point qu’appuyé dans le ventre de l’adversaire, au dessous du bord de la cuirasse dans la première ou seconde lame de la tassette (s’il est possible).

Concernant les chevaux légers, Montgommery les décrit comme des gendarmes plus légèrement armés : quant aux chevaux légers, les troupes seront toutes de 100 maîtres, feront 3 quadrilles, et en useront comme nous avons dit des gendarmes ; ils s’armeront d’armes complètes, ayant une cuirasse à preuve et le reste léger ; ils auront un pistolet à l’arçon sous la main de la bride, et à l’autre leur salade ou habillement de tête. Leur apparence ne se modifie guère entre les années 1590 et 1620 comme nous le montre cette description des chevaux légers du Roi en 1614 : suivaient les chevaux légers de la compagnie (du Roy), armés & cuirassés le casque en tête, les guidons en main, avec les écharpes & livrées de sa Majesté.

Mais si Montgommery prescrit que la cavalerie combatte sur 10 rangs, le sieur Du Praissac, qui écrit dix ans plus tard et est plus imprégné des théories de Maurice de Nassau,  préconise que des compagnies de 108 chevaux se déploient sur 6 rangs.

Montgommery donne la paternité des carabins aux Espagnols et les décrit ainsi : les carabins sont institués pour entamer le combat, pour suivre la victoire, pour les retraites, et pour les escarmouches : ils sont nommés carabins par les Espagnols qui en ont été les auteurs. Melzo affirme pour sa part que les arquebusiers à cheval furent inventés par les Français, lors des dernières guerres du Piémont qui les appelèrent dragons, nom qu’ils gardent encore. (…) Les Arquebusiers à cheval sont de grand profit si on les emploie avec raison : parce qu’ils sont bien utiles pour les gardes des quartiers, pour les escortes (surtout lorsqu’on escorte des voitures) pour battre l’estrade et pour aller prendre langue. Il décrit plus loin les carabins et la manière de combattre qu’ils doivent adopter : leurs armes doivent être, une cuirasse échancrée à l’épaule droite, afin de mieux coucher en joue, un gantelet à coude pour la main de la bride, un cabasset en tête, et pour armes offensives une longue escopette de 3 pieds et demi pour le moins ; les plus longues se porteront mieux en écharpe. Il doit porter aussi un pistolet comme les autres. Les carabins doivent être prompts à recharger, et pour cet effet porter des cartouches à la reître, et quantité de poudre et de plomb sur eux, chacun un bon cheval et vif, mais non pas des petits bidets. Pour leur manière de combattre étant dans l’ordre que j’ai dit ci-devant, seront 15 de front et 7 à 8 rangs ; les 2 quadrilles de carabins à main gauche, trois à trois, celle du maréchal des logis s’avancera la première conduise par son caporal, lequel aura une longue arquebuse au poing. Jérémie de Billon nous dit, vers 1610, que la compagnie de carabins serait de soixante hommes (…). Ils auraient la cuirasse à l’épreuve et un pot ou salade sans autres armes défensives. Et pour armes offensives, une grosse arquebuse à rouet de trois pieds ou un peu plus, ayant fort gros calibre, et l’épée au côté, et un pistolet court, c’est comme le roi les a lui-même institué.

Ces carabins, armés, selon Davila, pour la plupart de plastrons & de casques, & montés sur de petits chevaux vifs & exercés à toutes les évolutions, sont redoutés de l’ennemi.

Gendarme/Cuirassier vers 1630 (Aquarelle de K.A. Wilke)

 

De la compagnie au régiment de cavalerie

Au début du XVIIe siècle, les impériaux lèvent déjà des régiments de cavalerie comptant de 5 à 10 compagnies de 100 chevaux. Beaucoup de ces régiments  joignent compagnies de cuirassiers et d’arquebusiers. Ainsi les trois régiments wallons, de 500 chevaux chacun, envoyés au Palatinat en 1620, comptent 3 compagnies de cuirassiers et 2 compagnies d’arquebusiers chacun. Cette même année, plusieurs régiments de la Ligue catholique comptent 600 cuirassiers et 400 arquebusiers. Une compagnie comprend le plus souvent un capitaine (Rittmeister), un lieutenant, un cornette, un fourrier, 3 caporaux, 3 trompettes, un maréchal-ferrant, parfois un secrétaire (mustershreiber), un armurier (plattner), un maréchal des logis, un quartier-maître et un prévôt. Walhausen propose que les compagnies de cuirasses soient de 100 hommes pour le moins, les compagnies d’arquebusiers, qu’il appelle aussi carabins ou bandeliers à cheval, de 50 à 60 chevaux et les compagnies de dragons de 200 hommes.

La cavalerie danoise du roi Christian IV, qui combat pour la cause protestante de 1625 à 1629, est aussi organisée en régiments. Chaque régiment compte 6 compagnies de 106 chevaux. Une compagnie se divise en quatre troupes, trois de 27 cuirassiers et une de 25 arquebusiers.

La seule unité permanente, en France, en Hollande et en Espagne, reste la compagnie franche d’une centaine de chevaux. Louis de Montgommery propose, à l’aube du XVIIe siècle, que chaque compagnie de chevaux légers ait une troupe de 50 carabins avec elle, en deux quadrilles de 25, sous la charge d’un lieutenant.  Mais, en 1621, les troupes de carabins seront séparées des compagnies de chevaux légers, et formeront un corps particulier sous un mestre de camp des carabins, Arnaud de Corbeville. Et il faudra attendre 1635 pour voir en France la première tentative de formation en régiments, que ce soit de carabins ou de chevaux légers. Hollandais et Espagnols font aussi combattre leurs compagnies d’arquebusiers à cheval de concert avec les cuirassiers. Ainsi, à Nieuport, le comte Louis-Günther de Nassau commande à 3 compagnies d’arquebusiers de s’avancer et faire leur décharge alors qu’il les suit de près avec 5 ou 6 compagnies de cuirassiers.

Quand à la manière de faire combattre, le cavalerie combat en escadrons de 200 à 700 chevaux sur une dizaine de rangs de profondeur. Certains généraux privilégient de gros escadrons, d’autres, comme le prescrit Montgommery, de petits escadrons, plus faciles à commander. C’est effectivement ce que fit Henri IV à Ivry, selon Palma de Cayet : le Roy, qui avait expérimenté en d’autres batailles et combats qu’il était plus avantageux de faire combattre la cavalerie en escadron qu’en haye. Le Roi juge donc, selon Davila, à propos de partager sa cavalerie en plusieurs escadrons, pour affaiblir le choc des lances, & afin que dès qu’elles auraient chargé, deux ou trois escadrons moins gros pussent les attaquer de toutes parts, & ne pas exposer toute sa cavalerie à essuyer de front la violence de leur première charge. Chacun de ces escadrons comptent 250 à 400 chevaux, à l’exception du sien qui en fait 600. Espagnols et Hollandais forment aussi des escadrons de 200 à 400 chevaux en regroupant 2 à 4 compagnies. Les Espagnols les appellent trozos, les Hollandais, troupes.

Au début de la guerre de Trente ans, les escadrons comptent en moyenne 400 chevaux, que ce soient ceux de Tilly ou ceux des protestants. Les catholiques forment leurs escadrons sur 10 rangs alors que les protestants adoptent des formations moins profondes, sur 6 rangs. Ces formations étaient bien adaptées à la tactique de la caracole, privilégiant le feu à la charge épée en main. Chaque rang de cavalier avance alors à 30 ou 50 pas de l’ennemi, fait feu puis se retire à l’arrière de l’escadron pour recharger. La caracole en «limaçon» est similaire, à la différence que le tir se fait par file : la file de gauche s’avance, tourne sur sa droite de façon à présenter son flanc gauche à l’ennemi, fait feu, fait le tour de l’escadron et vient se replacer à sa position d’origine pour recharger.

L’allègement de la cavalerie lui permet par ailleurs de démonter, comme c’était le cas durant la guerre de cent ans. Montgommery termine ainsi son ouvrage par les mots suivants : toutefois la cavalerie généreuse, pleine de noblesse, comme la nôtre, peut en partie intervenir à ces défauts, car elle est si volontaire & prompte au service de son Roy, & encline à l’honneur, que volontiers une partie, voire tous mettront pied à terre pour quelque grand effet, chose que nous avons vu souvent exercer durant nos dernières guerres civiles. Car quand nous mettrons dans chaque régiment français 200 gentilshommes & 100 carabins à pied, la pique à la main, & le pistolet en écharpe, il n’y a bataillon d’Espagnols ni même de Wallons, lesquels je crois être des meilleurs fantassins du monde qui n’en fut sauvé, témoin le convoi de Lan. Cet épisode est décrit en détail par Sully dans ses mémoires. Il s’agit de l’attaque, par le maréchal de Biron, d’un convoi espagnol défendu par 100 chevaux et 1 600 à 1 800 fantassins espagnols, wallons et allemands : le combat tirant en longueur, Biron ordonna donc pour dernière ressource, que les 100 gentilshommes missent pied à terre, qu’ils joignissent à leurs armes, qui étaient l’épée et le pistolet, la pique (il en avait fait apporter en quantité), et qu’ils remmenassent à la charge nos gens de pied français et suisses, qui n’avaient encore pu entamer les Espagnols. Les Espagnols cédèrent enfin et se sauvèrent dans les bois et sous les chariots, après avoir jeté leurs armes. Cette pratique n’est pas propre à la cavalerie française puisque Tilly, qui combat alors, en 1600, en Hongrie sous le comte de Mercoeur, fait aussi démonter ses cuirassiers au moins en une occasion, pour repousser une bande de 3 000 Tartares.

Stéphane Thion